Apprendre à faire pousser du cannabis, à prévenir les maladies, à le récolter et à séparer la «cocotte» de la feuille, sans oublier bien sûr le contrôle de la qualité. Ce n'était qu'une question de temps avant que le pot arrive sur les bancs d'école.

Aujourd'hui, c'est jour de rentrée pour les élèves en technique de culture du cannabis au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick. Ce nouveau programme est le premier du genre au pays. Des producteurs du Québec aimeraient beaucoup qu'un cégep ou une école technique de la province l'importe ici.

«On a 28 places pour la première cohorte : on a reçu 300 demandes d'admission. C'est la folie, explique Michel Doucet, directeur de la formation continue au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB). Et on a déjà une liste d'attente de 200 noms pour la deuxième cohorte.»

Le programme de 12 semaines va mener à un certificat d'études collégiales et à un emploi presque certain. Les entreprises de cannabis au pays recrutent à l'heure actuelle en vue de la légalisation en juillet prochain.

Les prévisions au Nouveau-Brunswick seulement parlent de la création de 400 à 600 emplois, explique M. Doucet. Le Collège s'est donc associé à l'entreprise Organigram, producteur local de cannabis thérapeutique.

«Quand on a annoncé le programme, on a lu des grands titres du genre : "CCNB, le collège du pot". On n'a pas aimé ça», explique M. Doucet. 

«C'est un programme comme les autres. Il y a de l'emploi, il faut y répondre. Notre premier critère, c'est l'employabilité.»

Organigram comptait 40 employés il y a deux ans. L'entreprise prévoit en avoir 250 d'ici l'année prochaine. «Ce programme va nous permettre d'avoir une main-d'oeuvre qualifiée. Ça va aussi permettre aux étudiants de se démarquer, parce qu'il n'y aura pas d'autres travailleurs avec ce type de formation», explique Ray Gracewood, directeur commercial chez Organigram.

Le programme sera d'abord donné en anglais. Mais dès 2018, le CCNB compte l'offrir aussi en français.

Rien de semblable au Québec

Si ce programme novateur voit le jour au Nouveau-Brunswick, ce n'est pas un hasard, selon Ray Gracewood. L'entrepreneur en cannabis rappelle que la province a mis en place plusieurs politiques en faveur de cette nouvelle industrie. Quand il se rend dans les autres provinces, raconte-t-il, les entrepreneurs là-bas sont jaloux.

«Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a vu dès le début l'opportunité de cette nouvelle industrie. Ils nous ont soutenus, explique-t-il. Ils ont des subventions à l'emploi. C'est incroyable parce que le Canada est le premier pays du G7 à légaliser le cannabis et au Canada, le Nouveau-Brunswick est à l'avant-garde.»

Le nouveau programme fait des envieux de ce côté-ci de la frontière. Des entrepreneurs québécois espèrent que des cours similaires seront offerts.

Carl Richard, cofondateur de Mindicanna, veut faire pousser du cannabis thérapeutique en Abitibi. Il a déjà trouvé son argument de vente : son pot sera produit avec la meilleure eau du monde, dans une région de nature. Il n'a pas encore de permis de Santé Canada, mais déjà, il s'inquiète pour la main-d'oeuvre.

«On va avoir besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée. On sent qu'au gouvernement du Québec, le cannabis est presque une épine dans le pied. Mais est-ce que les cours d'horticulture vont être adaptés pour nous offrir une main-d'oeuvre compétente?»

«C'est rendu que nous-mêmes, on pense envoyer des employés se faire former au Nouveau-Brunswick», dit-il.

Michel Doucet, du CCNB, révèle qu'il a parlé avec plusieurs établissements d'enseignement au Québec. « On a même un cégep qui est très intéressé. On ne ferme pas la porte à un partenariat », dit-il, refusant de dévoiler le nom de l'établissement.

Mais selon le ministère de l'Éducation, aucun programme spécifique au cannabis n'est prévu pour l'instant.

«Le Ministère ne travaille pas actuellement sur de tels programmes. Toutefois, les programmes Horticulture et jardinerie et Production horticole couvrent la production de tous les types de végétaux, explique Simon Fortin, du Ministère. Les personnes diplômées disposent donc de compétences pouvant être appliquées à la production de cannabis médicinal.»

La seule entreprise québécoise qui a un permis pour la production de cannabis thérapeutique, Hydropothicaire, a choisi de former ses employés à l'interne. «On peut former un employé en deux à trois semaines», explique Sébastien St-Louis, président-directeur général de l'entreprise située à Gatineau.

Pour son entreprise, un programme du genre n'est donc pas essentiel. Il reconnaît tout de même les efforts du gouvernement du Nouveau-Brunswick, de loin supérieurs à ceux du Québec. «Nous, à Hydropothicaire, on a tout fait nous-mêmes. On a créé 104 emplois dans la région de l'Outaouais, dit-il. On l'a fait nous-mêmes et ça n'a pas été facile.»