(Dubaï, Émirats arabes unis) La COP28 a accouché mercredi d’un accord climatique marquant le début d’une « transition hors des combustibles fossiles », un texte jugé modeste, mais néanmoins historique par les observateurs et États signataires.

« Nous avons une mention des combustibles fossiles dans notre accord final pour la toute première fois », s’est félicité le président de la conférence, Sultan Ahmed al-Jaber, après avoir rapidement déclaré le texte adopté, d’un coup de maillet, dès les premières minutes de la séance plénière.

Cet accord « est le consensus des Émirats arabes unis », a-t-il lancé fièrement, après avoir savouré le tonnerre d’applaudissements de la salle.

Le texte adopté par les pays réunis à Dubaï « appelle les parties » à amorcer une transition pour éliminer toute forme de combustible fossile dans les systèmes énergétiques, en « accélérant l’action au cours de cette décennie critique », conformément à ce que prescrivent les données scientifiques pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

Dans le jargon onusien, « appeler » est une invitation à l’action, mais « c’est le terme le plus faible » pour la formuler, a réagi Leo Hickman, éditeur et directeur du site spécialisé Carbon Brief, sur le réseau social X.

Il s’agit néanmoins d’une amélioration par rapport à la formulation conditionnelle que contenait l’ébauche de texte qui avait été publiée lundi et qui s’était attiré un déferlement de critiques.

L’accord appelle aussi les pays à « accélérer les efforts en vue de l’élimination progressive de l’électricité produite à partir du charbon sans dispositif d’atténuation (unabated) », à tripler la capacité de production d’énergies renouvelables au niveau mondial et à doubler le taux annuel moyen d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030.

« La formulation du texte est exceptionnellement imprécise et ouvre la porte à toutes sortes d’interprétations (erronées), a estimé M. Hickman. Néanmoins, il s’agit d’un progrès. »

L’adaptation aux changements climatiques, jusqu’alors négligée, joue finalement un « rôle clé dans les résultats de la COP28 », a souligné Ana Mulio Alvarez, chercheuse au centre de réflexion Environnementalisme de troisième génération (E3G).

« Il existe désormais une voie à suivre pour améliorer les mesures d’adaptation », a-t-elle souligné, y voyant « le début d’un effort mondial formel et coordonné ».

Cap sur 1,5 °C

Le texte renforce l’objectif de limiter la hausse de la température mondiale de la Terre à 1,5 degré Celsius, a souligné l’émissaire des États-Unis pour le climat, John Kerry, dans une conférence de presse suivant l’adoption de l’accord.

« Ce n’est pas 2 [degrés] ou bien en dessous de 2, c’est 1,5, les amis, s’est-il exclamé. C’est mentionné 13 fois dans le texte ! »

Un accord plus ambitieux sur la question de l’abandon des énergies fossiles aurait été souhaitable, a reconnu M. Kerry, soulignant toutefois que les pays qui tenteront d’en exploiter les failles devront subir l’opprobre.

« Essayez de vous présenter à la prochaine COP en n’ayant rien fait [pour améliorer votre bilan] », a-t-il mis en garde.

PHOTO AMR ALFIKY, REUTERS

John Kerry

Même si le texte adopté manque de mordant, cette toute première mention des énergies fossiles dans un accord international en trois décennies de négociations climatiques fera en sorte que les conférences à venir « ne feront que resserrer la vis sur les énergies sales », a estimé Mohamed Adow, directeur de l’énergie et du climat au centre de réflexion Power Shift Africa.

Pas d’objections, mais des déceptions

Aucun pays ne s’est opposé à l’accord, mais certains ont évoqué leur déception lors de la longue séance plénière qui a suivi son adoption.

« C’est un petit pas dans la bonne direction, un bon message, mais dans le contexte actuel, alors que les températures montent et que les gens meurent, ce n’est pas suffisant », a déclaré le représentant des îles Marshall.

L’Alliance des petits États insulaires s’est d’ailleurs plainte de l’adoption rapide du texte, alors que ses représentants n’étaient pas encore arrivés dans la salle.

« Nous avons fait un pas en avant par rapport au statu quo, mais c’est d’un changement exponentiel dont nous avions vraiment besoin », a regretté sa présidente Anne Rasmussen, représentante des îles Samoa, à qui les délégués ont réservé une ovation debout.

« [Ces applaudissements] démontrent les efforts à faire pour respecter nos engagements », a déclaré le représentant états-unien John Kerry, saluant un texte « plus fort qu’aucun autre auparavant ».

La Chine, dont l’émissaire pour le climat Xie Zhenhua a fortement contribué à l’atteinte du compromis adopté, selon divers observateurs, a salué l’accord, tout en regrettant que les préoccupations des pays en développement n’y soient « pas pleinement prises en compte ».

PHOTO RAFIQ MAQBOOL, ASSOCIATED PRESS

John Kerry et Xie Zhenhua

L’Arabie saoudite, qui s’était ouvertement opposée durant la conférence à toute mention des énergies fossiles dans le texte final, avant de lâcher du lest, a vanté un accord permettant d’atteinte l’objectif de limiter la hausse de la température moyenne de la Terre à 1,5 degré Celsius « en respectant les caractéristiques de toutes les nations ».

Le résultat de la COP28 est « monumental », a quant à lui réagi le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, à son retour au Canada.

« Nous sommes parvenus à un consensus mondial […] pour assurer une transition vers des énergies propres, en s’éloignant des combustibles fossiles », a-t-il souligné.

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  • 83 milliards
    Montant total des engagements financiers privés, publics et institutionnels annoncés durant la conférence
    source : COP28