(Churchill) Il est avachi au soleil face aux vagues, loin de la banquise. Sur les rochers, sa fourrure blanche est un camouflage inutile. Pour cet ours polaire canadien, mâle à l’énorme carrure, la vie tourne désormais au ralenti loin de ses proies, les phoques.  

Dans la baie d’Hudson dans le nord du Canada, au milieu de l’été, les derniers morceaux de glace sont comme des confettis dans l’immensité bleue. Autour, la côte est quasiment plate, faite de rocailles, de hautes herbes et d’arbres maigrichons qui peinent à pousser.  

C’est une période critique pour les ours de la région. Tous les ans, à partir de fin juin quand la glace disparaît, ils sont contraints de s’installer sur ce rivage et de commencer une période de jeûne, de plus en plus longue et dangereuse pour eux.  

L’été, la banquise commence à fondre de plus en plus tôt et la glaciation hivernale survient plus tard : tout le rythme annuel de l’ours polaire est remis en cause et les naissances chutent.

« Dans certains endroits, ils peuvent trouver une carcasse de béluga ou un phoque imprudent près du rivage, mais, la majorité du temps, ils jeûnent et perdent autour d’un kilo par jour », explique Geoff York, biologiste pour Polar Bears International (PBI), qu’une équipe de l’AFP a pu accompagner lors d’une expédition.

En Arctique, le réchauffement climatique est trois fois plus rapide qu’ailleurs dans le monde, voire quatre fois selon les études les plus récentes.

Selon un rapport publié dans Nature Climate Change en 2020, cela pourrait signer la quasi-extinction de cet animal emblématique : de 1200 individus dans les années 1980, la population d’ours polaires dans l’ouest de la baie d’Hudson est passée à environ 800 aujourd’hui.

Ce superprédateur de l’Arctique en vient parfois à manger des algues. Comme cette mère et son petit, aperçus à quelques encablures du port de Churchill, qui s’est autoproclamé « capitale de l’ours polaire ».

Il s’approche aussi davantage des villes. À Churchill, les ours avaient pris l’habitude il y a quelques années de fréquenter la déchetterie source de nourriture facile – mais néfaste – pour eux.

Depuis, des précautions ont été prises. La déchetterie est l’un des lieux les mieux gardés. Partout dans la ville, portes des voitures et des maisons restent ouvertes au cas où il faille s’y réfugier après une mauvaise rencontre avec le plus grand carnivore terrestre.

Sur tous les murs est placardé le numéro d’urgence pour joindre la brigade de sauvegarde de la faune.

Certaines zones sont plus surveillées, notamment les abords de l’école, le matin, avant l’ouverture des portes.

En cas d’alerte, Ian Van Nest, officier provincial de la brigade, et ses collègues sautent dans leur pick-up armés d’un fusil et d’une bombe de répulsif, gilet par balle sur le dos. « Parfois, il faut étourdir l’ours, parfois il suffit de klaxonner », explique Ian. Parfois aussi, il faut le mettre en prison.

Le cas de l’ours blanc devrait nous alarmer, car l’Arctique est un bon « baromètre », prévient Flavio Lehner, professeur des sciences de la terre et de l’atmosphère à l’université américaine Cornell.

Depuis les années 1980, la banquise a diminué de près de 50 % en été selon le National Snow And Ice Data Center.