Les élèves de 5e secondaire ont été moins nombreux à réussir leurs cours de français en 2022 qu’avant la pandémie. Les taux de réussite en mathématiques et en sciences ont également diminué, révèlent les plus récents chiffres du ministère de l’Éducation obtenus par La Presse.

En 2018, le taux de réussite au cours de français de 5e secondaire s’élevait à 91 %. En juin 2022, il était de 87,1 %.

Pour en arriver à ce taux, le ministère de l’Éducation prend en compte le résultat à l’épreuve unique administrée à la fin de l’année, mais aussi la note attribuée par les enseignants. Sont exclus de ce calcul les élèves qui ont décroché avant de terminer leurs études secondaires.

Au sortir de la pandémie, ces résultats ne surprennent pas Priscilla Boyer, professeure agrégée du département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

« J’ai hâte de voir si les résultats des prochaines années seront plus faibles. Ce n’est pas vrai que l’apprentissage est équivalent quand on est une journée sur deux à la maison », dit Mme Boyer.

Au plus fort de la pandémie, des élèves de 3e, 4e et 5e secondaire ont passé plusieurs semaines à faire l’école à la maison la moitié du temps.

En français, explique Priscilla Boyer, les élèves de 5e secondaire doivent écrire un texte argumentatif. Cette année, ils devaient répondre à la question : « Les objets connectés contribuent-ils à notre mieux-être ? »

Cet examen avait été préparé en 2020, mais a été annulé en raison de la pandémie. En 2022, le Ministère a réutilisé les copies déjà imprimées « dans un souci d’écoresponsabilité et de saine gestion des fonds publiques [sic] », avait expliqué la directrice de la sanction des études dans une lettre envoyée aux centres de services scolaires.

Or, certains textes que devaient lire les élèves en préparation à leur rédaction « étaient datés », dit Mme Boyer. « Les élèves devaient en parler au passé, ça a peut-être influencé [le taux de réussite] », poursuit la professeure.

Car la recherche a démontré que le thème de l’examen a un effet sur les résultats, dit Mme Boyer, qui donne en exemple l’examen de français de 2014, où les élèves devaient répondre à une question sur les personnes âgées.

« Les jeunes ont galéré pour trouver des arguments, ils ne comprenaient pas super bien le sujet, et ça a représenté un tel défi que ça a fait chuter les résultats en orthographe », relate-t-elle.

L’examen de français, « une recette à appliquer »

Spécialiste de l’enseignement du français, Suzanne-G. Chartrand émet quant à elle l’hypothèse que les enseignants ont peut-être passé moins de temps à préparer les élèves à cet examen de 5e secondaire.

Dans les écoles, préparer l’examen de français de 5e secondaire, « ce n’est plus un mois, c’est un trimestre ! », dit Mme Chartrand.

Dans le passé, Priscilla Boyer a enseigné à ce niveau et constate elle aussi que la dernière année de français au secondaire est « construite autour de cet examen » pour que les élèves réussissent.

« On formate tellement le genre que c’est une recette à appliquer : ta première phrase, c’est ton sujet amené. La deuxième, ton sujet posé. Mais un texte argumentatif, ce n’est pas toujours comme ça, il n’y a qu’à regarder n’importe quelle chronique dans le journal », observe Mme Boyer.

Si elle croit que l’épreuve unique de français est un outil précieux pour suivre l’évolution des connaissances des élèves québécois, elle observe néanmoins qu’on « perd de vue un certain objectif, qui est de maîtriser le français ».

La difficile maîtrise de l’orthographe

Suzanne-G. Chartrand estime que dans ce contexte, les taux de réussite en français ne reflètent en rien la réalité. Il suffit de regarder les élèves qui entrent au cégep et qui se retrouvent dans des centres d’aide en français, dit-elle.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Suzanne-G. Chartrand, spécialiste de l’enseignement du français

« Ils ne savent pas écrire un texte ou organiser minimalement une pensée. Sur le plan de l’orthographe, de la ponctuation, de la syntaxe : c’est minable ! C’est 40, 50 % des élèves », dit Mme Chartrand.

Les épreuves ministérielles en français montrent que le volet de l’orthographe « a toujours été problématique », abonde Priscilla Boyer, elle-même spécialisée en orthographe.

« Comment se fait-il que depuis 1986, on considère que 50 % des jeunes qui sortent [du secondaire] n’ont pas la note de passage au volet orthographe, même s’ils ont réussi l’épreuve d’écriture ? », demande Mme Boyer.

Celle qui a fait de l’orthographe sa spécialité observe aussi un grand écart entre les élèves.

La réalité, c’est que ça prend plus qu’une 5e secondaire pour apprendre la langue. Ça se termine à l’université, pour ceux qui se rendent jusque-là. Ça prend du temps, apprendre à orthographier.

Priscilla Boyer, professeure agrégée du département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières

Une baisse en maths et en sciences

Les taux de réussite en mathématiques et en sciences ont également diminué, révèlent les données fournies à La Presse par le ministère de l’Éducation.

En mathématiques régulières, le taux de réussite a chuté de 2,6 points de pourcentage, passant de 79,9 % en 2018 à 77,3 % en 2022.

C’est aussi le cas en sciences et technologie, où les taux de réussite sont passés de 92,2 % en 2018 à 87,8 % en 2022, une baisse de plus de 4 points de pourcentage.

Que ce soit en français, en mathématiques ou en sciences, le taux de réussite à ces cours a augmenté pendant la pandémie. En combinant tous les cours qui comportent une épreuve unique, les taux de réussite ont bondi, allant jusqu’à atteindre près de 92 % pour l’ensemble du Québec.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse