L’une des premières préoccupations en matière d’éducation devrait être de s’assurer que les élèves ont un enseignement de qualité. Or, le Québec choisit mal ses futurs enseignants, n’encadre pas ceux qui arrivent dans la profession et ne mesure pas l’effet de ses propres programmes sur la réussite des élèves, déplore l’Institut du Québec dans un rapport publié ce matin. Survol d’un « portrait décourageant ».

Critères d’admission « peu exigeants »

« Le premier constat est clair : le Québec ne parvient pas à attirer dans les facultés d’éducation les étudiants aux dossiers académiques les plus solides », écrit l’Institut du Québec dans son rapport, ajoutant que ces mêmes facultés sont « peu sélectives ». L’Institut estime que les pays qui ont des systèmes d’éducation plus performants, comme la Finlande ou les Pays-Bas, misent sur des enseignants qui sont choisis parmi les meilleurs étudiants – un peu comme on le fait en médecine au Québec.

« Au Québec, c’est l’autre extrême. On a des cotes R qui sont généralement plus faibles à l’entrée et on les baisse », dit Mia Homsy, directrice de l’Institut du Québec et coauteure du rapport.

Maîtrise « peu attrayante »

Plutôt que de diminuer les critères à l’entrée dans les facultés d’éducation, l’Institut du Québec suggère de diversifier les voies menant à la profession enseignante en permettant au titulaire d’un programme universitaire « pertinent » de faire une maîtrise de 12 mois pour pouvoir enseigner au secondaire.

« C’était comme ça au Québec avant, c’est comme ça en Ontario aussi. Ça devrait être une évidence que si on a un bac disciplinaire, après un an de maîtrise à temps plein, y compris les stages, on est capable d’avoir son brevet et d’enseigner », dit Mia Homsy. Un suivi des résultats sur la réussite des élèves devrait être fait, dit-elle, mais à terme, cette formation pourrait devenir la formation privilégiée pour enseigner au secondaire.

Il existe déjà une telle maîtrise, mais elle est trop peu attrayante, estime la coauteure du rapport. « Cette maîtrise dure quatre ans, elle est à temps partiel, elle n’est vraiment pas flexible, elle n’est pas offerte partout. Moins de 10 % des enseignants au secondaire prennent ce chemin-là », explique Mia Homsy.

Encadrement déficient

Valoriser la profession passe par un meilleur encadrement des enseignants, écrit l’Institut du Québec. Dans les deux premières années de pratique des nouveaux enseignants, il devrait être obligatoire de leur offrir du mentorat, d’autant plus qu’ils se retrouvent souvent avec les classes les plus difficiles à gérer.

« Ce qui ressort de nos entrevues et des études de cas, c’est que le mentorat est très important pour apprendre à gérer la classe, à bien préparer ses cours. En ce moment, c’est très aléatoire selon les écoles, c’est un pile ou face », constate Mia Homsy, qui note qu’un enseignant qui décroche en cours d’année est « très dommageable » pour les élèves. « Si l’on diminue le décrochage enseignant, l’on a un effet sur la réussite des élèves », souligne-t-elle.

L’Institut du Québec recommande aussi de faire plus de formation continue chez les enseignants, mais ne croit pas que de hausser leur salaire aurait une incidence significative sur l’attrait de la profession. « On a regardé comment il se compare [avec d’autres pays], et il n’y a pas de scandale », indique Mia Homsy. Une augmentation du salaire n’est pas à exclure, dit-elle, mais ce n’est pas la panacée pour régler la pénurie d’enseignants.

Manque de données

L’Institut du Québec a tenté d’avoir un portrait juste de la pénurie enseignante, sans succès. Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur l’a renvoyé aux commissions scolaires, qui ont elles-mêmes fourni des réponses incomplètes.

« Il n’y a pas de données, nulle part », déplore Mia Homsy, directrice de l’Institut du Québec.

Résultat, selon l’Institut : la responsabilité d’assurer la qualité de l’enseignement n’incombe à personne.

« On le voit dans la planification des ressources, alors que ça devrait être facile à calculer. On ne sait même pas combien il manque d’enseignants en ce moment ! On sait combien il y a d’élèves, on connaît les ratios [dans les classes], on connaît les départs à la retraite : s’il y a un secteur où on devrait être capable de le faire, c’est l’éducation », dit Mia Homsy.

L’Institut du Québec recommande donc que le ministère de l’Éducation « ou une autre entité pertinente » soit responsable d’estimer les besoins du milieu, d’assurer un suivi « rigoureux et systématique de la qualité de l’enseignement » et d’évaluer ses programmes.

L’Institut du Québec est un organisme de recherche issu d’un partenariat entre le Conference Board du Canada et HEC Montréal.