Les entreprises qui gravitaient autour du club Consenza lors des opérations de surveillance de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont décroché pour plus d'un demi-milliard de contrats depuis 2006 avec la Ville de Montréal. Les révélations de l'entrepreneur Lino Zambito, selon lesquelles une partie de cet argent était directement remise au clan Rizzuto, permettent de conclure que des dizaines de millions ont ainsi atterri dans les chaussettes du clan sicilien.

Lors de l'opération Colisée, la GRC a observé des véhicules associés à pas moins de 74 entreprises du milieu de la construction dans le stationnement du Consenza, quartier général du clan Rizzuto. De ce nombre, huit figurent sur la liste des entreprises qui décrochent le plus de contrats à Montréal, liste établie par le vérificateur général de la Ville.

Une compilation de La Presse permet d'évaluer à au moins 565 millions la valeur des contrats qu'ont obtenus ces firmes dans la métropole depuis 2006. Ce montant pourrait toutefois être plus important encore, car des filiales de ces entreprises ont pu échapper à nos recherches.

Jeudi, Lino Zambito, ancien dirigeant de l'une de ces entreprises, Infrabec, a reconnu devant la commission Charbonneau qu'il devait verser 2,5% de la valeur des contrats au clan Rizzuto pour faire partie de ce groupe restreint. À lui seul, il aurait ainsi versé 1,4 million entre 2006 et 2009.

Lors de la Commission cette semaine, une série de vidéos filmées par la GRC au Consenza a montré Lino Zambito et d'autres entrepreneurs remettre des liasses d'argent à Nicolo Milioto, longtemps à la tête de Mivela Construction. Celui qui a été aperçu à 236 reprises au Consenza cachait les billets dans ses chaussettes avant d'en remettre la majeure partie aux chefs mafieux Rocco Sollecito et Nick Rizzuto.

Il n'a pas été établi pour l'instant si les autres entreprises devaient verser une part équivalente de leur contrat au clan Rizzuto. Mercredi, un enquêteur de la police de Montréal a évoqué que le pourcentage des contrats versés à la mafia variait de 2 à 5%. «C'est difficilement vérifiable. On a des gens qui nous ont parlé de 3%, il y en a qui disaient 2%, il y en a qui disaient 5%», a affirmé le sergent-détective Éric Vecchio. Ces données permettent néanmoins d'évaluer que le clan Rizzuto pourrait avoir ainsi touché de 11 à 28 millions depuis 2006, seulement grâce aux contrats de la métropole.

Resserrement des règles

Avant le resserrement des règles d'adjudication des contrats à la Ville de Montréal, en 2010, les huit entreprises qui gravitaient autour du Consenza obtenaient en moyenne pour 128 millions par année en contrats. En 2011, cette somme est tombée à 30 millions. Il faut préciser que deux de ces entreprises se sont retirées des appels d'offre de Montréal, soit Construction Frank Catania et Infrabec, aujourd'hui en faillite.

Ce bilan des contrats décrochés par les firmes qui gravitaient autour du Consenza ne tient pas compte de ceux qu'a obtenus un autre important entrepreneur à Montréal, Tony Accurso. Les firmes liées à sa famille en ont obtenu à elles seules pour 312 millions depuis 2006. Cet homme d'affaires a été arrêté à deux reprises au cours des derniers mois pour faire face à des accusations de fraude.