Dans les semaines et les mois qui ont suivi la mort de ses enfants, en 2009, Guy Turcotte était suicidaire. Hanté par les flashs, il se demandait s'il s'habituerait à ces images un jour, s'il y deviendrait indifférent. Il avait peur. Il fuyait en faisant des lectures compliquées.

C'est, entre autres, ce que le psychiatre Jacques Talbot a raconté, lundi, alors qu'il témoignait au procès de Guy Turcotte. Le Dr Talbot a été le médecin traitant de M. Turcotte, à l'Institut Philippe-Pinel, en 2009.  M. Turcotte est arrivé à Pinel six jours après avoir tué ses enfants, soit le 26 février, et en est parti le 26 juillet de la même année pour aller en prison. Pendant ces 152 jours, M. Turcotte avait un statut de prévenu détenu en attente de procès, a relaté le Dr Talbot, qui a parlé ce matin des notes évolutives qu'il avait prises au sujet de M. Turcotte. Quand il est arrivé, il était déprimé, a-t-il dit, mais bien orienté dans le temps et l'espace. Son attention et sa concentration étaient correctes, mais ses souvenirs des événements étaient très fragmentaires. Il a communiqué avec ses parents, mais ne voulait pas qu'on lui dise qu'on l'aime.

Le Dr Talbot s'est vite rendu compte que M. Turcotte avait un affect qui se situait dans la vie émotionnelle contenue, dans l'isolation. Il demandait si ses enfants étaient morts, et ce qui leur était arrivé. Il était « retenu », « toutes les réactions émotionnelles étaient coupées », ce qui a fait dire au Dr Talbot que le patient avait un « barrage défensif fort. »

Le 11 mars 2009, le Dr Talbot a noté que M. Turcotte avait parlé de ses difficultés relationnelles antérieures, et qu'il avait de la colère liée à l'infidélité de sa conjointe, Isabelle Gaston.  Il disait aussi ne pas être capable de vivre sans ses enfants. 

Le 23 mars 2009, M. Turcotte avait un sentiment d'urgence de faire des choses, comme discuter avec les propriétaires de la maison où s'étaient produits les événements.  Il pleurait et disait qu'il était passé maître dans l'art de l'évitement. Il lisait sur les pays de l'Est, sur l'époque précolombienne et l'histoire chinoise. Il transcrivait les paroles de chansons qu'il avait chantées avec ses enfants...

« L'évitement est un mécanisme de défense », a expliqué le Dr Talbot au jury, en signalant que la personne préfère ne pas y penser, car c'est trop lourd.

En avril, M. Turcotte avait toujours des idées suicidaires, a poursuivi le Dr Talbot. Il disait qu'il avait tué ses deux enfants. Il souffrait, mais trouvait que cette souffrance était « méritée ». Il trouvait étrange que sa famille l'encourage et que le personnel soit correct avec lui. 

Avant les funérailles des enfants, l'abbé Raymond Gravel a tenté de joindre Guy Turcotte à l'institut, pour préparer l'homélie. Le Dr Talbot s'y était opposé, jugeant que M. Turcotte n'était pas prêt. Informé de cela, Guy Turcotte était très fâché contre le Dr Talbot, estimant qu'il avait été brimé. 

Selon l'évaluation du Dr Talbot, Guy Turcotte a des traits obsessifs. Il est méticuleux, ordonné, ce qui est essentiel pour un médecin. Il a aussi des traits de personnalité phobiques, et des traits narcissiques. Il n'aime pas être en position de faiblesse ou de vulnérabilité. Ce sont des traits de personnalité, et non pas des troubles. Des traits de personnalité, tout le monde en a, a fait valoir le Dr Talbot, qui poursuit son témoignage cet après-midi.