(Québec) Lorsqu’ils entendent le premier ministre François Legault évoquer une éventuelle fermeture de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, les résidants de Limoilou sont sceptiques. Voilà des années qu’ils militent pour faire réduire la concentration de nickel dans l’air qu’ils respirent. La Presse s’est rendue dans ce quartier de Québec, qui refuse de baisser les bras.

« On a écrit une lettre en soutien aux citoyens de Rouyn-Noranda qui a été publiée dans les journaux, puisqu’on a l’impression qu’ils vivent, comme beaucoup de milieux ouvriers, le même genre de combat que le nôtre. »

Comme beaucoup de ses concitoyens, Mathieu Caron observe les ressemblances entre Limoilou, où il réside, et le quartier Notre-Dame, à Rouyn. Deux quartiers historiquement ouvriers qui ont été construits à proximité des industries et qui subissent encore aujourd’hui la pollution émise par ces dernières.

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Une partie des installations de Glencore au port de Québec

Au cours des dernières semaines, les émissions d’arsenic de la Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda, ont retenu l’attention médiatique sur une base quotidienne. Mardi dernier, le premier ministre François Legault n’a pas exclu que l’usine ferme si l’entreprise mère, Glencore, ne se conforme pas aux normes établies pour préserver la santé des résidants.

À Québec, dans le quartier Limoilou, on en a contre un autre contaminant, le nickel. Par le truchement de la mine Raglan, Glencore, plus important extracteur de ce minerai au Québec, transborde dans le port de Québec du nickel recueilli dans le nord de la province. Déjà controversée, la norme qui réglementait la présence de ce métal dans l’air a été modifiée en décembre dernier. Quelques jours avant les Fêtes, le gouvernement Legault annonçait que les industries pouvaient désormais multiplier par cinq leurs émissions de nickel par rapport à la norme précédente.

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Jackie Smith, cheffe du parti Transition Québec

« Dans les deux cas, il s’agit d’un duel entre la santé des citoyens et les profits des multinationales, dénonce la cheffe du parti Transition Québec, Jackie Smith. C’est le véritable choix que le gouvernement a à faire et, jusqu’à présent, on voit ce qu’il favorise. »

Comme plusieurs résidants de Limoilou, Jackie Smith ne s’emballe pas devant le changement de cap du premier ministre face aux activités de la Fonderie Horne.

Normalement, c’est une bonne chose quand les discours changent, mais les comportements doivent aussi changer.

Jackie Smith, cheffe du parti Transition Québec

« Grâce aux mouvements citoyens, on sent que les choses bougent, mais on ne peut pas prévoir la réaction des gouvernements », ajoute Véronique Lalande, porte-parole de l’Initiative citoyenne de vigilance du port de Québec. La nouvelle de Rouyn-Noranda lui donne toutefois une légère dose d’optimisme : « Enfin, on les écoute. Enfin, on aura accès à l’information. »

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Vue du quartier Limoilou, à Québec

Le député solidaire de la circonscription de Jean-Lesage, Sol Zanetti, renchérit sur l’importance que prend aujourd’hui la qualité de l’air dans les débats publics. Il souligne que tant dans le cas du quartier Notre-Dame que dans celui du quartier Limoilou, la population se mobilise pour obtenir justice. « Il y a des citoyens et des citoyennes qui ont vraiment le couteau entre les dents. »

Deux poids, deux mesures

Bien que le gouvernement répète que le contexte de Rouyn-Noranda diffère de celui de Québec, les résidants de Limoilou ne sont pas de cet avis. « C’est la même trame, les mêmes acteurs, le même débat », résume Véronique Lalande.

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Véronique Lalande, porte-parole de l’Initiative citoyenne de vigilance du port de Québec

Amélie Rouleau, directrice des affaires publiques de la Mine Raglan, soutient elle aussi que les situations de Rouyn-Noranda et de la Capitale-Nationale ne sont pas comparables. Elle préfère donc ne pas se prononcer sur les enjeux touchant la Fonderie Horne.

Elle affirme néanmoins que l’entreprise cherche continuellement à innover dans ses installations pour répondre aux normes de santé, de sécurité et d’environnement. Mme Rouleau rapporte d’ailleurs que les activités de l’entreprise située à Québec sont aujourd’hui opérées grâce à un circuit d’installations fermé.

On ne veut pas perdre de poussière parce que, pour nous, elle représente de l’argent.

Amélie Rouleau, directrice des affaires publiques de la Mine Raglan

Du côté du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, on maintient qu’« aucune réévaluation de la norme nickel dans l’air ambiant n’est envisagée ».

Se battre pour des lendemains meilleurs

Malgré tout, les résidants de Québec sont fiers du combat qu’ils mènent et préviennent qu’ils ne baisseront pas les bras. « C’est quand même une certaine réussite d’avoir maintenu cette question dans le paysage politique. On est parvenus à faire reconnaître cette problématique très locale, située dans un quartier, à l’échelle de la nation en faisant des liens avec Rouyn-Noranda », se réjouit Isabelle Arseneau, citoyenne qui milite pour l’assainissement de l’air.

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Mathieu Caron et Isabelle Arseneau militent pour l’assainissement de l’air.

« L’injustice sociale et environnementale qu’est la mauvaise qualité de l’air doit faire partie du passé, exige son voisin Mathieu Caron. On refuse que cette double injustice fasse encore partie de l’avenir de nos enfants. »

Comme beaucoup, Véronique Lalande, qui a déjà consacré près de 10 ans à cette cause, s’est promis de ne jamais abandonner la lutte. « J’attends le jour où ce quartier ne sera plus soumis de façon constante à des polluants et à des retombées de poussière », espère celle qui a dû quitter Limoilou pour des raisons de santé liées à la qualité de l’air. « On connaîtra la victoire le jour où on ne ressentira plus les impacts de cette pollution et qu’on n’aura plus à modifier nos choix de vie à cause de la poussière et des contaminants. »

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    Décès prématurés liés à la pollution atmosphérique au Québec
    Source : Santé Canada, 2021