(Montréal) Le gouvernement du Québec essuie un ultime refus et ne pourra faire appliquer toute sa législation environnementale au Port de Québec : la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre son appel.

Cela signifie que le jugement de la Cour d’appel du Québec est maintenu.

Celle-ci avait décidé que ce sont les lois fédérales qui ont préséance au Port de Québec, et que ce dernier n’est pas soumis à toute la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec, même si ses installations s’y trouvent.

Comme à son habitude, la Cour suprême n’a pas offert de motifs pour son refus d’entendre ce bras de fer juridique qui dure depuis plus de 10 ans.

À l’origine de cette affaire se trouvait l’entreprise IMTT qui exploite au Port de Québec des terminaux de transbordement et d’entreposage de liquides en vrac, notamment des produits chimiques et pétroliers.

En 2006, IMTT a décidé de construire de nouveaux réservoirs. Elle s’est donc adressée aux autorités fédérales pour obtenir les autorisations nécessaires.

Elle n’avait pas jugé bon de demander le certificat d’autorisation environnementale du gouvernement québécois.

Bref, ce dernier s’est interposé, soutenant qu’il lui revient d’approuver cet agrandissement ou non. Il faisait aussi valoir que ce projet était soumis à la législation québécoise en matière d’environnement.

IMTT a fait front commun avec l’Administration portuaire de Québec, de qui elle loue les terrains pour ses activités commerciales. Elles ont toutes deux fait valoir que les installations et activités d’IMTT relèvent de l’autorité exclusive du Parlement du Canada, de sorte que la législation invoquée par le Québec serait inapplicable et inopérante.

La Cour supérieure a conclu que le site actuel des installations d’IMTT appartient au gouvernement du Canada et qu’IMTT est une entreprise de juridiction fédérale. La Loi sur l’environnement ne s’applique pas à cette entreprise : les dispositions invoquées « sont constitutionnellement inopérantes par rapport aux activités et installations d’IMTT », selon la Cour.

La Cour d’appel est en gros du même avis, même si son raisonnement diffère.

Elle soulignait dans sa décision de septembre 2019 que l’environnement n’est pas une compétence spécifiquement assignée au provincial ou au fédéral dans la Constitution.

« En conséquence, les différents paliers de gouvernement peuvent légiférer à l’égard de l’environnement dans la mesure où la législation peut se rattacher à un domaine de compétence approprié », affirmait-elle. Ici, le fédéral pouvait invoquer la navigation et le commerce interprovincial.

« L’évaluation environnementale n’est donc pas une fin en soi. C’est un outil qui sert à fonder une décision. Si un ordre de gouvernement ne détient aucune compétence décisionnelle à l’égard d’un projet ou d’une activité, une évaluation environnementale menée par cet ordre de gouvernement est futile. Elle serait aussi inconstitutionnelle. »

La Cour d’appel avait toutefois indiqué que les lois et les règlements provinciaux visant le contrôle des contaminants s’appliquent au Port de Québec, « en principe, jusqu’à preuve du contraire ».

C’est pourquoi Québec avait tenté de faire renverser ces jugements par la Cour suprême du Canada. En vain.

Jeudi, le ministre de l’Environnement disait « regretter profondément » la décision de la Cour suprême.

« Cela dit, nous poursuivrons nos efforts auprès du gouvernement fédéral pour s’assurer que les projets en matière d’environnement qui se déroulent sur notre territoire respectent les lois, règlements, évaluations et normes du Québec », a indiqué par courriel Louis-Julien Dufresne, l’attaché de presse du ministre Benoit Charette.

Pour le député de Jonquière, Sylvain Gaudreault, candidat à la chefferie du Parti québécois (PQ), cette décision crée « un précédent inacceptable ».

« Ça ne marche pas, a-t-il déclaré en entrevue. On ne peut pas avoir la fragmentation du territoire du Québec en matière d’environnement. »

Cela crée comme de petites principautés, exclues de la juridiction du Québec, un peu comme le Vatican par rapport à l’Italie, a illustré l’aspirant chef.

La législation québécoise en matière d’environnement est plus contraignante que celle du fédéral, souligne-t-il. Au Québec, il est notamment tenu compte du bruit comme forme de pollution et la loi prévoit la tenue d’audiences publiques par le BAPE.

Si le gouvernement de François Legault est réellement nationaliste, il fera deux choses, soutient le député. D’abord, il refusera toute aide financière au Port de Québec s’il ne s’engage pas à respecter les lois environnementales du Québec. Puis, il devrait adopter le projet de loi péquiste qui affirme la compétence exclusive du Québec en matière d’environnement.

Le Centre québécois du droit à l’environnement (CQDE) et Nature Québec — qui étaient tous deux intervenus dans ce litige, ont été déçus du refus de la Cour suprême d’entendre la cause.

Ils promettent de continuer de se battre devant les tribunaux pour défendre la capacité de tous les paliers gouvernementaux de protéger l’environnement.