Au moins 5300 personnes ont péri dans les inondations qui ont dévasté la ville de Derna, dans l’est de la Libye, après que les eaux de crue ont détruit des barrages et emporté des quartiers entiers de la ville.

« C’est un désastre historique pour le continent africain », soutient le directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire, François Audet. Mardi, plus de 1500 nouveaux corps ont été découverts dans les décombres de la ville. Le bilan risque de s’alourdir, alors que 10 000 personnes sont toujours portées disparues.

« Si on dépasse 10 000 morts, c’est considérable. C’est ni plus ni moins cinq fois ce que l’on voit au Maroc en termes de mortalité », illustre M. Audet, faisant référence au tremblement de terre meurtrier qui a frappé le pays vendredi soir, près de la ville de Marrakech.

Le passage de la tempête Daniel dans l’est de la Libye a provoqué l’effondrement de deux barrages à Derna dans la nuit de dimanche à lundi. Des torrents puissants ont détruit les ponts, provoqué d’énormes coulées de boue et emporté de nombreux immeubles avec leurs habitants.

Quand on voit les images de Derna, c’est clair que c’est une ville qui est anéantie.

François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire

L’aide extérieure commençait tout juste à arriver, mardi, plus de 36 heures après la catastrophe. Des vidéos montraient des dizaines de corps recouverts de couvertures dans la cour d’un hôpital. Une autre image montrait une fosse commune remplie de corps.

PHOTO JAMAL ALKOMATY, ASSOCIATED PRESS

Vue aérienne de Derna, frappée de plein fouet par le passage de la tempête Daniel

« L’horreur frappe encore, cette fois en Libye, alors qu’on dénombre des milliers de morts à la suite d’inondations dévastatrices. Je partage la peine de la communauté libyenne de Montréal et d’ailleurs. Nous vous soutenons pleinement durant cette épreuve difficile », a déclaré mardi sur X (anciennement Twitter) la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Un bilan qui risque de s’alourdir

Mardi, les secouristes locaux, y compris les militaires, les fonctionnaires, les bénévoles et les résidants, fouillaient les décombres pour retrouver les morts. Ils ont également utilisé des bateaux gonflables pour récupérer les corps dans l’eau.

PHOTO ESAM OMRAN AL-FETORI, REUTERS

Ces voitures se sont retrouvées empilées en bordure de mer, à Derna, signe de la puissance des inondations.

Le bilan risque encore de s’alourdir dans les prochains jours, a prévenu Tamer Ramadan, envoyé en Libye pour la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

C’est tellement un pays opaque, avec le conflit qui fait rage, qu’on a très peu de données fiables des autorités locales. On est dans une marge d’erreur importante. Il y a de fortes chances que le bilan augmente considérablement.

François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire

La dévastation causée par la tempête méditerranéenne Daniel a mis en évidence la vulnérabilité d’une nation déchirée par le chaos depuis plus d’une décennie. Le pays est divisé par des gouvernements rivaux, l’un à l’est et l’autre à l’ouest, ce qui engendre une négligence des infrastructures dans de nombreuses régions.

Un mur d’eau

Alors que la tempête frappait la côte dimanche soir, les habitants de Derna ont déclaré avoir entendu de fortes explosions et remarqué que les barrages à l’extérieur de la ville s’étaient effondrés. Le mur d’eau « a tout effacé sur son passage », a raconté un résidant de la ville, Ahmed Abdalla.

PHOTO ALI M. BOMHADI, FOURNIE PAR REUTERS

Secouristes s’activant autour d’un bâtiment lourdement endommagé, à Derna

« Il n’y a pas eu d’avertissement. Les populations ont été prises de court, dit François Audet. La Libye est un pays opaque depuis le départ de Kadhafi. C’est un pays qui est en guerre, qui est sous le contrôle de seigneurs de guerre et de groupes criminels, ce qui fait qu’il n’y a pas de pouvoir central qui s’occupe des alertes précoces. »

PHOTO ESAM OMRAN AL-FETORI, REUTERS

Scène de dévastation à Derna

De son côté, le Centre météorologique national de la Libye a soutenu, mardi, avoir diffusé des alertes à l’avance concernant la tempête Daniel, un « évènement météorologique extrême », 72 heures avant son apparition, et avoir informé toutes les autorités gouvernementales par courriel et par l’intermédiaire des médias, « les exhortant à prendre des mesures préventives ».

L’aide internationale arrive en renfort

Le gouvernement de l’ouest de la Libye, établi à Tripoli, a envoyé un avion avec 14 tonnes de matériel médical et du personnel de la santé à Benghazi, à 250 kilomètres à l’ouest de Derna. Des avions sont arrivés mardi à Benghazi, transportant des équipes d’aide humanitaire et de secours en provenance d’Égypte, de Turquie et des Émirats arabes unis. L’Allemagne, la France et l’Italie ont déclaré qu’elles enverraient également du personnel de secours et de l’aide.

PHOTO AYMAN AL-SAHILI, REUTERS

Des habitants de Derna ont enterré les corps de victimes, mardi.

Le président américain, Joe Biden, a déclaré mardi dans un communiqué que les États-Unis enverront des fonds d’urgence aux organisations humanitaires et que le pays se coordonnait avec les autorités libyennes ainsi qu’avec l’ONU pour fournir un soutien supplémentaire.

Affaires mondiales Canada a dit suivre la situation de près, ajoutant ne pas avoir connaissance de Canadiens portés disparus ou morts à la suite de ces inondations.

Avec l’Agence France-Presse