Quelle est la réalité des jeunes d'aujourd'hui? Pour le savoir, la Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP) a sondé plus de 44 000 élèves dans ses écoles secondaires. En répondant à 230 questions, les élèves ont fait part de leur motivation à l'égard de l'école, de leurs habitudes de vie, de leurs loisirs et de leur état d'esprit. Un portrait qui a des similitudes avec ce que vivent les jeunes dans le réseau public, croit la FEEP. La Presse dévoile les résultats du sondage en exclusivité.

Moins d'un élève sur deux se dit motivé à l'égard de ses études. La situation est préoccupante au point où les directions des écoles privées ont entrepris un vaste chantier de réflexion sur l'école de demain.

Le sondage mené par la Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP) démontre que seulement 45% des élèves se disent motivés à l'égard de leurs études.

Plus inquiétant encore, la motivation des jeunes décroît à mesure qu'ils cheminent dans leur parcours scolaire. Si 48% des élèves se disent motivés en 1re secondaire, ils ne sont plus que 42% en cinquième secondaire.

Les élèves réussissent aussi bien qu'avant, mais ils sont nombreux à reconnaître qu'ils ne mettent pas beaucoup d'énergie dans leurs études. Le sondage indique qu'un peu plus du tiers d'entre eux (37%) fournissent le maximum d'efforts dans leurs études.

Encore une fois, l'effort semble diminuer à mesure que le jeune chemine. Un élève de première secondaire sur deux affirme consacrer un maximum d'efforts, comparativement à un élève sur quatre en cinquième secondaire.

Avec l'arrivée des nouvelles technologies, l'école traditionnelle n'a plus le monopole du savoir, analyse André Revert, coordonnateur des services aux élèves à la FEEP, qui a préparé le questionnaire et analysé les résultats.

«Si on fait exception des élèves qui s'engagent dans l'école, on sent une diminution assez importante de la motivation scolaire, note-t-il. Cela amène une interpellation du personnel sur le plan des pratiques.»

Il croit d'ailleurs qu'il faudra pousser l'enquête plus loin afin de découvrir pour quelles raisons les élèves sont moins motivés.

À la veille du Sommet sur l'enseignement supérieur, ces données indiquent qu'il y a un coup de barre à donner, croit pour sa part Jean-Marc St-Jacques, président de la FEEP et directeur général du collège Bourget. Certains des élèves du secondaire sondés en 2009-2010 sont maintenant à l'université. Les autres suivront bientôt.

«On aurait avantage à reparler de rigueur, d'efforts, de constance et de travail», déclare M. St-Jacques. Dans les dernières années, l'école s'est voulue ludique, mais le balancier est peut-être allé trop loin, croit-il.

Il ajoute que l'école doit réfléchir pour modifier son approche pédagogique, «mais elle ne sera jamais une console de jeu».

Au cours des derniers mois, certains aspects du sondage ont été dévoilés dans les écoles, mais le sondage n'a jamais été rendu public. La FEEP a pris plusieurs mois pour analyser les données et, prenant acte des résultats, vient d'entreprendre un vaste chantier de réflexion pour repenser l'école de demain. Elle se donne jusqu'en juin 2014 pour terminer ses travaux.

Qu'elles soient publiques ou privées, toutes les écoles devraient se sentir concernées par la perte de motivation des élèves, souligne M. St-Jacques.

«C'est tout le réseau de l'éducation qui devrait se questionner sur la façon dont on fait l'école actuellement, la façon dont on développe le sentiment d'appartenance, la façon de rendre le milieu de vie agréable pour que les jeunes veuillent y rester. Tout cela va jouer sur le décrochage scolaire et la réussite.»

Le sondage a été mené dans les écoles privées, mais le profil sociodémographique des élèves n'est pas tellement différent de ceux des écoles publiques, affirme la FEEP. Le portrait qui en résulte décrit des réalités similaires.

En 2001, la FEEP avait mené un premier sondage du genre dans ses écoles, cette fois avec quelque 160 questions. Les différences notées entre les résultats de 2001 et de 2010 peuvent contribuer à expliquer la baisse de motivation chez les élèves.

La nuit de sommeil des élèves a ainsi diminué de près d'une demi-heure depuis 10 ans. Les jeunes se disent beaucoup plus fatigués qu'avant. L'impact se fait sentir en classe.

