Le fabricant de téléphones cellulaires Fairphone voudrait… que vous n’achetiez pas son appareil !

Parce que réparer le téléphone que vous possédez déjà est beaucoup plus écologique que de le remplacer.

Le hic, c’est que la plupart des téléphones portables sont difficiles à réparer, quand ce n’est pas carrément impossible.

À l’opposé, le téléphone de Fairphone, lui, est conçu pour être réparé et amélioré ; l’entreprise des Pays-Bas vend d’ailleurs les pièces de rechange sur son site internet et offre des tutoriels pour aider les utilisateurs à faire eux-mêmes les réparations.

Avec un simple tournevis, il est facile de retirer les différents composants du Fairphone, qui ne sont ni collés ni soudés, comme c’est le cas dans de nombreux autres appareils.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le téléphone de Fairphone est conçu pour être réparé et amélioré.

Le Fairphone est d’ailleurs le seul téléphone cellulaire qui obtient la note de 10 sur 10 au palmarès du réputé site internet collaboratif iFixit, qui a pour mission de favoriser la diffusion des connaissances sur la réparation d’appareils en tous genres.

Consultez le site iFixit

Téléphone équitable

Lancé en 2013, le Fairphone est né d’une campagne de sensibilisation sur l’utilisation dans les téléphones de minéraux provenant de zones de conflits en République démocratique du Congo, explique Anna Jopp, porte-parole de l’entreprise.

« Initialement, l’objectif n’était même pas de fabriquer un téléphone, c’était simplement d’attirer l’attention sur ce problème, dit-elle. La réaction a été forte, mais les gens ont souligné qu’il n’y avait pas de solution de rechange sur le marché. »

Le premier modèle de Fairphone a donc été conçu avec le souci d’utiliser des matériaux « équitables », mais il n’était pas réparable ; la « modularité » est venue avec le deuxième modèle, lancé en 2015, raconte Mme Jopp.

Il est encore impossible de produire un téléphone composé à 100 % de matériaux durables et équitables, indique Fairphone, mais l’entreprise travaille à augmenter la part des 14 principaux minéraux composant ses appareils qui proviennent de sources responsables, dont l’or, le cobalt et l’étain.

PHOTO FOURNIE PAR ANNA JOPP

Anna Jopp, porte-parole de Fairphone

Fairphone en est maintenant à son 4modèle en 10 ans d’existence, ce qui peut paraître contradictoire pour une entreprise qui incite les gens à ne pas remplacer leurs appareils, mais ça demeure beaucoup moins qu’Apple et ses 38 différents modèles d’iPhone lancés en 16 ans.

« Pour permettre aux gens de conserver leur téléphone vraiment longtemps, il faut aussi offrir un téléphone qui est à jour », défend Anna Jopp, soulignant que Fairphone continue d’offrir le soutien technique pour ses anciens modèles, contrairement aux grands fabricants.

Performance honnête

D’un point de vue technique, le Fairphone 4 est un téléphone de milieu de gamme aux performances honnêtes, mais vendu à un prix plutôt élevé pour cette catégorie.

La Presse en a utilisé un prêté par l’entreprise en décembre et en janvier et l’a soumis aux tests d’étalonnage Geekbench 5, un logiciel qui évalue la rapidité du processeur et sa capacité de traitement graphique.

Il se comparerait à un TCL 30 mis en marché à l’été 2022 au coût de 485 $, alors qu’il faut débourser 579 euros (842 $ CAN) pour le Fairphone 4 ; d’autres téléphones aux performances supérieures se vendent aussi moins cher, comme l’iPhone SE, le Pixel 6a ou le Galaxy A53.

Les photos livrées par le Fairphone 4 sont acceptables, mais manquent singulièrement de contraste et affichent des couleurs délavées.

L’interface logicielle de l’appareil est toutefois impeccable, stable et bien fignolée : pas de soubresauts ou d’attente indue lors du démarrage des applications, sauf pour des jeux exigeants ou des vidéoconférences où la latence est plutôt évidente.

Les matériaux utilisés pour la coque, classée IP54 pour sa résistance à la poussière et aux projections d’eau, promettent une bonne durabilité.

Une « belle solution »

Le Fairphone est une « belle solution », estime l’analyste en réduction à la source de l’organisation écologiste Équiterre Amélie Côté, qui salue notamment le fait que les mises à jour de l’appareil affectent peu son efficacité, contrairement à d’autres appareils.

« C’est le problème d’obsolescence logicielle, où une mise à jour va ralentir indûment le fonctionnement d’un appareil, ce qui peut pousser à son renouvellement », explique-t-elle – une pratique notamment reconnue par Apple dans le passé.

Il faudrait forcer les autres entreprises à rendre leurs appareils plus facilement réparables, estime Mme Côté, soulignant que le téléphone intelligent est l’appareil électronique qui brise le plus fréquemment.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Amélie Côté, analyste en réduction à la source d’Équiterre

Ça prend un encadrement législatif ambitieux, basé sur le droit à la réparation de la France, parce qu’on ne peut pas juste compter sur l’industrie pour s’autoréglementer.

Amélie Côté, analyste en réduction à la source d’Équiterre

Le Fairphone n’est pas encore vendu en Amérique du Nord, mais cela fait partie de la « liste de souhaits » de l’entreprise, encore trop petite pour fournir le marché nord-américain et y offrir le service à la clientèle, explique Anna Jopp.

L’entreprise est bien au fait que des Fairphone sont utilisés en Amérique du Nord, mais souligne que l’appareil n’est pas optimisé pour les fréquences nord-américaines et qu’il pourrait ne pas fonctionner à certains endroits.

Fairphone ou pas, une autre façon de réduire l’empreinte carbone de son téléphone cellulaire est d’acheter un appareil remis à neuf, une pratique de plus en plus répandue, souligne Amélie Côté.

Précision : Dans une version précédente de ce texte, une erreur de mise en page a fait en sorte d’attribuer la phrase « Fairphone en est maintenant à son 4modèle en 10 ans d’existence, ce qui peut paraître contradictoire pour une entreprise qui incite les gens à ne pas remplacer leurs appareils, mais ça demeure beaucoup moins qu’Apple et ses 38 différents modèles d’iPhone lancés en 16 ans » à la porte-parole de Fairphone, or, il ne s’agissait pas d’une citation. Nos excuses.

En savoir plus
  • 70 kg
    Quantité de ressources nécessaires à la fabrication d’un téléphone cellulaire, soit environ 600 fois son poids
    source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie de France
    78 %
    Proportion de l’empreinte carbone totale d’un téléphone que peut représenter l’étape de sa fabrication
    source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie de France
  • 3 %
    Proportion des téléphones cellulaires récupérés au Québec en 2021
    source : Société québécoise de récupération et de recyclage (Recyc-Québec)