La Fédération des cégeps se dit insultée que le gouvernement Couillard, dans son plan de lutte contre la radicalisation, se donne un pouvoir d'enquête et de sanction envers toute école - y compris un cégep - où seraient propagés des propos haineux ou qui serait le théâtre de comportements inquiétants.

«Nous, on se pose encore des questions sur la meilleure façon de contrer la radicalisation. Si le ministre [de l'Éducation], lui, sait quoi faire, qu'il nous le donne, le guide!», lance en entrevue avec La Presse Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps, qui entend bien présenter un mémoire aux auditions sur le projet de loi 59, qui se tiendront dans quelques semaines.

La question de la radicalisation se pose avec une acuité particulière dans les cégeps depuis quelques mois. Cet hiver et ce printemps, deux jeunes qui fréquentaient le collège de Maisonneuve ont été arrêtés, tandis que quatre autres ont bel et bien mis le cap sur la Syrie.

Il y a aussi eu cette controverse autour des locaux loués à Adil Charkaoui, qui a menacé le collège de Maisonneuve de poursuites quand le cégep a envisagé de mettre fin au contrat signé avec lui.

Dans la mesure où les cégeps se sont de tout temps ouverts à la communauté, à qui peut-on louer des locaux sans crainte? Qui risque de propager un discours haineux? Ne risque-t-on pas des poursuites si l'on refuse de louer des locaux aux uns mais pas aux autres? Ces questions donnent de sérieux maux de tête aux contentieux des cégeps.

La réponse appropriée est d'autant moins claire que les personnes qui demandent à louer des locaux ne se présentent pas toujours sous leur vrai jour, mais se décrivent parfois «comme des personnes qui viennent donner des cours de yoga ou d'impôts», relève M. Tremblay.

Formation au collège de Maisonneuve

Dans l'immédiat, au collège de Maisonneuve, des enseignants et d'autres membres du personnel ont été formés pour être à l'affût de tout comportement problématique. Le collège de Maisonneuve travaille aussi avec la psychiatre Cécile Rousseau, directrice de l'Équipe de recherche et d'intervention transculturelles à McGill, pour tenter de mieux dépister les jeunes qui risquent d'être attirés par des gens radicaux.

Cela dit, il n'y a pas que le groupe État islamique qui pose problème. Comme l'indique la Fédération des cégeps, les propos de droite véhiculés par les skinheads sont aussi très préoccupants.

Et les cégeps, comme la population en général, ne sont pas à l'abri de l'islamophobie, dont il faut aussi se garder, a fait remarquer M. Tremblay.

Un automne chaud en vue

Après la grogne étudiante du printemps dernier, l'automne s'annonce chaud dans les cégeps en cette saison de négociations dans le secteur public. Au terme d'une entrevue avec le président-directeur général des cégeps, Bernard Tremblay, le point sur trois enjeux.



La démocratie étudiante

«La loi doit être modifiée pour que les prises de position d'associations étudiantes reposent sur des votes démocratiques», plaide M. Tremblay, qui réclame dans la même foulée un encadrement «des associations toutes-puissantes qui font ce qu'elles veulent de l'argent» qu'elles reçoivent, dans l'état actuel des choses. S'il refuse de prendre position pour ou contre un droit de vote légal pour les étudiants, M. Tremblay dit que des grèves surviennent de toute façon et qu'il faut donc s'assurer de les baliser. La Fédération des cégeps est favorable au vote électronique.

Les négociations dans le secteur public

Si les négociations n'avancent pas bien au cours des prochaines semaines, «on s'attend à une augmentation des moyens de pression», prédit M. Tremblay qui se dit cependant rassuré de voir que l'ambiance semble bonne dans les cégeps à l'heure actuelle et qui croit que les organisations syndicales agiront «avec maturité».

Les coupes

La Fédération des cégeps déplore que les sept compressions imposées à son réseau depuis 2010-2011 - qu'elle chiffre à 155 millions - mettent en péril les services offerts aux élèves et le développement futur des cégeps. Une majorité de cégeps présenteront des prévisions budgétaires déficitaires. La Fédération des cégeps dit entendre des échos voulant que des centres d'aide au français soient en danger à certains endroits, par exemple.