En France, une nouvelle loi exige l'affichage du drapeau et de l'hymne national dans les classes. Mais au Québec, une telle initiative serait peu envisageable, a constaté La Presse.

L'affichage du drapeau français, du drapeau européen et des paroles de La Marseillaise est désormais obligatoire dans toutes les classes du premier et du second degré (soit de la maternelle à la fin du secondaire) en France, comme l'a décidé par une loi de l'Assemblée nationale à la mi-février.

Visant à « rappeler symboliquement » l'attachement de l'école aux valeurs républicaines, cette loi a ulcéré le grand syndicat d'enseignants en France qui y a vu une critique du travail de ses troupes, comme s'« ils n'en font pas assez » déjà pour promouvoir les idéaux français.

Au Québec, peut-on imaginer une telle loi ? Aussi bien dans les écoles francophones qu'anglophones, rien de tel ici. Tout au plus chante-t-on l'hymne national lors de la remise de diplômes à la commission scolaire English-Montréal.

Petit coup de fil à la Fédération des enseignants de l'Ontario. Dans cette province, explique sa présidente Diane Dewing, tous les matins, dans les écoles, on chante le Ô Canada. « Peu importe où tu te trouves dans l'école à ce moment-là, que tu sois en classe, dans le couloir, à la toilette ou au gymnase, tu dois prendre une pause. »

« Ma fille a d'abord fréquenté l'école au Québec, raconte-t-elle. Quand on a déménagé en Ontario, je l'ai prévenue, je lui avais dit que cela la surprendrait, au début ! »

« Je ne le vois pas vraiment comme du patriotisme. C'est quelque chose que l'on fait en classe tous les jours sans trop y penser. Mais on n'a pas de photo de la reine ni de Justin Trudeau sur les murs ! »

Certains refusent le rituel. C'est leur droit. Dans ces cas-là, les élèves et le personnel n'ont pas à s'y plier, mais ils se doivent de ne pas déranger pendant ces moments-là.

Enfant, dans son école anglophone, au Québec, Mme Dewing se souvient d'avoir chanté dans son école le God Save the Queen, puis le Ô Canada.

Aux États-Unis, plutôt que l'hymne national, c'est plus souvent le serment d'allégeance au drapeau qui est récité en classe, comme il est souvent récité au début de toutes sortes de réunions (en entreprise ou dans l'équivalent des conseils scolaires, notamment).

Au Québec, où l'affichage de symboles nationaux est si chargé, on est loin de cela.

Dans le temps, les nationalistes du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) ont si bien utilisé le drapeau québécois que le simple fait de l'afficher sur son balcon, le jour de la fête nationale, « porte bien des gens à penser qu'on est nécessairement souverainiste », dit le politologue François-Pierre Gingras.

« Mais j'ai l'impression que les 40 ans et moins ressentent moins le besoin de choisir entre le Québec et le Canada. Ils peuvent être aussi farouchement "Plateau Mont-Royal" que "Québécois", "Canadien" ou "végane". »

C'est comme pour le crucifix à l'Assemblée nationale, dit-il. « J'ai l'impression qu'on se bat là-dessus entre gens de 50 ans et plus. »

Chose certaine, si une loi obligeait les écoles à afficher le drapeau et les paroles de l'hymne national, ça ferait jaser dans les chaumières.

« De l'endoctrinement d'enfants »

Depuis longtemps, au Québec, l'hymne national, on l'entend essentiellement au Centre Bell, dans sa version bilingue, « en un rituel mécanique », fait observer Michel Seymour, professeur de philosophie nouvellement à la retraite.

Mais en soi, est-ce toujours « trop » que d'afficher ses symboles nationaux ?

Quand on lui pose la question à brûle-pourpoint, cela lui semble « de l'endoctrinement d'enfants » quand c'est exigé à l'école.

« Imaginez qu'on ait un hymne national québécois et qu'on le fasse chanter en classe. Si c'était totalement neutre, ça ne soulèverait pas le tollé qu'on pourrait imaginer d'ici. »

En tant que tels, des symboles nationaux, c'est normal, ça peut être beau, à son avis. « C'est bien d'avoir des symboles qui célèbrent notre identité nationale. »

Mais il y a un « mais », dit-il. En France comme ici, dit-il, avant que le nationalisme « ait le droit d'être célébré », il faudrait d'abord que les minorités - les Corses en France, les Québécois et les autochtones au Canada - soient parfaitement reconnues, respectées, avec les pouvoirs nécessaires pour s'épanouir et pour voir à leur destin.

Tout aussi souverainiste à la Québec solidaire soit-il, si tout cela s'accomplissait, il n'aurait lui-même aucun problème à chanter l'hymne national canadien.

En attendant, croit M. Seymour, « le mieux, ça demeure d'enseigner correctement notre histoire nationale ».