Ils sont admissibles à l’école en anglais, mais choisissent l’instruction en français : près du quart des élèves qui ont le droit de fréquenter une école anglophone n’y vont pas, un phénomène particulièrement marqué dans les Laurentides et dans Lanaudière, a révélé mardi Statistique Canada.

Pour la première fois en 2021, des questions du recensement ont porté sur l’admissibilité à l’instruction dans la langue minoritaire, soit en anglais au Québec et en français dans le reste du Canada.

On savait déjà que le quart des enfants québécois admissibles n’avaient pas été scolarisés en anglais, mais mardi, Statistique Canada a dévoilé des données qui permettent de voir combien cette fréquentation varie d’une région à l’autre du Québec.

C’est sur l’île de Montréal que la fréquentation est la plus élevée. Près de quatre enfants admissibles sur cinq ont été scolarisés en anglais.

Étienne Lemyre, analyste principal chez Statistique Canada et auteur de l’étude

Sur la Côte-Nord et dans la Capitale-Nationale, 74 % des enfants d’âge scolaire admissibles à l’école en anglais l’ont fréquentée. Cette proportion est de 60 % dans le Bas-Saint-Laurent.

« Ça varie beaucoup d’une municipalité à l’autre au sein d’une même région », ajoute Étienne Lemyre.

Père anglophone, mère francophone

Comme son mari est un anglophone de Winnipeg, Nadine Guertin aurait pu envoyer ses deux garçons dans une école anglophone. La famille qui vit à Lachine a toutefois choisi l’école francophone au terme de « beaucoup de discussions ». Comme c’est surtout en anglais que se déroule la vie quotidienne à la maison, Mme Guertin avait « peur que leur français ne soit pas assez fort ».

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Nadine Guertin

L’entrée à l’école francophone a parfois été difficile pour ses deux fils, dit la mère, notamment quand ses enfants étaient en maternelle et en 1re année et qu’ils ont eu des difficultés en français. « Ils ont été entre de bonnes mains, mais ça a été dur de faire la transition. Ils se faisaient réprimander s’ils parlaient en anglais », se souvient Nadine Guertin.

Ses deux garçons sont aujourd’hui en 4e et en 6année. Le plus grand de la famille, qui avait le choix, a décidé qu’il poursuivrait son parcours à l’école secondaire en français l’an prochain.

Régions du Sud-Ouest

C’est dans les régions de l’Outaouais, des Laurentides et de Lanaudière qu’on retrouve le plus d’enfants qui sont admissibles à l’école en anglais, mais ne la fréquentent pas. « Si on regarde les enfants admissibles à l’enseignement en anglais qui ne s’en sont pas prévalus, le quart habite dans ces régions », dit l’analyste Étienne Lemyre.

Dans les Laurentides, par exemple, où un peu plus de 13 000 enfants sont admissibles à l’école en anglais, seuls 66 % ont fait ce choix.

La commission scolaire anglophone Sir-Wilfrid-Laurier dit pourtant que ses écoles débordent, à tel point qu’un nouvel établissement primaire de 16 classes ouvrira ses portes à Saint-Lin–Laurentides à la rentrée 2024.

« Nous ne sommes pas en décroissance », dit Maxeen Jolin, coordonnatrice des communications de la commission scolaire.

Sur le territoire de la commission scolaire, neuf élèves sur dix sont transportés à leur école par autobus. « Chaque parent a ses raisons d’envoyer les enfants à l’école en anglais ou pas, mais souvent, nos écoles ne sont pas dans leur quartier, dit Mme Jolin. Ce sont des enjeux qu’on a dans le secteur anglophone, on a un très grand territoire. »

Des motivations qui varient

Statistique Canada entend demander aux parents québécois les raisons qui motivent leur décision d’envoyer leurs enfants dans une école anglaise dans le cadre d’une autre analyse à paraître plus tard cette année, mais déjà, des hypothèses peuvent être émises.

« On a fait une analyse dans les Maritimes et la proximité des écoles est un facteur très important. Il y avait des enfants qui vivaient à moins de 2 kilomètres d’écoles anglaises et françaises, mais si l’école anglaise était plus près de leur domicile, ils avaient plus de chances d’être allés à l’école en anglais », dit M. Lemyre.

L’offre de programmes dans les écoles et la langue parlée à la maison peuvent aussi être des facteurs qui influent sur le choix d’une école.

Qui est admissible à l’école en anglais ?

Au Québec, les enfants peuvent fréquenter une école anglophone lorsqu’ils ont au moins un parent qui a fréquenté une école primaire de langue anglaise au Canada, ou lorsque l’enfant lui-même, un frère ou une sœur a fréquenté une école primaire ou secondaire de langue anglaise au Canada.