Ajouter des restrictions aux baux de location immobilière ne fait généralement pas la joie des locataires. Mais quand les exigences sont de nature écologiste, c’est différent.

« Chaque pied carré sous notre gestion prévoit une séparation des matières recyclables par les locataires », explique Natalie Voland, présidente de Gestion immobilière Quo Vadis, qui gère plusieurs immeubles commerciaux et industriels à Montréal. « Il y a des conteneurs pour les déchets électroniques, le carton, le verre, le métal et le compost. »

Mme Voland a signé, à la fin d’août, une étude sur le sujet dans la revue Sustainability, avec deux chercheurs en environnement de l’Université Concordia. Aux États-Unis, de plus en plus de baux commerciaux et résidentiels ont des clauses « vertes » avec pénalités, et les résultats parcellaires recensés par l’étude montrent que les « baux verts » augmentent paradoxalement le taux de rétention des locataires.

« Dans notre expérience, chaque fois qu’on augmente les exigences environnementales, nos immeubles sont plus remplis, dit Mme Voland. Ç’a été une surprise pour moi. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Natalie Voland, présidente de Gestion immobilière Quo Vadis

Des pénalités sont-elles prévues pour les locataires qui enfreignent les règles de recyclage ? « Au début, des personnes placent les choses à la mauvaise place, dit Mme Voland. Je me souviens d’un immeuble où il y avait souvent du compost dans le conteneur de carton. On a mis des affiches, mais il y avait encore un problème de tri. Là, on a mis des caméras vidéo, et on a su que c’était l’entreprise qui faisait le ménage chez un locataire [qui était en cause]. On a donné les règlements à l’entreprise de nettoyage et ç’a été réglé. Quand on constate un problème, on règle toujours ça facilement par un avis, un courriel. Les gens s’excusent et corrigent la situation. »

Du travail social à la gestion immobilière

Chose certaine, Mme Voland détonne dans le milieu des propriétaires immobiliers. Ayant frôlé la mort à 18 ans à cause d’un conducteur ivre, elle étudie le travail social et commence sa carrière chez les jeunes du YMCA, puis aux soins intensifs de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Elle prend ensuite les rênes de la firme immobilière familiale en 1993, quand son père tombe malade. Mme Voland l’a renommée Quo Vadis, qui veut dire « Où vas-tu ? » en latin et est célèbre en raison du passage de la Bible où Pierre rencontre Jésus ressuscité.

J’ai voulu gérer l’entreprise avec les valeurs du travail social, notamment faire quelque chose de mieux pour l’environnement. Je ne peux pas changer le monde, mais je peux améliorer mon petit coin de monde.

Natalie Voland, présidente de Gestion immobilière Quo Vadis

Quo Vadis gère plus de 1,5 million de pieds carrés loués par plus de 500 PME. Dans la Petite-Bourgogne, Mme Voland a rénové une église historique pour créer le Salon 1861, qui accueille une trentaine de PME à vocation sociale. Quo Vadis a une certification « B Corp » (corporation bénéfique), un concept américain qui prévoit que les entreprises certifiées ne visent pas seulement le profit, mais ont un mandat social et environnemental.

Plus difficile à faire au Québec

Une telle clause dans un bail résidentiel au Québec serait-elle envisageable ? « On ne peut pas imposer une pénalité plus élevée que le préjudice subi par le propriétaire, dit Antoine Morneau-Sénéchal, spécialiste du droit du logement au cégep de Sorel-Tracy. Donc, le propriétaire pourrait faire payer une contravention municipale au locataire qui ne recycle pas. Mais pas davantage. » Le seul cas de figure différent serait un propriétaire de condo qui le loue et dont la convention de copropriété prévoit des pénalités élevées pour ceux qui ne recyclent pas.

Même le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED) est contre les baux verts résidentiels. « Je ne voudrais pas que mon propriétaire, ou la Ville, fouille dans mes déchets, dit Karel Ménard, directeur général du FCQGED. Il y a quelques années, Montréal avait donné des contraventions à des gens qui jetaient des matières recyclables dans les déchets et ça avait fait la une des journaux. C’est contre-productif. De toute façon, la plupart des immeubles d’appartements ne sont pas conçus pour recycler facilement les différentes matières de manière séparée. »

Cédric Dussault, du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, estime qu’il s’agit là d’une tactique pour augmenter les revenus des propriétaires et faciliter les évictions. « C’est comme les hôtels qui ne changent pas systématiquement les serviettes, dit M. Dussault. Ce n’est pas à cause d’une volonté environnementale, c’est seulement une manière d’augmenter les profits. »

Quo Vadis aura bientôt un volet résidentiel, avec un nouveau projet locatif à Repentigny. « On vise la carboneutralité et l’abordabilité, dit Mme Voland. La carboneutralité est plus chère, mais on aimerait que des gens normaux puissent vivre dans un environnement sain. On veut une qualité de vie plus communautaire, un engagement avec les locataires, une façon de bien vivre ensemble. On est en train de préparer les règlements du bâtiment. »

Y aura-t-il des pénalités pour les locataires qui ne recyclent pas ? « On va faire ce qui est possible avec la Régie du logement », indique Mme Voland. L’avocat de Quo Vadis, François Nantel, du cabinet Cain Lamarre, confirme l’analyse de MMorneau-Sénéchal. Il ajoute qu’une telle clause dans un bail résidentiel pourrait avoir un effet incitatif, mais ne pourrait être utilisée contre un locataire devant la Régie.

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En savoir plus
  • 25 %
    Taux de recyclage résidentiel au Canada en 2002
    Source : Environnement Canada
    31 %
    Taux de recyclage résidentiel au Canada en 2018
    Source : Environnement Canada