Benoit Charette « a baissé les bras » en affirmant qu’il était impossible de rehausser la cible climatique du Québec et doit donc démissionner de son poste de ministre de l’Environnement, croit Québec solidaire.

« Il faudrait qu’il parte. Cet homme-là, Benoit Charette, c’est lui qui a les deux mains sur le volant pour s’assurer que le Québec ne rate pas ses objectifs climatiques, et il est en train de nous dire que c’est impossible d’en faire plus. Il abandonne, il a abandonné la lutte, alors qu’il abandonne son poste de ministre », a lancé en entrevue Émilise Lessard-Therrien, porte-parole en matière d’environnement du parti de gauche.

Le ministre affirmait dimanche à La Presse que son gouvernement n’avait aucune intention de hausser les cibles climatiques du Québec malgré les avertissements du GIEC, puisqu’il juge que les promesses vertes des partis de l’opposition seraient « impossibles » à tenir.

« Réduire de 60 % [les émissions de gaz à effet de serre] d’ici 2030, c’est tout simplement impossible, 50 %, ce n’est pas davantage possible, et 45 %, quand on sait qu’on aura de la misère à atteindre [notre cible de 37,5 % ], j’ai hâte de voir la démonstration qu’ils arriveront à faire », a-t-il dit.

Cette déclaration – faite une journée avant la publication d’un nouveau rapport du GIEC qui souligne que l’humanité doit réduire de moitié les émissions actuelles d’ici 2030 pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris sur le climat – a semé la consternation chez les partis de l’opposition.

Il est incapable de se tenir debout devant un gouvernement qui est pro-automobile, pro-étalement urbain, pro-troisième lien, pro-stationnement, pro-autoroute, ça n’a juste pas de bon sens, il n’est pas capable de se tenir debout pour dire que ça va nous faire rater nos cibles. Il a démissionné, qu’il démissionne.

Émilise Lessard-Therrien, députée solidaire de Rouyn-Noranda–Témiscamingue

La libérale Isabelle Melançon décrit M. Charette comme étant un politicien « qui n’est pas capable de s’élever » et qui pratique de la « petite politique ». « Quand j’ai lu sa déclaration dimanche, je suis restée sans mot. C’est irresponsable. Il ne laisse pas d’espoir aux générations futures, c’est gênant », a-t-elle lancé. « Mais je suis plus ou moins surprise, c’est le même gars qui nous dit qu’un tunnel va freiner l’étalement urbain et que c’est écologique, qui nous dit qu’il faut augmenter le taux de nickel dans l’air ou qu’il faut mettre des résidus miniers dans des lacs », ajoute-t-elle.

« Ça prend de la volonté politique »

Le péquiste Sylvain Gaudreault souligne de son côté que « les solutions présentées par le GIEC sont à portée de main et réalistes ». « Je ne dis pas que c’est simple, mais le gros message de ça, c’est que ça prend de la volonté politique. On sait que la situation est grave, on sait que ça a des impacts majeurs. […] Quand j’entends le ministre dire : ‟on ne peut pas en faire plus”, c’est comme s’il baissait les bras. Ce dont on a besoin, c’est de la mobilisation, de la volonté et de l’espoir », déplore-t-il.

Les Québécois émettent moins de GES par habitant que dans tous les autres États, provinces et territoires nord-américains, a assuré le premier ministre du Québec, François Legault, en point de presse lundi. Questionné à savoir si la province pouvait augmenter ses cibles climatiques, le premier ministre a répondu : « On est l’une des seules juridictions qui ont un plan chiffré [de 7,6 milliards de dollars sur 5 ans] ». À celui-ci s’ajoutent 56 milliards voués au transport collectif, a précisé M. Legault.

Le gouvernement caquiste ne change donc pas d’avis : pas question de modifier la cible du Québec, qui est de réduire d’ici 2030 les émissions de GES de 37,5 % par rapport à 1990. La Coalition avenir Québec met au défi les autres partis [QS : - 55 % ; PLQ : - 48 % ; PQ : - 50 % ] d’expliquer comment ils comptent atteindre leurs cibles.

Plans de l’opposition

Ceux-ci n’ont pas encore dévoilé l’entièreté de leur plan et attendront à l’approche des élections générales, mais lancent quelques pistes de solution. Le Parti québécois veut que Québec renonce au troisième lien, augmente ses cibles et ses contraintes pour électrifier les transports, et lance un vaste chantier de rénovation énergétique des bâtiments. Québec solidaire veut interdire la publicité pour les VUS et créer une offre de transport collectif en région, tandis que le Parti libéral met de l’avant son projet ÉCO tourné vers l’hydrogène vert.

Mais le plus dur sera de changer des habitudes.

Pour que les gens se sentent concernés, il faut qu’on sente que l’État est engagé. Pour la COVID-19, le premier ministre faisait des conférences tous les jours, et on sentait que l’ensemble de l’État était engagé. Là, on ne le sent pas.

Sylvain Gaudreault, député péquiste de Jonquière

« Ces changements d’habitude se font lentement. Ce n’est pas au gouvernement de dire combien de fois on peut manger de la viande par semaine. Mais donner de l’impulsion à ce genre de comportement, accompagner des restaurants dans leur offre alimentaire, ça se fait », ajoute la libérale Isabelle Melançon.

De son côté, Émilise Lessard-Therrien souligne que l’État, en réduisant les services de proximité en région, force les citoyens à polluer. « Dans mon coin, maintenant, nos gens sont obligés de rouler 50, voire 100 kilomètres pour une prise de sang ou un changement de pansements. C’est ce qui arrive quand on coupe dans les services de proximité. »

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse

François Legault appuiera le tramway de Québec

Le premier ministre du Québec, François Legault, s’est prononcé en faveur du projet de tramway qui divise la population de la capitale lors d’un point de presse lundi après-midi. « Il y a un conseil des ministres mercredi. Je vais voter pour donner des décrets au maire de Québec pour aller de l’avant », a-t-il affirmé. Bémol : il faut s’assurer de l’acceptabilité sociale du plan. « Tous les maires, à commencer par le maire de Québec, souhaitent que leurs projets soient appuyés par les citoyens. C’est la seule condition qu’on posera. » De plus, François Legault s’attend à ce que le gouvernement fédéral participe aux dépenses. « Je ne vois pas pourquoi il financerait Toronto, mais pas [Québec] », a lancé M. Legault.

Lila Dussault, La Presse