Lancée en 2015, l’École des Grands offre des séances d’aide aux devoirs gratuites à de jeunes élèves du primaire issus de milieux défavorisés au Québec. Tous les samedis, petit déjeuner et transports inclus, des mentors collégiens les accompagnent dans leur cheminement scolaire. C’est avec fierté qu’une cinquantaine d’enfants de l’école primaire Saint-Bernardin dans Saint-Michel ont reçu samedi un diplôme saluant leur persévérance scolaire à la mi-année.

La cérémonie, au collège de Rosemont, à Montréal, a ressemblé des mentors, des parents, des coordonnateurs et une cinquantaine de jeunes élèves fièrement diplômés. Des certificats leur ont été remis pour souligner leur engagement et leur réussite scolaire, alors que les vacances de Noël arrivent à grands pas.

« Ce sont tous des enfants qui ont besoin d’accompagnement aux devoirs, et ici, ils ne sont pas stigmatisés, souligne Julie Langlois, mère d’une fillette, à la remise des diplômes. Cette remise de prix les rend fiers. Ça les aide pour la persévérance et l’amélioration. »

De jeunes élèves du primaire sont jumelés à des collégiens bénévoles qui les accompagnent dans leur apprentissage du français, des mathématiques et des sciences. Ils se retrouvent une fois par semaine dans une classe d’un cégep partenaire pour compléter les devoirs et réaliser des activités de laboratoire.

« En tant que mère de famille monoparentale, parfois on manque de temps les soirs de semaine pour faire les devoirs », confie Julie Langlois.

Patricia Santiago, mère d’une élève de deuxième année, reconnaît aussi les bénéfices qu’apporte le programme. « Je ne maîtrise pas bien le français, alors c’est bien que quelqu’un l’aide à prononcer correctement les sons et les voyelles. Ainsi, je ne ressens pas de pression à lui enseigner », lance-t-elle.

Donner au suivant

La mission principale de l’École des Grands est de contribuer à l’égalité des chances par l’accompagnement et le soutien auprès des jeunes élèves vulnérables.

« La communauté, la famille et l’école peuvent générer des facteurs de risque auprès d’un élève, mais elles peuvent aussi générer des facteurs de protection. Si on met des facteurs de protection autour de cet élève, il développe la résilience académique et la réussite éducative », explique Alisha Wissanji, fondatrice de l’École des Grands.

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Alisha Wissanji, fondatrice de l’École des Grands, remet les diplômes aux jeunes élèves de l’école Saint-Bernardin du quartier Saint-Michel.

Les écoles primaires sont sélectionnées en fonction de leur « indice de milieu socio-économique » (IMSE), calculé par le ministère de l’Éducation, qui tient notamment compte de la sous-scolarisation de la mère et de l’inactivité des parents, deux facteurs non négligeables dans le décrochage scolaire des jeunes.

Les élèves admissibles au programme proviennent des écoles primaires les plus défavorisées du Québec. Les jeunes sont choisis par les enseignants de leur établissement scolaire, qui visent ceux qui manifestent un manque d’intérêt et des difficultés sur le plan scolaire.

Des mentors aux études collégiales, formés pour soutenir ces jeunes élèves dans leur processus scolaire, tentent ainsi de « bâtir un lien de confiance » pour les accompagner, explique Étienne Dauphin, chargé du projet au collège de Rosemont, où il enseigne également les mathématiques.

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Étienne Dauphin, professeur de mathématiques au collège de Rosemont, où il est aussi chargé de projet de l’École des Grands

Ils deviennent un exemple positif pour les jeunes enfants et un exemple de réussite scolaire.

Étienne Dauphin

Mia Santerre, élève en intervention psychosociale et mentore depuis plus d’un an, suit une jeune élève depuis déjà plusieurs mois. « Avant, ça prenait presque toute l’activité, faire un devoir. Aujourd’hui, elle s’est assise à mon côté et elle a fait son devoir d’anglais sans me poser de questions », souligne la cégépienne. « Juste le fait d’être assis à leurs côtés, ça les rassure beaucoup », ajoute-t-elle.

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Mia Santerre, élève en intervention psychosociale et mentore à l’École des Grands

Exactement 13,5 % des élèves du secondaire ont quitté les bancs d’école avant d’avoir obtenu leur diplôme, dans l’année scolaire 2019-2020, indique le ministère de l’Éducation ; chez les élèves issus de milieux défavorisés, ce taux s’élevait à 19,7 %.

On travaille avec les écoles les plus défavorisées du Québec. On a souvent des parents qui ont trois emplois, dont le quart de soir. Ils ne peuvent pas aider les enfants à la maison avec leurs devoirs. C’est là qu’on vient donner un petit coup de main.

Alisha Wissanji

C’est d’ailleurs après avoir elle-même fait de l’aide aux devoirs pendant plusieurs années auprès de jeunes réfugiés afghans à Granby qu’elle s’est découvert une vocation dans le soutien à la réussite scolaire pour tous.

L’École des Grands, qui suit de près le taux de réussite de ses participants, observe une nette amélioration chez ces jeunes élèves, en comparaison de leurs camarades de classe, note Alisha Wissanji. Selon plusieurs études menées par l’équipe, le programme est tout aussi bénéfique pour les mentors collégiens, qui développent davantage de motivation et de compétences sur le plan scolaire, ajoute-t-elle.

Cet automne, le programme a été offert dans six cégeps à Montréal, Laval, Mont-Laurier et Trois-Rivières, pour des élèves répartis dans 11 écoles primaires du Québec. Ils étaient plus de 400 collégiens et élèves à avoir bénéficié du projet cette session-ci.

Chapeautée par la Fondation W, créée par Alisha Wissanji, l’École des Grands est financée par des dons de la communauté et de fonds d’entreprises. Le programme prendra d’ailleurs de l’ampleur dans la prochaine année, tandis que deux centres et trois écoles primaires supplémentaires s’ajouteront en février. Quelque six régions administratives du Québec seront servies dès septembre 2023.