Pour pallier la pire pénurie d’enseignants de son histoire, la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) a décidé de prendre les grands moyens : rémunérer les diplômés non légalement qualifiés pendant leur formation. « Ce serait une grande perte de les envoyer sur les bancs d’école », lance à La Presse Diane Lamarche-Venne, présidente de cette commission scolaire, la deuxième en importance au Québec, qui regroupe 43 000 élèves au primaire et au secondaire, répartis dans 95 écoles. Explications.

Encore des postes à pourvoir

À deux jours de la rentrée scolaire (28 août), la CSMB a encore 20 postes d’enseignant à pourvoir. Elle a fait de la publicité en Ontario et s’est rendue en Belgique et en France dans l’espoir de combler ses besoins de main-d’œuvre. Mais la pénurie est telle qu’elle a dû se tourner vers du personnel non légalement qualifié : des gens qui détiennent un diplôme universitaire dans une discipline – anglais, mathématiques ou géographie, par exemple –, mais qui n’ont pas le brevet d’enseignement, ou encore des étudiants du baccalauréat en enseignement qui n’ont pas terminé leurs études. La CSMB compte actuellement 150 enseignants non légalement qualifiés dans ses rangs.

« Il fallait les soutenir »

Pour les aider à accomplir leurs tâches, elle leur offre de l’argent pour les former. « On a décidé de les prendre en charge pour les qualifier plus rapidement, explique Mme Lamarche-Venne. On s’est dit qu’il fallait les soutenir pour ne pas qu’ils se découragent. On veut aussi assurer la qualité d’enseignement pour nos jeunes et maintenir ce personnel en emploi. » Deux cours d’une semaine ont été donnés cet été. Sur 150 profs non légalement qualifiés, 100 ont répondu à l’appel. Ils sont invités à compléter leur formation à distance à l’Université TELUQ. « On propose une solution créative et innovante qui nous aide, nous, et qui les aide, eux », souligne la présidente, consciente que cet établissement est en compétition avec l’UQAM et l’Université de Montréal. « Nos discussions avec les universités n’aboutissent pas, ajoute-t-elle. Pourquoi ? Je ne le sais pas, mais ça ne va pas assez vite. »

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Diane Lamarche-Venne, présidente de la CSMB

Contre-productif ?

Henri Boudreault, vice-doyen aux études à la faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, pense que cette façon de faire est contre-productive. Selon lui, de 800 à 900 enseignants non qualifiés travaillent dans le réseau scolaire montréalais. Ces enseignants bénéficient d’une « tolérance d’engagement » renouvelable pendant 10 ans dans la mesure où ils suivent une formation qui les mène à l’obtention du brevet. Loin de se résorber, la pénurie d’enseignants va perdurer pendant encore 10 ans dans la région de Montréal, pense M. Boudreault. « L’urgence de la situation ne doit pas nous amener à diminuer la qualité de la formation et de la prestation de service », soutient-il.

Des banques vides

En décembre, les trois commissions scolaires de Montréal, soit la Commission scolaire de Montréal (CSDM), la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSPI) et la CSMB, ont rencontré les responsables de la formation des maîtres de l’UQAM et de l’Université de Montréal pour leur demander de les aider à trouver des solutions à la pénurie d’enseignants. « Les banques de suppléants étaient vides. Les banques de remplacement étaient vides. Et les banques de CV étaient vides », précise M. Boudreault. L’UQAM et l’UdeM ont compris le message et décidé de concevoir « à la vitesse grand V » un programme adapté à leurs besoins. « Donner une formation à des gens en exercice, c’est autre chose que d’accueillir des gens en éducation, affirme le vice-doyen. On conçoit que le modèle traditionnel n’est pas adapté à la situation, mais il ne faut pas former des enseignants sur le tas. Nous, ce qu’on veut, c’est un programme qui va donner des crédits pour que les gens puissent réellement se qualifier. Il faut qu’on travaille ensemble. Si on travaille chacun de son bord, on n’ira nulle part. Si on travaille ensemble, on va peut-être aller moins vite, mais on va aller plus loin. »