(Québec) Les comités de parents et les directions d’établissement d’enseignement sonnent l’alarme sur l’encadrement inégal qui est offert aux élèves qui s’absentent de l’école le temps de passer un test de dépistage de la COVID-19. En attente à la maison pendant plusieurs jours, certains enfants ne reçoivent pas d’enseignement à distance. Et les retards s’accumulent.

Le président de la Fédération des comités de parents du Québec, Kévin Roy, s’impatiente. « Il faut des ressources supplémentaires et que les services offerts aux élèves à la maison soient balisés [à travers le Québec], même quand ce n’est pas une classe au complet qui est fermée », dit-il.

« J’ai des parents qui m’appellent et qui en sont à leur deuxième période de confinement. C’est du retard qui s’accumule pour leur enfant. Du retard qui s’accumule sur ce qui n’a pas été vu au printemps aussi. Quand ces élèves reviennent en classe, c’est une pression de plus pour les enseignants pour qu’ils retrouvent le même rythme que le reste du groupe », a expliqué M. Roy en entrevue avec La Presse.

En août dernier, lorsqu’il a présenté son plan de la rentrée scolaire, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, avait assuré que « chaque jeune [aurait] droit à un minimum de 15 heures de cours par semaine [à distance] et un accès à un enseignant deux heures par jour pour poser des questions ».

Maintenant que l’année scolaire est bien entamée, Kévin Roy déplore que cet encadrement ne soit offert que lorsqu’une classe entière bascule en enseignement en ligne en raison de cas de COVID-19.

Quand un élève s’isole seul à la maison, le temps de passer un test de dépistage, l’enseignement à distance est « variable d’une école à l’autre ».

« Le ministre avait appelé ça une ‟garantie”, mais il y avait des petits caractères à cette garantie et c’est que ça ne s’applique pas aux élèves qui s’isolent seuls », affirme-t-il.

À la recherche d’une solution

Le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement, Nicolas Prévost, estime que le réseau scolaire a un « gros défi » devant lui pour régler ce problème.

À la rentrée des classes, un élève qui quittait l’école quelques jours pour passer un test de dépistage de la COVID-19 recevait du matériel scolaire à compléter pour deux ou trois jours, pendant son absence. Or, les délais pour recevoir un résultat à un test ont explosé, rappelle M. Prévost.

« Si le temps de dépistage s’allonge et que l’élève ne revient pas rapidement en classe, c’est là qu’on voudrait basculer avec lui en enseignement à distance », explique-t-il, car « les élèves qui sont isolés 10, 14 jours », le temps d’avoir leur résultat, « ce ne sont pas des cas d’exception ».

Il n’y a pas 10 000 options. Il faudrait que l’enseignante qui est en classe se branche via un portable le temps qu’elle fasse de l’enseignement pour une demi-heure, une heure par jour.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Égide Royer, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Laval et spécialiste de la question de la réussite scolaire, affirme que « compte tenu du nombre d’élèves en difficulté que l’on a dans les écoles du Québec, si vous êtes arrêtés pendant 14 jours, l’enseignement à distance devrait commencer le jour suivant ».

« Pour un petit bonhomme qui a des retards en lecture, sans enseignement à distance, ça ne peut pas fonctionner. Il faut une intervention assez rapidement », plaide-t-il.

De l’aide, mais pas trop de pression

Julien Prud’homme, professeur au département des sciences humaines de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et spécialiste de la question des enfants à besoins particuliers, estime que l’inégalité des services offerts à l’heure actuelle « s’explique par une vision de la pandémie comme s’il s’agissait d’un interrupteur, d’une switch on-off ».

« Or, ce qu’on apprend cet automne, c’est que la pandémie est une longue zone grise. Il faut s’adapter à vivre avec le virus et offrir tout un éventail de services pour y faire face », explique-t-il, plaidant pour plus de flexibilité dans le réseau.

Pour sa part, la présidente de l’Association des orthopédagogues du Québec, Isabelle Gadbois, estime que « ce qui est très important, qu’on soit en classe ou à distance, c’est d’éviter la pression qui est contre-productive ».

« Si on ne mange pas pendant sept jours, on ne va pas manger 21 repas la huitième journée. L’apprentissage, c’est comme ça aussi. Ça se fait dans le temps. […] Il faut s’enlever de la tête qu’on peut rattraper tout le retard et que les élèves vont tout digérer le printemps dernier et l’automne d’ici Noël. Il faut revoir nos attentes d’apprentissage », dit-elle.