Plus d’un mois après Noël, de nouveaux objets de plastique se sont accumulés dans les tiroirs des familles québécoises. Faute d’autres solutions, ces objets feront partie du poids en kilogrammes d’ordures ménagères produites par ces foyers. Ce sont des jouets : vite oubliés, trop vite jetés.

Quand l’on tape « jouet » dans la barre de recherche de Ça va où, application lancée par Recyc-Québec pour conseiller les consommateurs sur le recyclage, deux possibilités apparaissent : « écocentre » pour le recyclage ou « organisation de réemploi ».

En fonction depuis 2006, Réno-Jouets est l’une de ces organisations de réemploi. Sa présidente, Annie Asselin, propose de donner une seconde vie aux jouets usagés. Selon son site, l’organisation aurait déjà récupéré plus de 1,2 million de jouets. « De notre côté, c’est plutôt de la revalorisation. On lave les jouets, on les complète », précise Annie Asselin. Ces jouets ne sont généralement pas cassés.

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Annie Asselin, présidente de Réno-Jouets

« Il y a beaucoup de choses qui se font sur le plan de la réutilisation au Québec. La durée de vie des jouets est souvent longue et ces produits peuvent être réutilisés », note Sophie Langlois-Blouin, vice-présidente à la performance des opérations Recyc-Québec.

Revalorisation, réutilisation... mais qu’en est-il des jouets en fin de vie, ceux morts d’usure ?

Mille et un plastiques 

« Le plastique des jouets est irrécupérable », tranche Annie Asselin.

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Denis Rodrigue, professeur au département de génie chimique de l’Université Laval

Les jouets sont souvent un assemblage de pièces et la majorité de ces pièces sont fabriquées avec des plastiques différents. Il y a donc un problème de séparation des matériels.

Denis Rodrigue, professeur au département de génie chimique de l’Université Laval

Les plans d’action se centrent davantage sur les « autres R » : réparation, réutilisation. Tout de même, « des financements sont possibles pour des projets qui encouragent la récupération et le recyclage de certains produits, souligne Sophie Langlois-Blouin. Nous avons appuyé un projet de récupération des frisbees, par exemple, mais c’est un produit qui n’est constitué que d’un seul type de plastique. »

Une filière en France

Ailleurs, le jouet est à l’origine de débats plus avancés et de politiques particulières. En France, une REP – filière à responsabilité étendue des producteurs – a été mise en place en janvier 2023. « Avec la REP, les producteurs qui mettent des jouets en marché ou qui les distribuent vont devoir payer une écocontribution pour participer aux frais que coûte la fin de vie d’un jouet. Les filières REP financent aussi la prévention, notamment le développement du réemploi, de la réparation », explique Alice Elfassi, responsable des affaires juridiques de l’association française Zero Waste investie dans la lutte pour le zéro déchet.

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Alice Elfassi, responsable des affaires juridiques de l’association française Zero Waste

Le plan d’action français comprend des objectifs plus ou moins ambitieux. D’ici 2024, 28 % des jouets devront être collectés indépendamment des autres déchets, dans les magasins de grande distribution, par exemple. Les objectifs de recyclage sont quant à eux fixés à 35 % des jouets non réparables recyclés en 2024 et à 55 % en 2027. S’ajoutent à cela des objectifs de réemploi de 6 % en 2024 et 9 % en 2027.

Ces ambitions sont nécessaires, mais encore trop faibles ou contradictoires, selon Zero Waste. « L’objectif de réemploi ne nous semble pas assez important pour une filière déjà développée comme celle de la réutilisation des jouets, note Alice Elfassi. À la fois, les REP permettent d’obtenir des résultats, mais encouragent aussi la surproduction. C’est sur la mise en marché des produits neufs que la taxe s’applique. »

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Réno-Jouets est en fonction depuis 2006.

Où en est-on au Québec ?

Au Québec, les filières à responsabilité étendue du producteur ne sont pas ignorées, mais seulement appliquées de manière spécifique. « Il y a certains jouets déjà visés par des programmes de responsabilité étendue du producteur : les consoles de jeux, les jouets avec des piles, par exemple », souligne Sophie Langlois-Blouin. « Au Québec, on n’a pas encore d’étude précise nous permettant de savoir ce qui se retrouve à la récupération en matière de jouets. Le portrait est manquant », poursuit tout de même la vice-présidente à la performance des opérations de Recyc-Québec

La complexité des jouets encourage donc la création d’une filière consacrée à leur collecte et à leur traitement. Une tâche ambitieuse, qui ne semble pas être une priorité face à l’accumulation d’autres déchets. « Sans vouloir minimiser, le jouet reste marginal en termes de tonnage », souligne Sophie Langlois-Blouin. « Les écocentres sont déjà pleins de produits plus problématiques que les jouets », note Denis Rodrigue.

Le professeur préconise davantage l’application du modèle français d’une collecte des déchets à la source, chez les grands diffuseurs de jouets, par exemple. « Il y a aussi l’enjeu de la mise en place d’un fonds d’aide pour la réparation, avec une participation imposée des metteurs en marché. Pour l’instant, ça n’a pas été mis en œuvre pour les jouets », confirme Alice Elfassi.

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  • 100 000 tonnes
    Quantité de jouets mis au rebut chaque année en France. Le coût de leur réemploi est compris entre 5000 et 9000 euros (de 7300 $ à 13 100 $ CAN) pour une tonne de jouets, estimait l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en 2020 dans son étude préalable à la création de la filière REP.
    Source : Agence France-Presse