Les élèves se disent également plus stressés, les filles principalement. En cinquième secondaire, la moitié des répondants affirment trouver leur vie «très» ou «plutôt» stressante, ce qui n'était pas le cas il y a 10 ans.

Plus critiques à l'égard de l'école

Le sondage révèle aussi que les élèves sont plus critiques à l'égard de leur école. À peine les deux tiers considèrent que l'horaire des cours, des activités, des repas et des récréations est bien équilibré. Ils étaient 79% à le penser en 2001.

Il y a aussi une diminution du sentiment de confort et du sentiment de sécurité. La majorité (91%) se sentait en sécurité à l'école il y a 10 ans. Une affirmation que seulement 60% des répondants font dorénavant. Ils sont aussi moins à l'aise dans leur école. La proportion est passée de 84 à 63%.

Il y a 10 ans, les deux tiers des élèves affirmaient que le code de vie ou les règlements de leur école leur convenaient. C'est le tiers aujourd'hui.

«On voit que l'école a tout un travail d'adaptation à faire par rapport aux jeunes d'aujourd'hui», indique André Revert en précisant que l'analyse devra être poussée plus loin pour mieux comprendre.

Le sondage montre qu'à la maison, les jeunes se sentent soutenus par leurs parents. Une donnée réjouissante qui peut toutefois influencer le sentiment qu'ils ont ensuite devant l'école, où ils se fondent davantage dans la masse, avance la Fédération.

Sans surprise, les jeunes consacrent par ailleurs une part importante de leur temps à des «loisirs branchés». Les sites comme YouTube et Facebook ont la cote. Les sites de téléchargement et les jeux vidéo sont parmi les plus populaires.

Au moment du sondage, en 2009-2010, les élèves consacraient déjà plus de cinq heures par semaine à communiquer par la messagerie texte et les courriels. Une donnée qui a certainement augmenté encore aujourd'hui, croit M. Revert.

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En chiffres:

Loisirs

4,7 heures par semaine consacrées aux devoirs et leçons

9,9 heures par semaine consacrées aux «loisirs branchés»: texto, messagerie, clavardage, jeux, internet

5,1 heures par semaine passées devant la télé (7,4 heures en 2001)

1,7 heure par semaine consacrée à des loisirs culturels comme cinéma, théâtre ou spectacle (3,6 heures en 2001)

37% cumulent travail et études (47% en 2001)

53% des jeunes de 5e secondaire ont un emploi rémunéré

Habitudes de vie

94% se disent souvent ou parfois fatigués en classe (65% en 2001)

28% ont déjà fumé une cigarette (49% en 2001)

70% ont consommé de l'alcool (74% en 2001) 

26% ont déjà pris des drogues (44% en 2001)

1 élève sur 5 a déjà joué à des jeux de hasard ou d'argent

74% font de l'activité physique souvent ou très souvent

29% ne consomment jamais d'aliments de type restauration rapide

Santé mentale

43% disent trouver leur vie très ou assez stressante (36% en 2001)

78% ont un niveau de confiance en eux très élevé ou élevé (90% en 2001)

18% des élèves ont des idées suicidaires (28% en 2001)

3,8% ont fait une tentative de suicide (7,9% en 2001)

12% ont déjà été victimes de cyberintimidation

11% ont déjà fait de la cyberintimidation

Motivation

45% se disent motivés à l'égard des études

37% fournissent un maximum d'efforts dans leurs études (29% des garçons)

53% ont bon espoir de réussir leurs études

Sur leur situation personnelle

60% des mères et 57% des pères ont fait des études universitaires

50% des répondants ont un seul frère  ou soeur

32% des élèves croient en Dieu ou en une divinité (50% en 2001)

Méthodologie

Un total de 44 157 élèves de la 1re à la 5e secondaire ont répondu au questionnaire en 2009-2010. Une soixantaine d'écoles du Québec ont participé. Le questionnaire comportait 230 questions à choix multiples. Les répondants devaient noircir la case correspondant à leur choix, comme dans les examens du Ministère. Tous les élèves ont répondu au questionnaire à la même période, pour ne pas fausser les résultats.

La saisie, la compilation et la validation des données ont été faites par la firme Brisson-Legris. La firme Léger-Marketing a amené des analyses statistiques complémentaires.

La marge d'erreur est de plus ou moins 0,1 point de pourcentage, dans un intervalle de confiance de 99%.