Des responsables de service de garde en milieu familial dénoncent l'application abusive d'un règlement par le gouvernement, qui a pour effet de forcer plusieurs éducatrices à mettre leurs propres enfants à la porte durant les heures d'ouverture de leur garderie.

La Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance indique que les enfants de moins de 9 ans d'une responsable de service de garde (RSG) en milieu familial sont inclus dans le calcul du ratio durant les heures de garde. «La problématique, c'est que cette directive est appliquée de façon abusive, estime Kathleen Courville, présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ). On oblige des RSG à exclure leurs propres enfants de leur maison même si l'autre parent est présent et que le ratio est respecté.»

Mme Courville cite en exemple une RSG dont l'enfant fréquente un camp de jour durant l'été. «Si la responsable ouvre sa garderie à 7 h et que son conjoint part à 7 h 30 avec leur enfant pour le camp de jour, ce n'est pas permis. L'enfant doit obligatoirement avoir quitté la maison dès l'ouverture de la garderie. Mais c'est illogique! Surtout que ce n'est souvent pas tous les enfants de la garderie qui arrivent à 7 h et que le ratio est donc respecté durant ces 30 minutes.»

Les RSG qui se font coincer reçoivent un avis de contravention pour dépassement de ratio. L'accumulation de ce genre de pénalités administratives peut mener à une suspension ou à la révocation du permis de la RSG.

Incapable de veiller sur sa fille malade

Zimed Hamoudi, qui tient un service de garde à 7 $ dans sa maison de Saint-Jérôme, a été choquée de recevoir un avis de contravention une journée où sa fille a été malade.

«J'avais fait venir une remplaçante pour veiller sur le service de garde. Je suis allée voir le médecin avec ma fille et on est revenues à la maison. Je m'occupais d'elle en haut. J'ai reçu une amende parce que j'étais dans la maison, mais que je n'étais pas au service de garde. Quand ils sont malades, nos enfants, on fait quoi?»

Au ministère de la Famille, on explique que l'enfant de la RSG peut être présent à la maison et exclu du ratio seulement «s'il demeure sous la responsabilité d'une personne adulte autre que la RSG et son assistante», ce qui n'était pas le cas de Mme Hamoudi.

Ouvrir à 8 h

Annie-Claude Colmor gère pour sa part un service de garde à 7 $ dans sa maison de Saint-Hippolyte, dans les Laurentides. À la tête d'une famille reconstituée de quatre enfants, Mme Colmor a dû se résigner à ouvrir sa garderie seulement à 8h le matin. «Sinon, je devais forcer mes propres enfants à quitter la maison plus tôt. On accuse souvent les RSG d'avoir des heures d'ouverture pas possibles. Mais ce n'est pas parce qu'on ne veut pas», remarque-t-elle. Le soir, ses enfants doivent aussi patienter avant de revenir à la maison, car le service de garde ferme à 17 h. «Je veux être conforme et professionnelle, mais ma famille en paie le prix», dénonce Mme Colmor.

«Une certaine souplesse»

Au ministère de la Famille, on assure qu'une «certaine souplesse peut être accordée afin que l'enfant de la RSG puisse être présent au service de garde pour de brèves périodes, à condition que la RSG respecte en tout temps le ratio».

«Par contre, cette souplesse ne s'applique pas aux périodes plus longues et prévisibles, comme l'été, la semaine de relâche et les journées pédagogiques», explique la porte-parole du ministère de la Famille, Nadia Caron, qui ajoute que ces règles existent pour assurer la sécurité des enfants fréquentant les services de garde en milieu familial.

Mais pour Kathleen Courville, les règles doivent être changées. «On veut que les enfants de moins de 5 ans ne comptent pas dans le ratio quand l'autre parent est présent dans la maison. Et on veut que les enfants de 5 ans et plus ne comptent tout simplement plus dans le ratio des RSG.»

Les 15 000 RSG de la province sont en négociations pour le renouvellement de leur convention collective, échue depuis novembre dernier. «On a vu un durcissement dernièrement dans l'application de cette règle. On aimerait plus de souplesse. Parce que présentement, on exclut des enfants de leur propre résidence», plaide Mme Courville.