(Yellowknife) L’Arctique est plus connu pour ses blizzards que ses pluies, mais cela pourrait changer d’ici les 80 prochaines années.

Le nombre de jours pluvieux pourrait doubler dans cette région, selon une nouvelle projection de l’American Geophysical Union. L’étude a été publiée dans le journal de l’organisation, Earth’s Future.

Des scientifiques chinois et néerlandais ont utilisé des modèles climatologiques pour prédire les précipitations dans l’Arctique jusqu’en 2100.

Non seulement, il pleuvra plus souvent dans la région, mais les précipitations s’abattront plus tôt au printemps et devraient s’étendre au centre de l’océan Arctique et à l’intérieur du Groenland.

Selon l’auteur principal de l’article, Tingfeng Dou, de l’Université de l’Académie chinoise des sciences, cela pourrait signifier « l’arrivée d’une nouvelle Arctique ».

« Par le passé, les pluies étaient limitées aux extrémités de la calotte glaciaire du Groenland », a-t-il dit dans un communiqué de presse.

L’étude indique que des pluies plus fréquentes et plus intenses pourraient accélérer la fonte du pergélisol, ce qui libérerait un grand volume de gaz à effet de serre, diminuer la couche de neige et réduire la banquise.

Les scientifiques anticipent aussi une hausse des périodes de pluie sur la neige, ce qui pourrait nuire à l’alimentation des animaux comme les rennes, car leur nourriture pourrait être emprisonnée sous la glace. En conséquence, ce changement climatique pourrait aussi toucher ceux qui dépendent de la chasse ou de l’élevage de ces animaux.

« Même une pluie normale peut être considérée comme un évènement extrême dans les régions polaires », souligne le Pr Dou.

Mark Serreze, le directeur du National Snow and Ice Data Center de l’Université du Colorado à Boulder, n’était pas impliqué dans l’étude. Selon lui, il est arrivé que des dizaines de milliers de rennes ou de bœufs musqués périssent parce qu’ils ne pouvaient plus creuser dans le sol gelé après une averse.

Ces répercussions peuvent toucher plusieurs générations. Ce sont des effets assez importants. En constaterons-nous davantage si les changements climatiques se poursuivent ? C’est là la vraie inquiétude.

Mark Serreze, directeur du National Snow and Ice Data Center de l’Université du Colorado

M. Serreze dit que l’air peut transporter plus de vapeurs d’eau dans un environnement plus chaud, provoquant plus de précipitations. Et s’il fait plus chaud, il pleuvra plus souvent qu’il neige.

L’étude démontre que les changements dans les précipitations sont surtout attribuables au réchauffement rapide de l’Arctique. Dans cette région, le réchauffement est trop fois plus rapide que la moyenne mondiale. L’augmentation des précipitations contribue aussi à ce phénomène.

D’autres scientifiques conviennent que l’Arctique se réchauffera pendant le XXIe siècle.

Michelle McCrystall, une chercheuse postdoctorale de l’Université du Manitoba, a publié en novembre dernier une étude prédisant que l’Arctique recevra plus de pluie que de neige d’ici 2050. Les stations météorologiques ont déjà constaté la transition des chutes de neige vers la pluie.

« Ce qui nous stupéfie vraiment, c’est le rythme de ces changements », soutient-elle.

Mme McCrystall énumère une liste des conséquences possibles d’une augmentation des pluies dans l’Arctique : des changements dans la circulation océanique et une augmentation du niveau de l’eau et une hausse de la présence des phytoplanctons. Elle met aussi en garde contre des changements climatiques à plus basses latitudes, notant qu’une puissante tempête de neige, surnommée « la Bête de l’Est », qui avait frappé l’Europe en 2018, avait été causée par la réduction de la banquise dans la mer de Barents.

« Ce sont des changements sur le plan local, mais cela peut tout aussi bien affecter le climat de l’hémisphère Nord. »

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.