Les profs devront faire vite pour s’adapter à l’utilisation de l’intelligence artificielle par leurs étudiants d’ici la rentrée de septembre, avertit une chercheuse, qui a constaté que seulement le tiers des professeurs à l’université veut pour l’instant enseigner comment se servir de ces outils de manière éthique.

Ce qu’il faut savoir

  • Un peu moins d’un millier de personnes se sont réunies à Montréal, lundi, pour participer à la Journée sur l’intelligence artificielle en enseignement supérieur.
  • Déjà, 13 % des étudiants universitaires disent qu’ils ont utilisé un outil comme ChatGPT pour faire leurs travaux, a révélé une chercheuse de l’Université du Québec en Outaouais.

Lundi, à l’invitation de Québec et de l’Institut de valorisation des données (IVADO), de nombreux spécialistes de l’éducation se sont réunis dans un hôtel montréalais pour discuter de l’impact de l’intelligence artificielle sur l’enseignement supérieur.

Professeure de sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais, Martine Peters a dévoilé des chiffres qui montrent que les étudiants ont déjà commencé à intégrer l’intelligence artificielle dans leur vie universitaire.

« Ça fait longtemps que l’intelligence artificielle traîne autour, mais ChatGPT, ça fait seulement depuis novembre. Les profs viennent de subir un tsunami avec la COVID-19, et là, on en subit un plus gros encore », a-t-elle expliqué.

Son équipe a demandé à 896 étudiants provenant de sept universités s’ils ont utilisé ChatGPT pour faire des travaux : 13 % d’entre eux ont répondu par l’affirmative.

La chercheuse travaille avec des collègues du Canada anglais, des États-Unis et de l’Europe, et constate que c’est chez les étudiants francophones du Canada qu’on utilise le moins des outils d’intelligence artificielle pour l’instant.

« C’est normal, tout est plus présent en anglais, ça va plus vite. En Europe, les chiffres étaient pas mal plus hauts », explique-t-elle. Là-bas, environ le quart des étudiants avaient utilisé de tels logiciels pour leurs travaux.

L’arrivée de ChatGPT pose de nombreuses questions éthiques, a rappelé la chercheuse Martine Peters, mais « malheureusement, on n’a que 33 % des profs qui disent que c’est de leur responsabilité de faire ça », a-t-elle expliqué.

Face à ces changements technologiques qui se font rapidement, les profs « ne savent pas quoi faire », dit Mme Peters.

Quand je donne des ateliers dans les cégeps et universités, il y a au moins la moitié [des profs] qui n’ont pas essayé ChatGPT. Ça dit ce que ça doit être dans les écoles secondaires.

Martine Peters, professeure de sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais

Elle se dit néanmoins « contente » de constater que 51 % des profs disent qu’ils vont modifier leurs évaluations.

Une adaptation nécessaire

Car oui, les profs devront s’adapter au fur et à mesure que ces nouvelles technologies seront adoptées par leurs étudiants.

Il ne s’agit donc pas d’interdire l’utilisation de ces robots conversationnels pour les travaux, mais bien d’apprendre aux étudiants comment s’en servir. Par exemple, Martine Peters dit qu’en ce moment, ChatGPT est « nul en références ».

« Je l’ai traité de menteur », dit-elle d’un récent test qu’elle a fait. Les réponses fournies par le robot étaient « bien intéressantes », mais ont fourni des références qui n’existent pas.

Si j’enseignais à la session d’été, je dirais à mes étudiants : “Pour chaque endroit où vous avez utilisé ChatGPT, je veux une mention.” Pas parce que je veux leur faire peur, mais parce que je veux qu’ils se rendent compte des endroits où ils ont eu besoin d’aide, comment ils ont eu besoin d’aide.

Martine Peters, professeure de sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais

Elle appelle à développer l’esprit critique des étudiants face à l’intelligence artificielle, mais aussi à changer la manière d’enseigner.

Le « retour au crayon-papier » dans les cégeps et universités n’est pas la solution à ces technologies, dit Martine Peters, selon qui les profs doivent « complètement retravailler » leurs évaluations.

Un rapport sera remis à la ministre

« Dans le court terme, ça prend du temps », a affirmé Mme Peters, qui avait un message pour la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry : il faut en donner aux profs pour qu’ils s’adaptent.

Pour sa part, la ministre Pascale Déry estime que l’intelligence artificielle « bouleverse le monde de l’éducation » et qu’une journée de réflexion telle que celle tenue lundi était un « incontournable ».

Au moins un rapport sur l’intelligence artificielle sera remis à la ministre d’ici la fin de l’automne prochain. Il faudra « baliser le tout », dit Mme Déry, sans toutefois s’avancer sur le type de balises qui pourraient être mises en place.

« Il faut prendre quelques mois pour être capables d’arriver avec un développement éthique, responsable de l’intelligence artificielle. Ça va vite, ça évolue à un rythme effréné », dit Pascale Déry.