(Québec) Plutôt que d’appliquer la loi 101 au cégep comme le réclament de nombreux groupes de défense du français et le Parti québécois, le gouvernement Legault modifie sa réforme de la Charte de la langue française pour imposer à tous les étudiants des cégeps anglophones trois cours enseignés en français afin d’obtenir leur diplôme.

La question était débattue depuis le dépôt du projet de loi 96 : faut-il appliquer la loi 101 aux cégeps, ce qui aurait pour effet d’interdire aux francophones et aux allophones de fréquenter un cégep public anglophone ? Alors que le débat divise en commission parlementaire, Québec tranche : c’est non.

Le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, a toutefois causé la surprise mercredi soir en faisant adopter un amendement inspiré du plan libéral en matière de langue française. Il sera désormais requis d’un étudiant qui fréquente un cégep anglophone, qu’il soit francophone, allophone ou anglophone, de réussir un minimum de trois cours en français pour obtenir son diplôme d’études collégiales.

Selon les explications fournies par le cabinet du ministre, ces cours devront être « spécifiques au programme d’études » et ne pourront pas être des cours de langue d’enseignement, de langue seconde ou d’éducation physique.

Mettre fin au débat

En adoptant cet amendement, Québec espère mettre fin au débat entourant l’imposition de la loi 101 dans le réseau collégial, une question qui a même divisé le caucus du gouvernement. La question est également revenue sur la place publique, mercredi, alors que la Société Saint-Jean-Baptiste et le Mouvement Québec français ont publié une lettre ouverte pour dire qu’il y a « urgence nationale ».

« Considérant la valeur accordée à l’anglais sur le marché du travail dans un contexte de mondialisation, les jeunes sont de plus en plus nombreux à se laisser convaincre par les avantages d’étudier en anglais au collégial. Si rien n’est fait pour contrecarrer ces ambitions estudiantines, c’est tout le réseau des cégeps francophones de la province qui risque d’en souffrir d’une manière irrévocable », ont écrit Marie-Anne Alepin, présidente générale de la Société Saint-Jean-Baptiste, et Maxime Laporte, président du Mouvement Québec français.

Québec veut être « très clair »

Le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, a catégoriquement fermé la porte. « Notre position a été très claire dès le départ. On vient mettre un plafond, on donne priorité aux [Québécois anglophones] dans les établissements collégiaux anglophones et, surtout, on [impose] l’épreuve uniforme de français aux étudiants allophones et francophones qui vont décider d’aller dans un cégep anglophone. Comme ça, ils [auront] une maîtrise adéquate de la langue française », a-t-il répondu.

« Tout le monde [au caucus de la Coalition avenir Québec] est d’accord avec la position que le gouvernement du Québec a déposée avec ce projet de loi. Je pense que c’est une bonne position », a ajouté le ministre.

Selon le porte-parole du Parti québécois en matière de protection du français, Pascal Bérubé, Québec manque une « occasion historique de réellement faire avancer le français », ajoutant que la « frange fédéraliste de la CAQ a gagné ».

Plus tôt cet hiver, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, affirmait pourtant que la question d’imposer la loi 101 aux cégeps, une idée qualifiée d’« extrémiste » par le premier ministre François Legault, était débattue au caucus.

« La position qu’on a actuellement semble la bonne. Elle n’est pas finie encore. Il y a des discussions qui ont lieu au caucus. Il y a différentes opinions sur ça », avait-il dit.

Dans son projet de loi, dont l’étude détaillée se poursuit en commission parlementaire, le ministre Simon Jolin-Barrette plafonne la proportion d’élèves inscrits dans les cégeps anglophones à un maximum de 17,5 % des places totales du réseau collégial.