Le passage de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, à l’émission Tout le monde en parle dimanche soir a été marqué par une manifestation de plusieurs centaines de grévistes de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) devant la nouvelle Maison de Radio-Canada, à Montréal.

« Nous, on considère que de déclencher une grève générale illimitée, tout le monde en parle. Mais Mme LeBel est invitée [à l’émission], nous, on ne l’est pas », a dénoncé devant l’édifice de l’avenue Papineau Julie Bossé, vice-présidente du syndicat d’enseignement pour la région de Laval.

Mme LeBel, était de passage à 20 h à l’émission Tout le monde en parle.

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Les grévistes devant la nouvelle Maison de Radio-Canada

Drapeaux et tuques rouges ont envahi le devant de la nouvelle Maison de Radio-Canada dimanche soir, au son des crécelles et autres trompettes. Maxime Carpentier-Cayen, professeur de sixième année à Laval depuis 12 ans, n’était pas surpris de cette mobilisation. « On investit notre non-salaire, à partir de maintenant ! », a-t-il lancé en faisant référence au fait que les enseignants de la FAE n’ont pas de fonds de grève. Ils sont donc désormais sans salaire.

« Beaucoup de choses changent [dans le monde de l’éducation], et pas pour le mieux », a-t-il estimé. Il a notamment cité la gestion administrative, la question de la composition des classes et celle des plans d’intervention. « Madame LeBel est ici, donc on est venus lui dire bonjour », a-t-il souligné.

Une vision partagée par plusieurs. « On a besoin de plus de services, les conditions de travail sont aberrantes, pour les nouveaux enseignants, les classes ne sont pas adaptées du tout, on n’est pas écoutés, c’est un gros melting pot de n’importe quoi ! », a énuméré une autre enseignante au primaire de Laval, Sarah Dumornay.

« On est là pour nous, mais aussi pour les enfants », tenait à préciser Todora Tzankova, enseignante de francisation aux adultes à Montréal depuis 22 ans. « C’est important de montrer à quel point le réseau est mal géré. »

« Ils seront là ce soir pour démontrer à Sonia LeBel et à l’ensemble de la population leur niveau de conviction par rapport à ce qu’ils réclament », avait déclaré la présidente de la FAE, Mélanie Hubert, en entrevue avec La Presse, plus tôt dimanche.

Sonia LeBel « optimiste »

En direct à Tout le monde en parle, Sonia LeBel a rappelé que le gouvernement avait deux responsabilités : « avoir des employés heureux, mais aussi avoir des services à la population. Donc il faut conjuguer les deux ».

Elle a tenu des propos optimistes quant à la suite des négociations avec le secteur public, affirmant notamment « partager les mêmes objectifs » que les syndicats et savoir « qu’on va s’entendre ».

Son passage à l’émission arrivait une semaine après que près de 600 000 employés de la fonction publique des secteurs de la santé, des services sociaux et de l’éducation ont été en grève.

Mme LeBel a défendu ses positions, revenant sur la question de la flexibilité. Elle a donné comme exemple que le gouvernement aimerait pouvoir hausser les salaires ou offrir des primes à des employés qui feraient des quarts défavorables.

Aujourd’hui, comme employeur, comme gouvernement, je ne peux pas – même si mon infirmière est d’accord – la prendre d’un département avec sa volonté et la mettre dans un autre en lui offrant une prime, si le syndicat n’est pas d’accord.

Sonia LeBel, lors de son passage à Tout le monde en parle

Sur d’autres enjeux, comme le ratio du nombre d’élèves par classe, Mme LeBel a affirmé que la pénurie de main-d’œuvre liait les mains du gouvernement. « Je le comprends [ce besoin], mais si demain matin le gouvernement accepte cette clause, on ne sera pas capable de la remplir », a-t-elle indiqué.

Dans la foulée, elle a aussi reproché aux syndicats de ne pas ouvrir la porte à négocier sur la question de l’assignation des postes des enseignants, pour que celle-ci soit faite plus tôt dans l’été. « Moi, j’ai un enjeu national, à travers la province de Québec, dans le système de santé puis l’éducation, a dit Mme LeBel. Donc je leur dis : venons en parler, puis après ça, si la solution est de modifier la loi, on verra si c’est ça. »

« Mon objectif, c’est de prendre toutes les solutions possibles pour être capable d’arriver à une résolution le plus rapidement possible », a aussi assuré Mme LeBel.

Enfin, la ministre a soutenu que la Coalition avenir Québec était ressortie « plus forte » des dissensions entendues cette semaine dans la foulée des subventions de plusieurs millions de dollars allouées par le ministre des Finances, Eric Girard, pour la venue des Kings de Los Angeles.

Des manifestants convaincus

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La présidente de la FAE, Mélanie Hubert

Les 66 500 profs de la FAE sont en grève générale illimitée depuis jeudi. Ces enseignants travaillent dans les classes de Montréal, de Laval, de Québec, de l’Outaouais, de la Montérégie, des Laurentides et de l’Estrie. Ils représentent environ 40 % des professeurs au Québec.

On sera dans la rue avec eux pour clamer haut et fort ce qu’on veut et pour demander que les tables de négociation s’accélèrent et qu’on arrive à un règlement satisfaisant le plus rapidement possible.

Mélanie Hubert, présidente de la FAE

Les discussions avec le gouvernement se poursuivent. « Les tables n’ont pas été rompues. La communication avec l’appareil gouvernemental, elle est là », dit-elle. Une rencontre a d’ailleurs eu lieu avec la partie patronale dimanche après-midi.

« Nos membres nous disent que leurs besoins sont grands. Ça fait longtemps que leurs conditions se détériorent, rappelle Mme Hubert. Ils ne peuvent pas continuer à éliminer leurs demandes. »

La population derrière les demandes des enseignants, selon un sondage

Un sondage réalisé par la firme Léger auprès de 1063 personnes a démontré un important appui de la population aux demandes des enseignants.

Neuf répondants sur dix se sont dits favorables à s’assurer que les élèves qui rencontrent des difficultés dans leur parcours scolaire soient évalués rapidement en établissant un délai maximal à respecter.

Par ailleurs, plus de huit répondants sur dix sont en accord avec le fait d’augmenter le salaire des enseignants afin d’atteindre la moyenne canadienne.

La demande qui a récolté le moins d’appui de la population est l’ajout de deux jours de congé payés pour obligations familiales ou parentales. Cette mesure a récolté 65 % d’appui.

Alice Girard-Bossé

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