Un prêtre français accusé d’avoir agressé sexuellement des enfants inuits au Nunavut restera finalement membre de la congrégation des Oblats, puisque les autorités à Rome se sont prononcées contre son renvoi.

Joannès Rivoire, âgé d’environ 90 ans et résidant maintenant à Lyon, en France, fait depuis longtemps l’objet d’allégations selon lesquelles il aurait agressé sexuellement des enfants inuits pendant son séjour au Nunavut.

Lorsque M. Rivoire a refusé de revenir au Canada pour faire face à des accusations criminelles, les Oblats de Marie-Immaculée, OMI Lacombe Canada et les Oblats de la Province de France ont demandé aux autorités de cette congrégation catholique, basés à Rome, en 2022, d’entamer une procédure de renvoi.

Un mandat d’arrêt avait été lancé contre Rivoire plus tôt cette année-là pour « attentat à la pudeur » impliquant une jeune fille à Arviat et Whale Cove, au Nunavut, entre 1974 et 1979. Mais les autorités françaises ont par la suite rejeté la demande d’extradition des autorités judiciaires canadiennes.

Le prêtre avait déjà évité un procès lorsqu’il avait refusé de revenir au Canada après qu’un mandat d’arrêt a été lancé contre lui en 1998. Il faisait face à au moins trois accusations d’agressions sexuelles dans des communautés d’Arviat, de Rankin Inlet et de Naujaat, au Nunavut. Plus de deux décennies plus tard, les accusations ont été suspendues – le Service des poursuites pénales du Canada avait déclaré à l’époque que cette décision était due en partie à la réticence de la France à extrader l’accusé.

Le ministre de la Justice, Arif Virani, a déclaré mardi que le Canada travaillait désormais avec Interpol sur cette affaire. Le Canada demande une « notice rouge » à Interpol, ce qui signifie que si Rivoire devait un jour quitter le territoire français, les autorités ailleurs pourraient l’arrêter.

« Je dirais aux gens inquiets et en colère que je partage leur inquiétude, je partage leur colère », a déclaré M. Virani aux journalistes sur la colline du Parlement. Le ministre souligne que Rivoire est accusé de « conduite répréhensible, et nous devons nous assurer que justice soit rendue » contre toute personne accusée de tant de crimes graves.

Rivoire a nié toutes les accusations et aucune n’a été prouvée devant un tribunal.

Les dirigeants et politiciens inuits ont continué à réclamer que le prêtre soit jugé au Canada. Natan Obed, président d’Inuit Tapiriit Kanatami, a déclaré qu’il avait même demandé au pape François, lors d’une délégation autochtone au Vatican en 2022, de convaincre Rivoire de revenir au Canada pour faire face à la justice.

Plus tard cette année-là, une délégation de 10 membres dirigée par la société Nunavut Tunngavik Incorporated, un organisme représentant les Inuits du Nunavut, s’est rendue en France et s’est entretenue avec Rivoire lui-même pour le convaincre de rentrer au Canada. Cet organisme soutient que jusqu’à 60 enfants auraient pu être agressés par le père oblat.

L’année dernière, près d’une douzaine de membres de « BeBrave France », la branche française d’un mouvement mondial de plaidoyer qui vise à mettre fin aux violences sexuelles contre les enfants, ont manifesté devant la maison de retraite où vivait Rivoire. Il a depuis été transféré dans la maison administrative des Oblats à Lyon, en raison de l’attention qu’il recevait dans l’établissement précédent, a déclaré le père Ken Thorson, provincial d’OMI Lacombe Canada.

Les Oblats de Marie-Immaculée ont déclaré qu’ils avaient également exhorté à plusieurs reprises Rivoire à faire face aux accusations, mais il a toujours refusé.

Commission indépendante

Le père Thorson a déclaré que la procédure disciplinaire comprenait deux avertissements et une recommandation formelle. L’avocat de Rivoire a cité son état de santé déclinant, notamment un avis médical contre tout voyage en avion de plus d’une heure, comme motif pour ne pas revenir, a déclaré le père Thorson. Compte tenu de l’état de santé de Rivoire, les autorités oblates à Rome ont aussi décidé de ne pas le renvoyer, a-t-il déclaré.

Le renvoi n’aurait pas forcé Rivoire à retourner au Canada, mais le père Thorson croit que cela aurait démontré l’engagement de l’Église en faveur de la responsabilité et de la réconciliation.

« Je reconnais que nous avons raté des occasions de prendre ce qui aurait pu être des mesures de guérison dans cette affaire, a-t-il admis. C’est un regret que je porte. »

Le père Thorson espère maintenant qu’une enquête indépendante sur les allégations contre Rivoire et la manière dont les Oblats ont géré cette affaire pourra encore rendre justice.

Les Oblats de Marie-Immaculée, OMI Lacombe Canada et les Oblats de la Province de France ont nommé l’ancien juge de la Cour supérieure du Québec André Denis pour présider la « Commission oblate de sauvegarde ».

Cette commission indépendante doit comprendre comment les allégations contre Rivoire ont été traitées au sein de la congrégation catholique et identifier les améliorations à apporter aux politiques et à la gouvernance oblates pour mieux protéger les mineurs et garantir la responsabilité. La commission passera également en revue les circonstances dans lesquelles Rivoire a quitté le Canada.

Le rapport écrit final de la commission doit être rendu public au plus tard le 1er avril.