Une nouvelle mauvaise herbe résistante au glyphosate a été découverte en Montérégie. Cela porte à cinq le nombre de plantes, au Québec, qui résistent au très populaire herbicide commercialisé par Monsanto sous la marque Roundup. Une réalité qui complique de plus en plus le travail des producteurs agricoles – et soulève des questions sur l’utilisation massive des herbicides dans les champs.

Vergerette du Canada (Erigeron canadensis)

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Vergerette du Canada

Découverte en 2021

C’est la plus récente plante résistante au glyphosate à avoir été découverte au Québec, dans la MRC du Haut-Saint-Laurent, en Montérégie. Très répandue au Canada et aux États-Unis, la vergerette du Canada « représente un potentiel élevé de nuisance dans plusieurs cultures, comme le maïs-grain et le maïs fourrager ainsi que le soja », rappelle le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), dans le bulletin d’information Agri-Réseau. Comme chaque plant peut produire entre 1000 et 100 000 graines, cette mauvaise herbe peut facilement contaminer de nombreux champs sur des kilomètres.

Kochia à balais (Kochia scoparia)

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Kochia à balais

2021

Découverte dans un champ de luzerne en Montérégie, cette mauvaise herbe résiste au glyphosate. Elle peut atteindre jusqu’à 2,5 m de hauteur. Ses graines sont notamment dispersées par le vent.

Petite herbe à poux (Ambrosia artemisiifolia)

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Petite herbe à poux

2019

C’est la troisième mauvaise herbe résistante au glyphosate découverte dans la province. Les premiers plants ont été identifiés dans des champs de maïs-grain et de soja. Des plants résistants aux herbicides avaient été repérés en Ontario dès 2012.

Amarante tuberculée (Amaranthus tuberculatus)

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Amarante tuberculée

2017

Cette mauvaise herbe a développé une résistance à plusieurs herbicides, dont le glyphosate. Une seule plante produit jusqu’à 1 million de graines et peut grandir jusqu’à 3 cm par jour. La tige peut mesurer jusqu’à 2 m de haut. Le MAPAQ s’attend à ce que sa cousine, l’amarante de Palmer, s’ajoute prochainement à cette liste.

Moutarde des oiseaux (Brassica rapa)

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Moutarde des oiseaux

2017

Originaire d’Asie, cette plante peut atteindre 1 m de hauteur. On la retrouve entre autres dans des champs de maïs et de céréales. Elle attire aussi les insectes nuisibles dans les cultures de crucifères. La moutarde des oiseaux peut pousser dans tous les types et toutes les conditions de sols.

Le Québec « très proactif »

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Selon David Miville, agronome et malherbologiste au MAPAQ, la situation est maîtrisée au Québec. « Nous sommes très proactifs. Dès qu’il y a des soupçons [sur la présence d’une plante résistante], on agit. » Les cinq populations de mauvaises herbes résistantes au glyphosate sont suivies de très près par les agronomes sur le terrain. Les solutions pour faire face à ce problème sont multiples : rotation des cultures, utilisation d’autres groupes d’herbicide, désherbage et couverture des sols avec du seigle ou du trèfle, par exemple, ce qui empêche les mauvaises herbes d’envahir les champs. « De plus en plus, on cherche des moyens de faire de la grande culture avec le moins de produits chimiques », signale Marc Lucotte, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM.

119

S’il est le plus populaire, le glyphosate n’est pas le seul herbicide utilisé par les producteurs agricoles. Au Canada, il y a 119 plantes résistantes à au moins un herbicide, selon l’International Herbicide-Resistant Weed Database, une base de données qui offre un portrait de la situation dans 80 pays. Aux États-Unis, on retrouve plus de 480 types de mauvaises herbes résistantes à au moins un herbicide. Selon Marc Lucotte, il y aurait déjà dans le monde plus de 50 plants résistants au glyphosate.

OGM controversé

Le glyphosate est l’herbicide le plus populaire sur la planète. Il est non sélectif, c’est-à-dire qu’il tue toute végétation là où il est utilisé. Des entreprises comme Monsanto ont développé des semences génétiquement modifiées qui résistent au glyphosate, une pratique qui suscite énormément de controverse.

44 %

Au Québec, cet herbicide représente presque la moitié des ventes (44 %), selon le plus récent bilan du ministère de l’Environnement.

Cancérogène probable

Depuis 2015, le glyphosate est classé comme « probablement cancérogène » par l’Organisation mondiale de la santé. Cependant, selon Marc Lucotte, cet herbicide « est nettement moins toxique » que les autres. « Il est dans une classe à part. Le S-métolachlore, le deuxième herbicide le plus vendu au Québec, est beaucoup plus toxique. »

Des avantages indéniables

Si le glyphosate est devenu si populaire partout dans le monde, c’est que c’est « un produit extrêmement efficace, peu coûteux et peu toxique », explique le professeur Lucotte. « Ça a permis de cultiver de grandes superficies en semis direct sans labourer les champs. On l’a utilisé à profusion. »

Un problème de taille

Avec l’apparition régulière de nouvelles mauvaises herbes résistantes au glyphosate, l’utilisation massive de cet herbicide est maintenant remise en question. « Ça ne le rend pas complètement obsolète, mais il faudra utiliser d’autres herbicides et d’autres techniques de production », explique François Tardif, professeur au département d’agriculture de l’Université de Guelph, en Ontario. François Tardif et Marc Lucotte s’entendent pour faire un parallèle avec l’antibiorésistance chez les humains, une problématique apparue en raison de l’utilisation massive d’antibiotiques pour traiter diverses conditions. « Toute forme de vie finit par s’adapter. On ne peut combattre la vie par la chimie, il y aura toujours des résistances qui vont s’établir », conclut M. Lucotte.

Dans une version précédente de ce texte, nous avons identifié l’agrononome du MAPAQ comme étant David Léger. Or, il s’agit plutôt de David Miville. Toutes nos excuses.