La délicate question de l'âge requis pour entendre parler de sexe en classe risque d'être au coeur des débats entourant le projet pilote d'éducation sexuelle qui débutera dans les prochains jours.

Ce projet pilote, qui durera deux ans, débute cet automne dans une quinzaine d'écoles, privées et publiques, francophones et anglophones, de milieu rural et urbain, de milieu favorisé et non favorisé dans différentes régions du Québec.

Québec a consacré environ 860 000 $ pour mener à bien ce projet en gestation depuis cinq ans, selon ce qu'a appris La Presse Canadienne.

Le ministère de l'Éducation, qui parraine le dossier, est avare de commentaires sur le détail des apprentissages prévus, mais selon les informations obtenues de diverses sources beaucoup de latitude sera laissée aux enseignants ou autres intervenants appelés à transmettre la matière.

La sexualité sera enseignée de la maternelle à la cinquième secondaire, à raison de cinq heures par année au primaire et 15 heures par année au secondaire, en 2015-2016 et 2016-2017. Les écoles qui le désirent pourront cependant augmenter ce nombre d'heures.

Un cours obligatoire devrait être offert dans toutes les écoles à tous les élèves, à compter de 2017, en principe.

Le ministère, qui refuse de divulguer la liste des écoles visées, assure que les parents seront bien informés, et que les enseignants appelés à transmettre la matière recevront la formation requise, sachant quelles sont les balises à respecter en termes de contenu explicite.

La matière transmise tiendra compte du développement de l'enfant, assure-t-on.

«Les enfants du primaire ne recevront pas d'apprentissages sur la fellation», a soutenu Pascal Ouellet, porte-parole du ministère de l'Éducation, alors qu'il était questionné à savoir à quel âge les enfants seraient informés des différentes pratiques sexuelles, puisque les documents disponibles demeurent évasifs à ce propos.

Mais dès la sixième année, les enfants du primaire seront exposés à «l'éveil sexuel» de l'adolescence et seront rassurés quant au «caractère naturel» de certaines manifestations de la puberté comme «les érections spontanées» chez les garçons, indiquent les documents du ministère consultés.

Au secondaire, les jeunes seront plus directement informés des différentes pratiques sexuelles, mais surtout invités, explique-t-on, à réfléchir au concept «d'intimité sexuelle» et aux motivations qui les amèneraient à s'engager «dans des relations sexuelles ou non».

En première secondaire, devant une classe peuplée de jeunes âgés pour la plupart de 12 ans, les enseignants seront invités à se demander «où en est l'élève dans son vécu amoureux?».

Dans un document produit en avril dernier et destiné aux directeurs d'écoles et dirigeants de commissions scolaires, on apprend sous la rubrique «apprentissages» que le ministère formulera des «suggestions de brèves lectures ou de brefs visionnements pour se préparer à animer l'activité avec les élèves».

Des «suggestions» d'outils d'animation seront rendues disponibles sur la plateforme de télécollaboration du ministère, incluant «une planche anatomique, une petite vidéo sur les transformations de la puberté».

Interrogé à ce sujet en marge de la rencontre des premiers ministres de l'est du Canada et des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre qui s'est amorcée lundi à Terre-Neuve, Philippe Couillard a souligné qu'«il faut que le cours soit bien fait, donné par des personnes compétentes qui ont la formation pour le faire, qu'il soit équilibré et qu'il tienne compte de l'âge et du niveau des enfants auxquels il s'adresse».

«Sur ce point-là, je pense que déjà une bonne majorité des Québécois préfèrent la connaissance à l'ignorance», a-t-il ajouté.

Sur le terrain, ceux qui devront s'adresser aux enfants en classe ne sont guère rassurés. On parle de «projets» ou d'«ateliers», jamais de balises pédagogiques claires, peste la présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE), Josée Scalabrini, persuadée que Québec procède ainsi pour augmenter en douce la charge des enseignants.

«C'est très inquiétant», selon elle, d'autant plus que le ministère n'a pas révélé quelle formation sera offerte, par qui et durant combien de temps.

Formation: une demi-journée

Le «document d'information sur le projet pilote» produit par le ministère semble confirmer les appréhensions du milieu scolaire.

Au chapitre de la formation, Québec prévoit offrir au total une demi-journée aux directeurs d'écoles et une journée et demie aux responsables du dossier des commissions scolaires.

Il leur reviendra à eux de décider quelle sera la formation requise pour les enseignants ou intervenants dans les classes. Les «modalités» seront «à définir par la commission scolaire». Ces dernières devront assumer les coûts de formation à l'éducation sexuelle, à même leurs budgets généraux de formation du personnel.

Durant l'année, on demandera de plus aux responsables des commissions scolaires d'assister à quatre sessions de travail par visioconférence, d'une durée de deux à trois heures, et à faire «quelques lectures».

Aucune évaluation des apprentissages n'est prévue pour les élèves, qui n'auront donc pas d'examen à passer.

L'évaluation du programme sera faite par les enseignants, directeurs d'écoles et responsables des commissions scolaires à qui on demandera de remplir un questionnaire. Le tout ne devrait prendre que deux heures durant l'année scolaire.

Des précisions demeurent à apporter car le ministère indique que «les modalités de la collecte des données restent à confirmer».