Face à la crise de l’énergie en Europe, le Danemark va baisser les températures dans les bâtiments publics à 19 °C. Serait-il pertinent de faire de même au Québec afin d’économiser de l’énergie et de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre (GES) ?

« La température intérieure doit être abaissée à 19 ℃, sauf si des conditions particulières exigent une température plus élevée », a expliqué lors d’une conférence de presse en septembre le ministre de l’Énergie et du Climat danois, Dan Jørgensen. Normalement, la température est comprise entre 21 et 23 ℃, a dit le ministre, précisant que les maisons de retraite, garderies et hôpitaux n’étaient pas concernés par la mesure.

Le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a quant à lui affirmé que son ministère n’allumerait pas le chauffage au cours de l’hiver « tant que la température [à l’intérieur] ne sera pas en dessous de 19 ℃ », et que lui-même porterait désormais des cols roulés.

Dans un rapport de 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que les températures intérieures des logements devaient être « suffisamment élevées pour protéger les résidants des effets nocifs du froid sur la santé ». Pour les pays aux climats tempérés ou plus froids, 18 °C a été proposé comme la bonne température pendant les saisons froides, excepté pour les personnes vulnérables.

Plus chaud au Québec

Au Québec, le chauffage des bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels compte pour 10 % des émissions de GES. Ce secteur est au troisième rang de ceux produisant le plus d’émissions, après le transport et l’industrie, selon le dernier inventaire, qui date de 2019.

En saison froide, la température à l’intérieur des logements locatifs doit être d’environ 21 ℃, indique le Tribunal administratif du logement (TAL). Le Règlement sur la santé et la sécurité du travail prévoit aussi que la température minimale obligatoire au bureau, pour du « travail léger en position assise, notamment tout travail cérébral, travail de précision ou qui consiste à lire ou à écrire », est de 20 °C. Une température plus basse est permise pour du travail plus exigeant physiquement.

À ma connaissance, les températures de consigne de chauffage dans les bâtiments publics sont souvent plus élevées, vers 21 ou 22 °C, voire plus, parce que les opérateurs veulent éviter les plaintes, et parce que le confort ressenti dépend d’autres facteurs.

Michaël Kummert, professeur au département de génie mécanique de Polytechnique Montréal

« Il y aurait sans doute de la marge entre les consignes effectivement utilisées et le minimum réglementaire, au risque de ne pas assurer le confort dans certaines parties d’un bâtiment », selon l’expert.

Mais ce n’est probablement pas le meilleur moyen d’économiser de l’énergie, avance le professeur Kummert.

« Un chiffre souvent cité [en France, par exemple] est 7 % d’économie en abaissant la consigne de 1 ℃ », dit-il, mais ces économies dépendent notamment de la température extérieure. « Avec nos températures hivernales au Québec, on aurait sans doute des valeurs plus faibles, mais on resterait dans l’ordre de quelques pour cent. »

Mieux appliquer les consignes actuelles, par exemple en abaissant les thermostats la nuit et en évitant de faire en sorte que la climatisation « se batte » avec le chauffage, « pourrait amener des économies notablement plus grandes », soutient le professeur Kummert.

Chauffer avec la chaleur d’un centre de données

Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) met aussi de l’avant d’autres mesures en la matière, comme la valorisation des rejets thermiques. Par exemple, « le siège social de la RAMQ [Régie de l’assurance maladie du Québec] à Québec chauffe entièrement son bâtiment avec les rejets de chaleur de son centre de données », explique la porte-parole, Caroline Cloutier.

« Le potentiel de réduction de GES reste à déterminer de manière plus précise, mais les premières évaluations du [ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles] laissent présager un potentiel de réduction de GES important », soutient-elle.

L’interdiction de l’installation d’un appareil de chauffage au mazout dans les nouvelles constructions résidentielles — qui doit être élargie à tous les bâtiments existants à la fin de 2023 – fait également partie de la solution, ajoute Mme Cloutier.

« L’abaissement à 19 °C a sans doute aussi une valeur symbolique, conclut le professeur Kummert, celle de se dire que chacun doit contribuer aux efforts pour économiser l’énergie. »

Avec l’Agence France-Presse

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  • 8,4 millions
    En 2019, le secteur résidentiel, commercial et institutionnel (chauffage des bâtiments) a produit 8,4 millions de tonnes métriques en équivalent dioxyde de carbone, soit 10,0 % des émissions de GES du Québec.
    Source : Inventaire québécois des émissions de GES 2019