Le front commun des universités se fissure. Le recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton, a informé ses homologues jeudi qu'il envisageait de quitter la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ), a appris La Presse de sources sûres. Après avoir brandi la même menace, le recteur de l'Université Laval, Denis Brière, a officiellement claqué la porte lundi.

Les universités sont profondément divisées sur la révision de leur formule de financement et sur la stratégie à adopter face au gouvernement Marois. Deux clans s'opposent: les universités à charte - Montréal et Laval, entre autres - et les neuf établissements du réseau de l'Université du Québec.

Une réunion houleuse

La réunion du conseil d'administration de la CREPUQ a été passablement houleuse jeudi dernier. Guy Breton a donné à ses collègues un «préavis» quant à son départ de la CREPUQ, selon une source qui a requis l'anonymat. L'Université de Montréal quittera le navire d'ici six mois, aurait-il dit. M. Breton aurait confié qu'à l'Université de Montréal, on le presse de se retirer de l'organisme. Le recteur aurait donné une «dernière chance» à la CREPUQ, qui organisera bientôt une «journée de réflexion stratégique».

«Nous avons certaines insatisfactions envers la CREPUQ, mais, à ce moment-ci, l'Université de Montréal n'a pris aucune décision. Nous évaluons toujours la situation», s'est contenté de dire le porte-parole de l'Université de Montréal, Mathieu Filion Rivest.

La présidente de la CREPUQ, Luce Samoisette, affirme que Guy Breton a «manifesté son insatisfaction» à la réunion de jeudi. «Il nous a annoncé qu'il se donne un échéancier de six mois» avant de prendre une décision, a-t-elle confirmé. Elle assure que la survie de la CREPUQ n'est pas menacée.

Par voie de communiqué, Denis Brière a plaidé que «l'identité et l'autonomie des universités ne doivent pas être mises à risque aux fins d'une uniformisation administrative et politique des institutions du savoir et de l'innovation. Ceci constitue l'une des raisons qui nous incitent à nous retirer de la CREPUQ, car sa structure rend difficile l'affirmation de l'identité de chacun de ses membres».

Luce Samoisette comprend mal les motifs du recteur Brière. «Il craint pour l'autonomie des universités, mais pour nous aussi, cette autonomie est importante», a-t-elle plaidé.

Des désaccords entre les recteurs sont rapidement apparus lorsque le gouvernement Marois a manifesté son intention de revoir la formule de financement des universités pour augmenter les subventions de celles qui accueillent davantage des étudiants de première génération. Cette mesure viendrait favoriser les établissements du réseau de l'Université du Québec, qui compte déjà une bonne part de ces étudiants. Les universités à charte, comme Laval et Montréal, craignent d'être lésées.

Les droits de scolarité

Guy Breton déplore que la CREPUQ ne se soit pas prononcée en faveur d'une modulation des droits de scolarité. Il aurait également voulu que l'organisme appuie la proposition du chef caquiste François Legault de donner davantage de pouvoirs aux universités qui sont le plus axées sur la recherche (Montréal, Laval, McGill et Sherbrooke), notamment pour leur permettre de fixer des droits de scolarité plus élevés. Le réseau de l'Université du Québec s'est opposé à la création de «deux classes d'universités».

Les universités à charte en ont également contre la nouvelle règle budgétaire du gouvernement qui encadre plus sévèrement la rémunération de leur haute direction. Selon Denis Brière, «l'autonomie de nos universités est régulièrement attaquée depuis les dernières années sous le prétexte, entre autres, d'éviter certains déboires financiers isolés vécus par certaines universités.» C'est une allusion à peine voilée à la dérive immobilière de l'UQAM avec l'îlot Voyageur.