Les commissions scolaires ont décliné une proposition d'entente à l'amiable soumise par les demandeurs de l'action collective sur les frais imposés aux parents, a appris La Presse. Cette offre demandait de rembourser 25 $ par an depuis 2009 pour chacun des 900 000 élèves concernés, une facture évaluée entre 150 et 200 millions de dollars.

Les pourparlers entre les deux parties sont maintenant suspendus. Et la situation paraît s'enliser. Les commissions scolaires poursuivent leurs assureurs, qui refusent de couvrir les éventuels dommages à payer. Et elles attendent toujours une action tangible du gouvernement Couillard, qui promettait de faire le ménage dans le «fouillis» des factures envoyées aux parents.

L'action collective a été intentée par une mère de Saguenay, Daisye Marcil, en 2013. Elle a été autorisée par la Cour supérieure trois ans plus tard. Elle vise 68 des 72 commissions scolaires, qui auraient facturé des frais illégalement aux parents pour des sorties éducatives et du matériel scolaire depuis 2009.

Selon la Loi sur l'instruction publique, l'élève «a droit à la gratuité des manuels scolaires et du matériel didactique requis pour l'enseignement des programmes d'études». Mais les «documents dans lesquels l'élève écrit, dessine ou découpe» ne sont pas gratuits, tout comme les effets scolaires qui ne peuvent être réutilisés (les crayons, par exemple).

L'action collective exige le remboursement des frais facturés illégalement depuis 2009 et le paiement de 100 $ par élève à titre de dommages punitifs. Les avocats de Mme Marcil précisent que la valeur des demandes se situe «bien au-delà des 300 millions» qui ont été véhiculés jusqu'ici. Mais elles ne peuvent être chiffrées avec précision à ce stade-ci.

«L'objectif est d'avoir un remboursement raisonnable pour le passé et de changer les choses pour l'avenir. Les gens demandent que ça cesse, ces frais», explique Me Manon Lechasseur, avocate de Daisye Marcil.

Une offre de règlement a été proposée aux commissions scolaires et elle a été déclinée, ont reconnu Me Lechasseur et son collègue Me Yves Laperrière. Ils n'ont toutefois ni infirmé ni confirmé les chiffres obtenus par La Presse de sources bien au fait du dossier.

«Les négociations ont été suspendues. À ce stade-ci, il n'y en a pas. Alors c'est pour ça qu'on pousse le débat judiciaire», a indiqué Me Lechasseur à La Presse, hier.

Nomination d'un expert

Selon une directive de la cour, les parties doivent s'entendre d'ici vendredi sur la nomination d'un expert chargé de dresser la liste des frais imposés aux parents dans les 68 commissions scolaires depuis 2009.

L'avocat de 63 des 68 commissions scolaires, Me Bernard Jacob, s'est refusé à tout commentaire. Il n'a pas voulu confirmer l'existence de l'offre.

Selon nos sources, la proposition de règlement n'était pas considérée comme mauvaise en soi par l'ensemble des commissions scolaires. Certaines la jugeaient même raisonnable, compte tenu des demandes contenues dans l'action collective. Si l'offre n'a pas été retenue, c'est en bonne partie parce qu'on se demande qui va payer exactement et parce qu'on craint que les services aux élèves n'écopent, toujours d'après nos sources. Il paraît ainsi acquis que les commissions scolaires devront sortir le chéquier, que les demandeurs ont une bonne cause.

Démêlés avec les assureurs

Le litige avec les compagnies d'assurances, dont Aviva et Intact, pèse lourd dans la balance. Elles paient les frais d'avocat, mais refusent pour le moment de couvrir les dommages éventuels, même en partie. Les commissions scolaires ont intenté un recours judiciaire contre elles (un appel en garantie). Les assureurs leur auraient toutefois signifié récemment qu'ils seraient prêts à négocier pour régler ce litige.

Lors d'une rencontre à huis clos le 23 mars, les représentants des commissions scolaires ont fait le point sur la situation. Le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, leur a transmis un message selon lequel il est prêt à «jouer un rôle actif» dans le dossier de l'action collective, selon nos sources. Lequel? Il ne l'a pas précisé. 

Chose certaine, Sébastien Proulx n'a toujours pas «uniformisé» les frais facturés aux parents comme il s'y était engagé en septembre dernier. 

Pratiques modifiées

À défaut de nouvelles directives en provenance de Québec, des commissions scolaires cherchent à réduire le risque financier que représente l'action collective. Comme chaque année scolaire qui s'ajoute est prise en compte dans la poursuite, elles tentent de limiter le remboursement à verser éventuellement en modifiant leurs pratiques.

La commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles a ainsi donné à ses écoles une «consigne» selon laquelle, «pour l'année scolaire 2018-2019, aucun montant ne doit être facturé aux parents pour une activité ou une sortie qui se déroule pendant les heures de classe, à moins d'une modification législative». Il n'y aurait donc pas de sorties, ou alors elles devraient être financées autrement. La commission scolaire a demandé que cette consigne soit respectée «le plus possible» dès cette année.