Rien ne pourra empêcher la fonte des glaciers et par conséquent une hausse du niveau des océans. C’est le dur constat posé par l’Organisation météorologique mondiale dans son plus récent rapport dévoilé vendredi.

1 million de kilomètres carrés de glace en moins

« La fonte des glaciers et l’élévation du niveau de la mer – qui a de nouveau atteint des chiffres record en 2022 – se poursuivront pendant des milliers d’années », soutient l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans son plus récent rapport intitulé L’état du climat mondial en 2022. Depuis 1970, la perte d’épaisseur cumulée des glaciers de référence s’élève à près de 30 mètres. En Antarctique, la surface glacée a reculé à 1,9 million de kilomètres carrés en février 2022, le plus bas jamais enregistré. C’est 1 million de kilomètres carrés de moins que la moyenne annuelle enregistrée entre 1991 et 2020.

« Une situation inquiétante en Arctique »

Dans l’hémisphère Nord, la surface glacée du Groenland a reculé pour la 26e année d’affilée, rappelle l’OMM. La station Summit, située sur le plus haut sommet de l’île, a enregistré le mois de septembre le plus chaud de son histoire en 2022. Deux autres premières se sont ajoutées pour ce mois de l’année : la glace a commencé à fondre et de la pluie est tombée. La fonte des glaces risque d’accélérer les effets du réchauffement planétaire, puisque celles-ci contribuent à refléter les rayons du soleil. L’eau, au contraire, les absorbe, ce qui fait monter la température des océans. « La situation est particulièrement inquiétante en Arctique puisque les rayons du soleil y sont réfléchis à presque 100 % par la glace », indique Alain Bourque, directeur général du consortium québécois Ouranos.

Des records en Europe

L’OMM signale aussi que la quarantaine de glaciers suivis par le Service mondial de surveillance des glaciers voient leur masse diminuer presque chaque année depuis 1950. C’est notamment dans les Alpes européennes qu’on peut trouver les signes les plus visibles de ce phénomène. L’OMM note que l’Europe a battu des records de fonte des glaciers en 2022. Le faible enneigement hivernal, l’arrivée de poussière saharienne en mars et des vagues de chaleur entre mai et septembre en sont les principales causes. Les glaciers suisses, eux, ont perdu 6 % de leur volume de glace entre 2021 et 2022, et un tiers entre 2001 et 2022.

Gare à El Niño

En commentant le rapport de l’Organisation météorologique mondiale, Alain Bourque fait remarquer que les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, « malgré le phénomène de La Niña » des trois ou quatre dernières années. La Niña, rappelons-le, contribue à un refroidissement des températures, contrairement à son cousin, El Niño, qui provoque un réchauffement. Selon M. Bourque, les températures observées au cours des dernières années auraient été encore plus élevées sans l’effet La Niña. « Ce qui est très inquiétant, c’est que maintenant que La Niña est terminée, El Niño est en vue. Si ça se produit, on va battre le record de l’année 2016 [année la plus chaude]. Selon les scientifiques, il y a 66 % de chances qu’on termine l’année 2023 avec l’arrivée d’El Niño », précise-t-il.

Trop de CO2 dans l’atmosphère

« Nous avons déjà émis une telle quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère qu’il faudra plusieurs décennies pour mettre fin à cette tendance négative, a déclaré le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas. La partie est déjà perdue pour la fonte des glaciers et pour l’élévation du niveau de la mer, c’est donc une mauvaise nouvelle. »

PHOTO FABRICE COFFRINI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale, Petteri Taalas, en conférence de presse pour la sortie du dernier rapport de l’OMM, vendredi

Jeudi dernier, la station de Mauna Loa, à Hawaii, a enregistré une concentration de CO2 de 423,25 parties par million (ppm) dans l’atmosphère, alors qu’elle pointait à 420,66 ppm un an plus tôt. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la limite à ne pas dépasser pour contenir le réchauffement planétaire à 1,5 °C est de 350 ppm.

Gare aux points de bascule

Selon Alain Bourque, la fonte des glaciers risque fort de provoquer une boucle de rétroaction positive qui va accentuer les effets des changements climatiques. Les scientifiques ont plusieurs fois servi des mises en garde au sujet de ces points de bascule dont on ne connaît pas encore tous les effets. « On ne pourra pas reconstituer ça, 1 million de kilomètres carrés de glace qui a disparu. Le niveau des océans qui grimpe, on ne pourra pas le faire redescendre », illustre le scientifique québécois. Son autre sujet d’inquiétude, c’est que les écosystèmes risquent d’absorber de plus en plus difficilement les effets du dérèglement climatique. La Colombie-Britannique, qui a fait face récemment à une sécheresse, des incendies de forêt et des inondations, est un bon exemple, selon lui. « Ce n’était pas seulement de la malchance. Les effets ont été pires parce que les écosystèmes avaient subi les conséquences répétées des changements climatiques dans les 20 années précédentes. »

Avec l’Agence France-Presse

Consultez le rapport de l’Organisation météorologique mondiale (en anglais)
En savoir plus
  • 1,15 °C
    En 2022, la planète s’était réchauffée de 1,15 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
    Source : Organisation météorologique mondiale
    12 801 600 000 000
    C’est la quantité approximative de mètres cubes d’eau qui s’ajoute dans l’océan chaque année en raison de la hausse du niveau de la mer de 3,3 mm annuellement. Depuis le début du XXe siècle, le niveau des océans a augmenté de 178 mm.
    Source : Organisation météorologique mondiale