(Québec) Environ 10 000 enseignants, membres du personnel professionnel et de soutien du réseau collégial tiendront une journée de grève, en pleine pandémie, le 30 mars. D’autres secteurs de l’enseignement songent à emboîter le pas si « l’impasse » dans les négociations du secteur public persiste, prévient la CSQ.

« On est tannés de se faire niaiser », a scandé la présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Sonia Éthier. Des membres de la CSQ ont manifesté jeudi devant l’Assemblée nationale. Ils avaient un message à livrer au gouvernement : « C’est à [François] Legault de décider jusqu’où on va aller dans le mouvement de grève ! ».

La CSQ a annoncé que les syndicats du réseau collégial tiendront un premier « mouvement de grève » le 30 mars prochain. Les enseignants d’une quinzaine de cégeps de la province débrayeront, dont au Collège de Bois-de-Boulogne, au Cégep de Victoriaville, de Rimouski, de Sainte-Foy et de Sorel-Tracy, notamment.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

La présidente de la Centrale des syndicats du Québec, Sonia Éthier.

Les membres avaient déjà voté à 73 % en faveur d’un mandat de « l’équivalent de cinq jours » de grève, à être tenues au moment opportun. Le mardi 30 mars sera donc la première journée de ce mandat.

En zone rouge, l’enseignement au collégial se faire encore majoritairement à distance. Depuis le 8 février, Québec recommande l’enseignement en présence « idéalement une fois par semaine ».

« On l’a vu, c’est plus difficile pour les étudiants de suivre leurs cours [à distance], c’est plus lourd pour les profs. Qu’est-ce qu’il va arriver dans l’avenir ? […] Il nous faut des balises claires pour encadrer cette formation à distance », a lancé la présidente de la Fédération des enseignants de cégep (FEC-CSQ), Lucie Piché. « Ça nous prend des ressources, ça nous prend des profs », a-t-elle ajouté. Le syndicat assure « qu’il veut négocier » et réclame une entente d’ici le printemps.

« On aurait préféré ne pas se rendre-là », a affirmé pour sa part la présidente de la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur, Valérie Fontaine. « Cette première journée de grève-là va servir d’ultimatum au gouvernement […] on ne va se contenter de ramasser les cennes noires au fond du pot. »

La CSQ reproche au gouvernement Legault de ne pas négocier de bonne foi avec les syndicats du secteur public, dont la convention collective est échue depuis mars 2020. À l’aube du budget Girard, ils demandent à l’unisson que Québec revoit « son cadre financier inflexible décrété unilatéralement par le Conseil du trésor ».

Questionnée par la libérale Marwah Rizqy au Salon bleu, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a assuré jeudi que les tables de négociation « sont toutes très actives » et que les mandats « sont très clairs ».

« On est actif aux tables de négociation. J’ai moi-même rencontré les dirigeants des deux syndicats concernés […] La CSQ naturellement pour leur rassurer des priorités gouvernementales. […] On est en action. Et je suis très confiante, j’espère de pouvoir régler rapidement, à l’instar de la FIQ », a soutenu Mme LeBel.

Québec a conclu en décembre une entente de principe avec la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ). Il s’agit d’une entente sectorielle qui ne comprend pas les clauses touchant les salaires et les fonds de retraite.

Vers d'autres grèves ?

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) qui représente des enseignants du préscolaire, du primaire et secondaire, a affirmé son intention « d’aller en grève » à son tour si les négociations continuent de piétiner.

« Le collégial vient de vous donner sept jours pour vous réveiller », a martelé la présidente de la FSE, Josée Scalabrini, s’adressant au gouvernement Legault. « C’est le temps de négocier parce qu’on va faire ce qu’on déteste, on va faire ce que personne n’apprécie et oui on va y aller en grève », a-t-elle ajouté.

« On n’ira pas en grève pour nous, on va aller en grève pour la société », dit-elle. La FES regroupe 34 syndicats représentant plus de 65 000 enseignants au Québec.

La CSQ revendique une enveloppe de 200 millions pour l’amélioration des conditions de travail de ses membres. Elle veut notamment plus de soutien pour les enseignants et de meilleurs salaires.

Le cabinet de Sonia LeBel a réitéré jeudi que « le gouvernement a fait de l’éducation et de la réussite éducative des élèves du Québec une priorité » et en découle « un engagement ferme » d’améliorer les conditions de travail des enseignants. Le gouvernement a proposé aux syndicats « de modifier la composition [patronale] de la table de la négociation » afin de « tout mettre en œuvre pour dégager dans les meilleurs délais une entente sectorielle », a-t-on indiqué.

« Un message clair », estime l'opposition

Des représentants des groupes d’opposition ont participé à la manifestation devant le Parlement, à Québec.

Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a accusé le gouvernement Legault « d’hypocrisie » alors que les « ministres de la Coalition avenir Québec ne manquent jamais une occasion de remercier les travailleurs et travailleuses du secteur public », mais qu’il « s’enfuit en courant » quand vient le temps de négocier.

« Une attitude comme ça, ça porte un nom, ça s’appelle de l’hypocrisie », a lâché M. Nadeau-Dubois.

La députée libérale Marwah Rizqy estime que les membres de la CSQ ont envoyé jeudi « un message clair » au gouvernement qu’ils réclament « des négociations de bonne foi » et que c’est à Québec de démontrer « son sérieux ».

Le député péquiste Sylvain Gaudreault, ancien professeur au cégep de Jonquière, a rappelé le « contexte inédit » de la pandémie. « Depuis un an en particulier, j’ai vu à quel point vos membres sont au front, nuit et jour, […] et ça il faut que ce soit reconnu », a-t-il affirmé devant la foule.