Le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, instaure de nouvelles règles encadrant l'école à la maison afin de «fermer la porte» à ceux qui l'utilisent comme «astuce» pour se soustraire à la Loi sur l'instruction publique.

«Il y a des gens qui prétendaient faire l'école à la maison [...] et envoyaient au fond leurs enfants dans des écoles religieuses», a-t-il expliqué en point de presse à l'Assemblée nationale, mercredi.

«Les enfants passent 20 ou 30 heures par semaine dans ces lieux-là, apprennent un paquet de choses sauf le programme de formation de l'école québécoise et c'est très problématique pour eux. C'est inacceptable», a-t-il tranché.

En matinée, le ministre a déposé un projet de règlement pour obliger l'enseignement d'un contenu minimal en langues, mathématique, sciences et univers social, ainsi que la passation d'examens ministériels.

Son projet de règlement exige aussi que l'enfant se présente à des rencontres dans le but de permettre un meilleur suivi et un dépistage plus efficace des difficultés d'apprentissage.

Ces règles - qui touchent environ 5000 enfants québécois qui sont scolarisés à la maison - entreront en vigueur à partir du 1er juillet 2019, a annoncé le ministre lors d'une déclaration ministérielle au Salon bleu.

M. Roberge se trouve ainsi à resserrer les règles édictées par l'ancien gouvernement libéral, qui avait adopté en 2017 le projet de loi 144 visant à garantir à tous les enfants, quel que soit leur statut, l'accès au régime pédagogique québécois. La loi permet notamment aux autorités de croiser les données de l'assurance-maladie avec les inscriptions à l'école.

L'ex-ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, avait déterminé par règlement que le français, une deuxième langue et les mathématiques pouvaient être enseignés à la maison, mais sans plus.

Les examens du ministère restaient également optionnels. En revanche, les parents devaient fournir au ministère des plans d'apprentissage et des évaluations de leurs enfants, en plus d'offrir des «activités variées et stimulantes». Les écoles religieuses illégales devenaient passibles d'amendes.

Lorsqu'il était dans l'opposition, M. Roberge avait fortement critiqué la loi et le règlement, qui avaient pour effet, selon lui, de légaliser les écoles clandestines. Des enfants pouvaient maintenant passer 30 ou 40 heures dans une école ultrareligieuse en toute légalité, avait dénoncé la Coalition avenir Québec (CAQ).

Mercredi, Jean-François Roberge a affirmé que les mesures législatives existantes sont «largement» insuffisantes.

«Ce qu'il y a dans le règlement actuellement, c'est un choix. Vous pouvez choisir de faire des sciences ou pas, vous pouvez choisir de voir les notions du programme de mathématiques ou pas, vous pouvez soumettre votre enfant aux examens ministériels ou pas, vous pouvez choisir un parcours qui va mener à un diplôme ou pas. C'est totalement inacceptable. Ce n'est pas: "On a le droit à l'éducation ou pas". Au Québec, on a le droit à l'éducation», a-t-il déclaré.

Il estime que les nouvelles règles proposées par la CAQ permettront d'empêcher que des enfants scolarisés à la maison «soient assujettis à des contenus d'apprentissage minimalistes et migrent vers des établissements offrant des services éducatifs en marge de tout contrôle de l'État».

Au cours des dernières années, plusieurs cas d'écoles religieuses illégales, dont celui de la secte juive Lev Tahor dans les Laurentides, ont défrayé la manchette.

Le ministre Roberge a par ailleurs soutenu qu'il ne s'attaquait pas à la transmission de la foi ni au fait religieux, mais plutôt aux personnes déterminées à ne pas enseigner le programme québécois. Somme toute, son projet de règlement a été bien accueilli par les partis d'opposition.

Ils ont dit...

«J'espère que le ministre de l'Éducation tiendra des consultations publiques, qu'il voudra entendre tous les groupes, les experts, les chercheurs.» - Marwah Rizqy, porte-parole du Parti libéral du Québec en éducation

«C'est un problème important, qui compromet l'avenir de centaines, voire de milliers de jeunes au Québec, et le droit à la liberté de religion ne doit jamais compromettre le droit à la scolarisation des enfants. [...] Concernant le règlement, j'en ai surtout contre la volonté d'imposer des examens ministériels à tous les enfants scolarisés à domicile.» - Christine Labrie, porte-parole de Québec solidaire en éducation

«Nous jugeons que c'est vraiment une avancée par rapport à la première avancée qui avait été faite l'année dernière par le précédent ministre de l'Éducation.» - Véronique Hivon, porte-parole du Parti québécois en éducation