Les écoles de la province font appel à des centaines d’éducatrices en service de garde scolaire qui n’ont aucune formation liée à leur travail, résultat du manque d’attrait de la profession, mais aussi des faibles exigences du gouvernement. Bien des enfants passent pourtant presque autant de temps avec ces éducatrices qu’avec leurs profs.

On sait que de nombreux enseignants non qualifiés se retrouvent dans les écoles du Québec en raison de la pénurie, mais c’est aussi le cas pour les éducatrices des services de garde scolaires, démontre une demande d’accès à l’information faite par La Presse auprès d’une dizaine de centres de services scolaires.

À celui de la Capitale (CSSC), à Québec, 250 éducatrices sur près de 700 ne sont pas qualifiées. Au centre de services scolaire des Mille-Îles (CSSMI), dans les Basses-Laurentides, sur 800 personnes qui ont travaillé comme éducatrices depuis juillet 2021, 130 ne détenaient pas les qualifications minimales.

À cela s’ajoutent les 175 personnes qui ont été appelées à faire des remplacements ponctuels dans les écoles.

Il peut donc être normal qu’ils ne détiennent pas toutes les qualifications minimales puisqu’ils émanent d’autres catégories d’emplois.

Mélanie Poirier, porte-parole du CSSMI

En réponse à notre demande d’accès à l’information, le centre de services scolaire de Montréal a indiqué avoir 258 « dossiers » d’employées (sur 2000 éducatrices) qui ont une formation « autre ».

Des postes « moins attractifs » difficiles à pourvoir

Depuis 2011, en plus d’avoir minimalement un diplôme d’études secondaires, les éducatrices doivent détenir une attestation d’études professionnelles (AEP) en service de garde. Les centres de services scolaires peuvent aussi les qualifier si elles ont une attestation d’études « dont l’équivalence est reconnue par l’autorité compétente ». Au milieu de l’échelle salariale, une éducatrice en service de garde gagne environ 23 $ de l’heure.

La Fédération du personnel de soutien scolaire explique que chez certains de ses membres, l’expérience auprès des enfants s’ajoute au diplôme d’études secondaires.

Je connais des gens qui ont fait de l’animation dans des parcs […], qui ont travaillé comme moniteurs de piscine.

Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire

Il explique que l’intérêt pour l’attestation d’études professionnelles mise sur pied il y a dix ans s’est « essoufflé ». Le fait qu’elle soit optionnelle pour les éducatrices déjà en poste n’a pas aidé, ajoute-t-il.

La pénurie dans le secteur de l’éducation explique pourquoi aussi peu d’éducatrices ont obtenu cette formation de 390 heures, avance Réjeanne Brodeur, présidente de l’Association québécoise de la garde scolaire (AQGS).

Dans les centres de services scolaires où on a recours à des éducatrices non qualifiées, on cite aussi la pénurie. Des postes « parfois moins attractifs au niveau du nombre d’heures et de l’horaire » forcent l’embauche de gens non qualifiés, explique-t-on aussi au CSSMI.

La Fédération du personnel de soutien scolaire dit que 70 % de ses membres ont un statut précaire. « Il y en a qui travaillent seulement le midi, d’autres qui ne font pas le soir », illustre Éric Pronovost. Dans ce contexte, « on est rendu que le Tim Hortons est un challenger direct aux écoles […] parce qu’il offre, lui, 35 heures par semaine », déplore M. Pronovost.

Aucune cible de formation

Dans un rapport publié il y a plus de 20 ans, le Vérificateur général du Québec observait déjà une pénurie de personnel diplômé dans les services de garde scolaires et notait que contrairement à la plupart des autres provinces canadiennes, « la seule exigence formulée par le Québec est de détenir un diplôme de 5secondaire ».

Cinq ans plus tard, le Conseil supérieur de l’éducation recommandait dans un avis de rehausser les exigences de formation du personnel des services de garde et de favoriser l’accès à la formation continue.

Depuis, le ministère de l’Éducation du Québec n’a fixé aucune cible de formation pour les éducatrices qui travaillent en service de garde dans les écoles, confirme son porte-parole, Bryan St-Louis.

Pourtant, dans les centres de la petite enfance, le gouvernement impose un minimum d’éducatrices qualifiées. Pour être considérées comme telles, celles-ci doivent avoir une attestation d’études collégiales ou un diplôme d’études collégiales.

Des services qui s’arrêtent « quand la cloche sonne »

À la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), on rappelle que les familles ont bien changé depuis l’implantation des services de garde, il y a plus de 40 ans.

« Les parents s’attendent à un service de qualité égale à l’école, tout au long de la journée », dit son président Kévin Roy, qui précise que du personnel fait partie de cette qualité attendue.

Il note que les services offerts aux élèves à besoins particuliers cessent d’être offerts « quand la cloche sonne, comme si les besoins de l’enfant s’arrêtaient là ».

Les parents souhaiteraient que les éducatrices en service de garde aient une formation supplémentaire concernant les élèves à besoins particuliers et que les éducatrices soient impliquées directement quand un élève a un plan d’intervention.

Le président de la Fédération du personnel de soutien scolaire se dit en faveur d’un programme de formation continue, notamment pour mieux accompagner les élèves qui vivent des problèmes de santé mentale. « C’est un must, dit Éric Pronovost. C’est aux centres de services scolaires d’y voir », ajoute-t-il.

Avec William Leclerc, La Presse

En savoir plus
  • 2000
    Nombre d’éducatrices en service de garde que le gouvernement veut recruter d’ici cinq ans
    source : gouvernement du québec
    505 800
    Nombre d’élèves qui fréquentent un service de garde scolaire dans le réseau public
    source : Ministère de l’Éducation