(Paris) À rebours de la lutte contre le réchauffement climatique, les subventions aux énergies fossiles sont reparties à la hausse dans de nombreux pays, tandis que les prix du carbone restent « bien inférieurs » au coût réel des émissions de CO2 pour la planète, pointe l’OCDE mardi.

Le soutien public aux combustibles fossiles, surtout au pétrole, a crû de 5 % en 2019, à 178 milliards de dollars, dans cinquante pays de l’OCDE, du G20 et du Partenariat oriental de l’Union européenne (six pays d’Europe centrale du Caucase).

Ce rebond inverse la tendance à la baisse entamée cinq ans auparavant et semble se confirmer pour 2020.

En cause, une hausse de 30 % du soutien à la production, marquée « dans les pays de l’OCDE, sous l’impulsion de l’Amérique du Nord », indique l’organisation qui tient un inventaire annuel des subventions. Les compagnies pétrolières, endettées, ont notamment ont été aidées face à la fluctuation des cours.

« Cette tendance semble s’être poursuivie en 2020, les données préliminaires indiquant un soutien accru aux producteurs, en raison de l’aide apportée par les gouvernements dans le cadre des plans de relance COVID-19 », note l’OCDE, qui fournit là une estimation « a minima », ne prenant pas en compte par exemple le soutien à l’aérien et autres secteurs carbonés.

Responsables de trois quarts des émissions de gaz à effet de serre, les énergies fossiles restent très soutenues par les États : crédits d’impôts, aides directes, investissements dans les infrastructures…

En revanche, l’OCDE observe un repli des aides au consommateur final, en partie du fait de la chute des prix du pétrole.

Quand on élargit le cercle étudié à 81 pays, le portrait est différent : les subventions aux énergies fossiles se sont élevées à 468 milliards de dollars, en baisse globale de 19 %, selon l’OCDE et les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Car les aides à la consommation, par exemple à la pompe, en constituent la majeure partie et se réduisent mécaniquement quand les cours du pétrole baissent.

« Cela ne reflète pas forcément un effort pour mettre en place des politiques structurelles de réduction des subventions. Mais plutôt une baisse du prix du pétrole, qui amoindrit l’effort nécessaire », résume Nathalie Girouard, auteur du rapport.

Le juste prix du carbone

« De la même manière, de nombreux gouvernements n’ont pas ou peu saisi l’occasion de donner la priorité à des investissements durables » dans leurs plans de relance post-pandémie, souligne le bilan.

Pourtant, le G20 a décidé dès 2009 de s’attaquer aux subventions aux fossiles, considéré comme un sujet incontournable si le monde veut limiter le réchauffement à 2 degrés.

« Pour aller vers la neutralité climatique, il faudrait “accorder nos violons” : si on impose un prix du carbone d’un côté, il ne faut pas redonner aux fossiles de l’autre côté via des subventions ! Il faut plus de cohérence », souligne Mme Girouard.

Dans le même temps, les différentes formes de prix donnés au carbone par les gouvernements restent « bien inférieurs aux estimations du coût réel des émissions de CO2 pour la planète », en dépit de progrès, souligne l’OCDE dans un autre rapport.

Mettre un prix sur la tonne de carbone rejetée dans l’atmosphère est une façon de taxer les énergies les plus émettrices, dans le but d’inciter consommateurs et entreprises à recourir à des énergies propres.

Mais à ce stade, ce prix-taxe ou permis d’émissions échangeable-reste trop bas.

C’est ce qu’a mis en évidence l’OCDE en examinant les prix du carbone en 2018 dans 44 pays membres et du G20 — responsables d’environ 80 % des émissions — et en étudiant l’écart avec une valeur cible de 60 euros la tonne.

Cette valeur de 60 euros est une « estimation moyenne du coût réel des émissions de CO2 pour 2020 et une estimation basse pour 2030 ». C’est un chiffre « compatible avec un scénario de décarbonation lente d’ici 2060 », précise l’OCDE.

Résultat : seules 19 % des émissions se voyaient appliquer une tarification de 60 euros ou plus. Seuls la Suisse, le Luxembourg et la Norvège ont pris de l’avance, avec près de 70 % des émissions ainsi tarifées.