La direction de Radio-Canada a fait circuler le mot « compressions » lors d’une rencontre récente avec des employés du service de l’information, a appris La Presse. Le diffuseur public nous confirme qu’il fait face à un ensemble de « pressions financières ».

Luce Julien, directrice générale de l’information de Radio-Canada, a par exemple fait allusion à des coupes budgétaires, sans en préciser l’ampleur, lors d’une réunion jeudi dernier avec le service radio, selon le compte rendu de plusieurs journalistes.

« Nous avons récemment indiqué à nos employés que Radio-Canada fait présentement face à des pressions financières », confirme le porte-parole du diffuseur public, Marc Pichette, dans un courriel à La Presse.

« Ces pressions sont attribuables en très grande partie à la baisse des revenus publicitaires et d’abonnement, l’impact de l’inflation sur les coûts d’opération et les coûts de production ainsi qu’aux économies demandées par le gouvernement fédéral aux ministères et aux sociétés d’État, dont CBC/Radio-Canada », explique-t-il.

L’ampleur des coupes doit être communiquée en décembre, a précisé en rencontre Mme Julien au côté notamment de Ginette Viens, première directrice du réseau de l’information, et Maryse Gagnon, directrice information radio et audio. Il faudra attendre un printemps prochain pour connaître les emplois touchés.

Impossible, pour l’instant, de savoir si les compressions se traduiront par des abolitions de postes ou par des coupes par attrition, ou si des services seront particulièrement visés. Les jeunes ne seront pas épargnés, aurait-on laissé savoir.

« Sur ce point, [Luce Julien] a simplement mentionné que s’il y a des pertes d’emplois, ce n’est jamais drôle et que la convention collective sera appliquée le cas échéant », commente Marc Pichette.

Est-ce que Radio-Canada mettra sur pied un programme de départ volontaire ? s’est fait demander la direction en réunion. Réponse catégorique : « Non ! »

Aucun secteur ne sera épargné, selon les informations glanées en réunion.

Au service des sports, qui ne relève pas de l’information, il a été question de « restrictions » plutôt que de « compressions » : des efforts de 10 % sur trois ans à partir du prochain budget seraient exigés, selon des informations transmises aux employés.

« Climat d’insécurité »

Les déclarations de Mme Julien ont « mis le feu » dans les couloirs bien au-delà de Montréal, aux dires de Pierre Tousignant, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada (STTRC). Il se montre « à tout le moins surpris » que des compressions soient déjà évoquées alors que l’année budgétaire 2023-2024 est approuvée et qu’elle se termine en mars prochain.

Avec ce genre d’annonces, « on crée un climat d’insécurité », regrette M. Tousignant. Il rappelle que le contrat de travail signé en 2022 était plutôt synonyme de stabilité ; il encadre l’affichage de 120 postes permanents, notamment au profit des nombreux employés contractuels. « Là, il y a des employés qui craignent qu’on leur annonce une perte d’emploi juste avant les Fêtes. »

Le STTRC dit avoir un autre son de cloche de la direction générale : aucun plan de coupes ne serait au programme, du moins pour la présente année financière. « Si jamais il y en a un, ça nous mènerait à 2024-2025 », dit M. Tousignant. Selon la convention collective, tout projet de compressions devra être discuté avec le syndicat, précise-t-il.

Pertes de revenus

En forte croissance depuis son lancement, la plateforme payante ICI TOU.TV Extra a enregistré un premier recul de ses abonnements en 2022, selon une enquête de l’Académie de la transformation numérique publiée en janvier dernier.

Pire encore, les revenus publicitaires de la Société d’État seraient en baisse partout au Canada, mais « particulièrement au Québec », se sont fait dire de nombreux employés.

« On nous dit que les cibles de revenu publicitaire ne sont pas atteintes », acquiesce Pierre Tousignant, du STTRC. « Mais il reste six mois à l’année financière… »

La grande patronne de CBC/Radio-Canda, Catherine Tait, et le vice-président principal des Services français, Michel Bissonnette, ont tour à tour parlé de pressions budgétaires dans des tribunes récentes avec les employés. Le diffuseur public ne serait pas épargné par le régime minceur que le gouvernement Trudeau compte imposer à la fonction publique et aux sociétés de la Couronne. Les efforts financiers demandés à CBC/Canada étaient déjà connus et tournent autour d’un peu plus de 3 % du budget d’opération sur trois ans. Des pertes d’emploi sont toutefois évoquées pour la première fois.

Selon Pierre Tousignant, le diffuseur public peut réduire ses dépenses sans sacrifier le personnel et le contenu. Il rappelle par exemple que Radio-Canada bénéficie d’un congé de cotisations au fonds de pension pour 2022 et 2023, ce qui représente des économies de plus de 90 millions.

Un comité stratégique mandaté par la haute direction de la Société d’État se penche, entre autres, sur les défis financiers du diffuseur public.

« L’équipe de direction travaille présentement à trouver des solutions et à élaborer un plan qui sera le moins douloureux possible pour les employés tout en permettant de préparer Radio-Canada pour l’avenir », souligne le porte-parole Marc Pichette.