Ça va mal, mais ça va bien quand même. Voilà en gros le message contradictoire que le ministre des Finances, Eric Girard, est obligé de tenir à cause des négociations avec le secteur public.

Pour sa mise à jour économique, il a offert une présentation politique des finances publiques. Son message : on n’a plus d’argent, mais tout est sous contrôle.

Le ministre a raison, les prochains mois seront difficiles. L’emploi et la croissance du PIB sont plus faibles que prévu. Les revenus sont inférieurs aux attentes, tandis que le service de la dette a crû. L’inflation est également plus élevée au Québec que dans le reste du pays. Elle augmente plus vite que les salaires.

Des gens en souffrent. La fréquentation des banques alimentaires a bondi de 40 % en une année et la crise du logement s’aggrave en même temps que l’itinérance.

M. Girard répond aux besoins essentiels avec des mesures ciblées, notamment pour le logement, l’itinérance et la formation des travailleurs. Pour ce faire, il pige 5 milliards dans sa réserve financière. Ce coussin était de 6,5 milliards – il n’en restera donc que 1,5 milliard.

M. Girard se félicite aussi d’avoir indexé les diverses prestations (aide sociale, allocation famille, crédit d’impôt pour solidarité, prime au travail). Or, la loi l’y obligeait. Il se vante donc d’avoir simplement fait ce que tout gouvernement aurait dû faire, à moins d’adopter un décret pour y déroger.

Au moins, cette fois, il aide les bonnes personnes.

En 2022, le ministre avait envoyé un chèque à presque tous les contribuables, y compris ceux qui déclaraient un revenu de 99 000 $ et n’étaient pas dans la misère. L’été dernier, il baissait les impôts de tous les contribuables et il fallait gagner plus de 98 000 $ pour obtenir l’économie maximale.

M. Girard s’est repris cet automne. Il n’a pas sombré dans le clientélisme ou dans l’électoralisme. Il cible ceux dans le besoin.

S’il reconnaît l’importance d’indexer les prestations, cette magnanimité ne se reflète toutefois pas encore dans les négociations avec les travailleurs du secteur public. Québec soutient que leur hausse salariale suivra l’inflation. Or, pour arriver à cette conclusion, il exclut l’année 2022 du calcul de l’inflation.

La plus récente offre de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, n’est pas finale. Elle attend une contre-proposition du front commun syndical, qui préfère pour l’instant intensifier ses moyens de pression.

Avec sa mise à jour économique, M. Girard veut montrer qu’il ne reste plus d’argent. Pour offrir plus, l’État devrait s’endetter, a-t-il soutenu. Selon lui, ce serait irresponsable.

Avec cette conclusion, il se tient aux limites de la cohérence.

En réponse à une question, M. Girard a rappelé que dans chaque budget, le gouvernement annonce de nouvelles mesures. Donc, de nouvelles dépenses.

Québec s’est déjà engagé à équilibrer son budget pour 2027-2028. D’ici là, les dépenses augmenteront en moyenne de 2,2 % par année.

C’est très peu. À titre de comparaison, la hausse annuelle était de 2,6 % entre 2011 et 2016. Voilà un « degré de rigueur dont la sévérité n’a pas été pleinement prise en compte dans le débat public », prévenait la semaine dernière l’Institut du Québec⁠1.

Le défi est majeur. D’autant plus que l’inflation et les taux d’intérêt gonflent les dépenses et que la hausse des coûts de système en santé s’approche de 5 %. Donc plus que la hausse générale de 2,2 %.

En d’autres mots, plus le temps passe, moins il en restera proportionnellement pour les autres missions de l’État.

Le gouvernement caquiste se fait rassurant. Il rappelle que selon le Directeur parlementaire du budget du Canada (DPB), les finances du Québec sont viables. Le ratio dette/PIB a recommencé à descendre depuis la fin de la pandémie, et il atteindra un ratio de 30 % d’ici 15 ans. Une légère marge de manœuvre existe, selon le DPB⁠2.

Cela nous ramène à deux nécessités.

La pression à venir sur les finances publiques confirme ce que soutiennent les caquistes : si on veut maintenir l’offre de service, on devra repenser l’organisation du travail.

Mais pour cela, il faudra des travailleurs. Afin de les recruter, leur salaire devra être attractif. Si on décode ce que M. Girard dit, il reste un petit espace pour offrir plus. Assez du moins pour respecter le principe dont il se vante, celui de l’indexation qui a le mérite minimal de ne pas mener à un appauvrissement.

1. Consultez le rapport de l’Institut du Québec de novembre 2023 2. Consultez le rapport du Directeur parlementaire du budget de 2023