Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) a organisé samedi, dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, à Montréal, une nouvelle manifestation pour défendre le droit des locataires à recourir aux cessions de bail pour limiter l’augmentation des loyers, ainsi que le droit à un logement abordable.

L’étude du projet de loi 31 par les élus québécois arrive à son terme et la manifestation du jour avait des airs de mobilisation de la dernière chance. Pour autant, les organisateurs ne baissent pas les bras, comme l’explique Cédric Dussault, porte-parole du RCLALQ. « On va continuer à envoyer le message que c’est un projet de loi inacceptable. Étant donné que la loi est quasi adoptée, la seule solution viable, ce serait de retirer le projet de loi complètement », dit-il.

Les organismes à l’origine de la manifestation réclament ainsi un gel immédiat des loyers, un véritable contrôle des loyers au Québec, mais aussi la démission de la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, qu’ils estiment prendre le parti des investisseurs en immobilier et des spéculateurs.

Tambour battant et sifflet aux lèvres

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Des manifestants de tous âges et tous horizons se sont rassemblés rue Beaubien, dans un cortège qui s’étendait à son point de départ de la rue Saint-Denis à la rue de Saint-Vallier pour protester contre le projet de loi 31.

Tambour battant, sifflet aux lèvres, pancarte au poing, ils ont défilé le long des rues de Rosemont–La-Petite Patrie pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme du favoritisme envers les propriétaires et les spéculateurs immobiliers.

« Cette loi est un non-sens, car il y a une augmentation importante des loyers en ce moment », plaide Yao Xi, manifestante vivant dans le quartier Villeray. « C’est déjà difficile de trouver un logement, mais un logement abordable, c’est pire. » La jeune femme explique que pour pouvoir retrouver une chambre en colocation en 2023, elle a dû augmenter son budget de 100 $. « J’espère vraiment que nous obtiendrons le gel et le contrôle des loyers. »

« Tu ne peux pas serrer ton budget à l’infini », s’indigne Francine, qui n’a pas donné son nom de famille. Cette habitante de Montréal-Nord estime que le gouvernement n’offre jamais que des « promesses creuses » et constate une dérive dans le débat. « On met le problème sur les immigrants temporaires alors qu’il s’agit d’un problème de longue date. S’ils pointent des boucs émissaires, c’est qu’ils n’ont pas de solution », déplore-t-elle.

« [Le logement], c’est un droit de base, mais est-ce qu’ils en tiennent compte ? », se demande son ami Paul.

L’argument de la rénovation remis en cause

Les organismes d’aide aux locataires, sous la houlette du RCLALQ, publient chaque année un rapport sur les évictions forcées au Québec. Le dernier en date est sorti au mois de décembre, et les chiffres ne sont pas de nature à rassurer M. Dussault.

Il estime que le nombre de cas d’évictions qui ont été signalés au comité logement s’est multiplié par six depuis que son organisme produit ce rapport de façon systématique, soit en l’espace de quelques années à peine. « Ça, c’est sans compter toutes les demandes qui sont liées à des hausses de loyer abusives qui ont aussi explosé », ajoute-t-il.

Les opposants au projet de loi 31 se font répondre que la rénovation du parc immobilier entre deux locataires sera facilitée grâce à ce projet de loi. Ils n’y croient pas. Cédric Dussault donne d’exemple de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, longtemps réputé pour avoir les loyers les plus chers. Mais c’est aussi là qu’on trouvait « les logements […] les plus décrépits ».

Pour lui, il n’y a aucune corrélation entre le montant des loyers et la capacité des propriétaires à rénover les logements. « Lorsque les propriétaires peuvent profiter du contexte, ils vont profiter du contexte, puis ils ne vont pas nécessairement apporter des réparations, dit-il. Donc la solution c’est vraiment de sévir beaucoup plus, de façon beaucoup plus conséquente envers les propriétaires délinquants qui laissent les immeubles se détériorer. »

Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec n’a pas donné suite à nos demandes de commentaires.

QS relance son Pacte solidaire pour soutenir les premiers achats immobiliers

En marge de la manifestation contre le projet de loi 31, le porte-parole solidaire en matière d’habitation et de logement, Andrés Fontecilla, a relancé par voie de communiqué l’un des pans du Pacte solidaire de QS : la divulgation obligatoire des promesses d’achat simultanées sur une même propriété.

Selon Québec solidaire, le recul des ventes de résidences au Québec en 2023 est de 13 % par rapport à l’année précédente. Un état de fait que M. Fontecilla impute au manque de transparence, qui ouvre la porte à la surenchère excessive.

« Ce qu’on vit, c’est une bulle spéculative qui impacte tous les secteurs, a déclaré M. Fontecilla en entrevue à La Presse Canadienne, alors qu’il se joignait aux manifestants. Ce qu’on propose aujourd’hui, c’est d’abolir la pratique des offres d’achat à l’aveugle. Ça alimente la bulle spéculative. »

Le porte-parole renchérit en précisant que les ménages qui parviennent à réunir les fonds pour acheter un premier logement s’endettent terriblement, et parfois « sans avoir la capacité de soutenir cet endettement sur le long terme ».

M. Fontecilla a jugé opportun de remettre au centre des débats la transparence sur les promesses d’achat en ce début de février pour profiter du mouvement populaire contre le projet de loi 31 et de la pression du public sur le gouvernement. « Il faut tordre les bras à la CAQ et l’obliger à prendre des mesures. »