Au moment d'entamer la deuxième moitié de cette campagne électorale fédérale, deux ténors péquistes, Pauline Marois et Bernard Landry, sont entrés officiellement en scène, hier, venant prêter main-forte au chef bloquiste Gilles Duceppe.

«Jamais, depuis sa création, la présence du Bloc à Ottawa n'a-t-elle été aussi indispensable», a lancé Mme Marois dans un discours enflammé devant plus de 800 étudiants à l'Université de Montréal, réchauffant la foule pour le discours de son collègue du fédéral.

 

«Le plus grand danger qui nous guette, avec le scrutin qui s'en vient, malheureusement, c'est un gouvernement conservateur qui pourrait s'appuyer sur une Chambre des communes muselée et qui lui obéirait aveuglément», a-t-elle ajouté.

À ceux qui critiquent la pertinence de la formation souverainiste à Ottawa, la chef péquiste a rappelé que des partis semblables, avec des volontés indépendantistes avouées, sont présents dans d'autres parlements, ailleurs dans le monde. C'est le cas de l'Écosse, notamment, et de la Catalogne, a souligné Mme Marois.

La chef péquiste n'avait pas pu participer au début de la campagne du Bloc, ayant été opérée d'urgence pour une appendicite, le jour même du déclenchement.

En soirée, lors d'un cocktail de financement dans sa circonscription, le chef bloquiste Gilles Duceppe a pu compter sur l'appui d'un autre ténor souverainiste, l'ancien premier ministre Bernard Landry, qui a accepté de poussert à la roue en participant à un certain nombre d'assemblées avec des candidats.

«Je trouve qu'il y a un mouvement intéressant depuis quelques jours. Les erreurs grossières des conservateurs font bien comprendre aux gens que seul le Bloc peut bien les représenter», a estimé M. Landry.

Sur la question des jeunes contrevenants, notamment, l'ex-premier ministre péquiste, de 2001 à 2003, juge que les conservateurs vont à l'encontre du consensus de tous les intervenants au Québec en suggérant des peines de prison plus sévères pour les mineurs. La révolte du milieu culturel contre les coupes du gouvernement Harper aidera aussi le Bloc québécois, selon lui.

«Pour économiser des montants insignifiants, ils sèment la panique dans des milieux. C'est vrai que les artistes qui ont réussi n'ont pas besoin de ça. Mais ce n'est pas à ceux-là qu'on pense, c'est à faire naître la relève, à soutenir les opérations culturelles moins rentables, a dit M. Landry. Comment ont-ils pu faire une telle erreur? Au Québec, c'est sacré ces institutions-là.»

Lors de sa conférence devant les étudiants de l'Université de Montréal, M. Duceppe a répété que ces élections fédérales opposaient «deux visions de la société». Milieu étudiant oblige, le chef du Bloc a rappelé que son parti s'engageait à réclamer d'Ottawa les 820 millions de dollars de transferts fédéraux manquant pour l'éducation postsecondaire.

En introduction au discours de M. Duceppe, le président du forum jeunesse du Bloc québécois, Jean-François Landry, a exhorté les jeunes à se faire entendre pendant la campagne.

«Notre droit de vote est notre chance de crier à Stephen Harper que nous sommes loin et même très loin de ses idées dogmatiques. Il est anormal que notre génération soit la moins participante au processus électoral, a souligné M. Landry. S'abstenir le jour du vote, c'est cautionner Stephen Harper, c'est lui donner un chèque en blanc pour la gouvernance.»

Le président des jeunes bloquistes a par la suite fait allusion à une citation d'André Malraux, affirmant que «la culture, c'est ce qui fait de l'homme autre chose qu'un accident de l'univers». «Eh bien le 14 octobre prochain, faisons du Parti conservateur de Stephen Harper un accident dans le parcours politique québécois», a conclu Jean-François Landry, soulevant des applaudissements à tout rompre de la foule, visiblement déjà convaincue.

Brien et les conservateurs

Gilles Duceppe a par ailleurs réagi, hier, à l'appui donné à Stephen Harper par un autre ex-député bloquiste, Pierre Brien. «Pierre Brien a rompu avec le mouvement souverainiste en 2003, en se présentant pour l'ADQ. Il avait été battu en Abitibi-Témiscamingue. Ça ne date pas d'hier», a rétorqué le chef du Bloc.

Depuis le début de la campagne, plusieurs anciens bloquistes sont sortis publiquement contre le parti souverainiste à Ottawa. De nombreux députés adéquistes, à Québec, dont le chef Mario Dumont, ont aussi donné leur appui au PC.

«C'est leur droit, mais je pense qu'ils rompent avec bon nombre de consensus, a estimé M. Duceppe. M. Dumont a fait des demandes. Nous avons appuyé ces demandes. M. Harper a dit non. C'est leur choix, nous sommes en démocratie.»