(Québec) Le gouvernement Legault refuse de s’immiscer dans le conflit opposant l’Autorité des marchés financiers (AMF) et des associations étudiantes concernant la gestion de l’assurance maladie sur les campus. L’organisme de réglementation et d’encadrement du secteur financier demande aux étudiants d’agir de « bonne foi » en se présentant à une table de consultation, un exercice toutefois rejeté par les associations qui réclament l’intervention de Québec pour plus de « neutralité ».

En conférence de presse, vendredi, des porte-paroles représentant 57 associations étudiantes ont interpellé la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, pour qu’elle intervienne. Ces associations demandent à Québec de gérer les négociations entre l’AMF, les assureurs et les étudiants afin d’assurer une « neutralité » au processus.

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Xavier Gravel, président de l’Association étudiante du cégep de Rimouski, Eric Sader, vice-président aux finances de l’Association étudiante de l’Université McGill, et Cyndelle Gagnon, présidente de l’association des étudiants au premier cycle de l’Université Laval

« Les associations étudiantes du Québec sont capables de se mobiliser rapidement pour mettre en place des actions, pour faire changer les choses. […] On veut que ça se règle avant l’automne », a déclaré Cyndelle Gagnon, présidente de l’association des étudiants au premier cycle de l’Université Laval, la CADEUL.

La réponse du gouvernement est arrivée rapidement du cabinet du ministre des Finances, Eric Girard.

L’AMF a annoncé une consultation avec les étudiants et les parties prenantes concernées. Nous laissons l’AMF, à titre de régulateur indépendant, effectuer les travaux nécessaires pour trouver une solution aux bénéfices de toutes les parties concernées.

Le cabinet du ministre des Finances, Eric Girard

Le cabinet de Danielle McCann a également répondu vendredi que la position exprimée par la ministre la veille au parlement restait la même. « C’est important que les gens s’assoient et trouvent une solution. À partir du moment où on voit qu’il y a un problème, il faut essayer de le régler et trouver une nouvelle façon de voir aux besoins des étudiants qui soit acceptable pour l’Autorité des marchés financiers et pour les associations étudiantes », a dit Mme McCann jeudi.

L’AMF demande la « bonne foi » des étudiants

Face à la grogne exprimée par les associations étudiantes, l’AMF a déclaré vendredi à La Presse qu’elle « ne commentera pas les propos des associations étudiantes ».

« Nous tenons toutefois à rappeler que notre annonce de surseoir à la décision de mettre en application les mesures qui étaient prévues repose sur une démarche de bonne foi et la recherche sincère de solutions durables. […] En contrepartie, nous invitons tous les joueurs impliqués dans ce dossier à participer à la consultation que nous allons mettre en place [et] qui servira ensuite au rapport que l’Autorité présentera au ministre des Finances », a ajouté l’organisme.

L’AMF a annoncé mercredi qu’elle sursoyait à l’application de mesures qui auraient eu pour effet de priver, dès la prochaine rentrée scolaire, des centaines de milliers d’étudiants d’une couverture d’assurance. En contrepartie, l’organisme de réglementation invitait les associations étudiantes et les assureurs à participer à « un processus de consultation et de réexamen du cadre légal balisant les obligations des assureurs à l’égard des produits d’assurance offerts par les associations étudiantes ».

Dans sa position initiale, qui avait mené Desjardins à annoncer qu’elle ne renouvellerait pas les contrats qu’elle détient avec 57 associations étudiantes – décision qui a été suspendue le temps de régler la question de fond –, l’AMF demandait à ce que l’adhésion à un régime collectif d’assurance ne soit plus automatiquement perçue par l’entremise de la facture scolaire.

Selon Eric Sader, vice-président aux finances de l’Association étudiante de l’Université McGill, « la solution proposée [par l’AMF], c’est de changer le système d’assurance d’un système collectif à un système individuel, […] et ce changement-là va mener à la fin des assurances collectives ».

« Dans un régime d’assurance collective, la protection que les étudiants vont avoir va peut-être leur coûter en moyenne de 300 à 350 $. Si on passe à un régime d’assurance individuelle, pour le même régime, la même protection, ce même étudiant va payer jusqu’à 2500 $. C’est ça, les impacts, et c’est ça qu’on ne peut pas laisser passer », a ajouté Xavier Gravel, président de l’Association étudiante du cégep de Rimouski.

Pas une question financière

Les associations étudiantes représentées lors du point de presse, qui font toutes affaire avec le fournisseur de régimes d’assurance ASEQ, ont également affirmé vendredi qu’elles ne recevaient aucuns fonds de cette entreprise pour souscrire une assurance collective.

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Eric Sader, vice-président aux finances de l’Association étudiante de l’Université McGill

Les assurances étudiantes sous l’ASEQ ne [donnent] aux associations étudiantes aucun argent. Nous n’utilisons aucun argent que nous recevons des étudiants pour nos opérations, dans aucun cas. Tout cet argent est utilisé pour payer nos assurances.

Eric Sader, vice-président aux finances de l’Association étudiante de l’Université McGill

Le porte-parole de l’ASEQ, Marc-André Ross, a par ailleurs tenu à préciser à La Presse qu’aucune ristourne n’était versée aux associations étudiantes.

« Il n’y a jamais eu de ristourne. Jamais, jamais jamais. C’est archifaux », a dit M. Ross, soutenant également que Desjardins ne s’adonnait pas davantage à cette pratique, ce qui indiquerait que la lutte menée par les associations n’est pas alimentée par des préoccupations financières.

Par ailleurs, dans un communiqué, vendredi, la Fédération étudiante de l’Université de Sherbrooke a dénoncé la stratégie déployée en point de presse par les 57 associations étudiantes, affirmant qu’elle accentuait la division sociale.

« Il faut rappeler que l’Autorité des marchés financiers a un rôle de régulation des marchés financiers afin de protéger les investisseurs et la population contre des cas de malversations financières ou de fraudes éventuelles. […] Nous croyons que certaines organisations se doivent d’être neutres et au-dessus de la joute politique afin de protéger convenablement la population. Ainsi, miner publiquement la confiance envers un organisme de régulation qui défend les petits investisseurs dont la population étudiante est un précédent dangereux », a écrit la Fédération.

Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse