De toutes les régions de la province, c’est la région de la Capitale-Nationale qui, de loin, devrait être la plus visitée par les Québécois cet été, avec 31 % des intentions de voyage, selon un sondage réalisé par la Chaire de tourisme de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) pour le compte du ministère du Tourisme*. Mais qui a encore les moyens d’y séjourner ?

Même en excluant les dates du Festival d’été ou des vacances de la construction, les chambres sous les 300 $ sont rares. Sur Booking.com, en inscrivant la nuitée du 12 au 13 août, deux hôtels proposaient cette semaine une chambre à environ 275 $ à Sainte-Foy. Autrement, tout était au-dessus des 300 $ et bien plus près des 400 $. Et à ce prix-là, on est encore loin de loger au Château Frontenac.

Comme on le dit un peu à la blague, « une semaine dans le Sud, c’est moins cher qu’une fin de semaine à Québec ! », lance Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme de l’UQAM.

« Le prix du voyage au Québec pose un défi » aussi bien pour les gens d’ici que pour les autorités qui planifient l’offre touristique, fait-il observer.

« Venez à Montréal, c’est moins cher ! », lance en riant Jean-Sébastien Boudreault, président-directeur général de l’Association hôtelière du Grand Montréal à l’intention des gens de l’extérieur de la métropole.

« C’est le jeu de l’offre et de la demande, et l’été… c’est comme ça, poursuit-il. Les Européens arrivent avec leur euro, les Américains, avec leur dollar. Et heureusement que les hôteliers font le plein pendant l’été […] parce qu’à Montréal, par exemple, ils ont perdu 90 % des gens d’affaires qui venaient pour une réunion d’une journée. Ça, c’est maintenant très, très rare, les réunions continuent de se tenir en virtuel. »

Québec a sa reconnaissance patrimoniale mondiale de l’UNESCO, ce n’est plus un petit joyau de province. C’est une splendeur, ça se sait et ça se paye.

Ce qui se reflète aussi dans les grilles de prix, à Montréal comme ailleurs au Québec, fait-il valoir, c’est le fait que ce qui est vendu, dans une nuitée, « ce n’est plus une salle de bains, un lit et une table de chevet ».

« Plusieurs hôteliers ont profité de la pandémie pour rénover leurs chambres d’hôtel afin d’améliorer l’expérience client. Il y a ça qui joue dans le prix de la chambre, aussi », précise-t-il, donnant l’exemple des restaurants d’hôtels qui sont aussi beaucoup plus haut de gamme.

Alupa Clarke, directeur général de l’Association hôtelière de la région de Québec, convient que la nuitée à Québec « n’est pas donnée », mais que les familles peuvent se rabattre « sur les hôtels de périphérie ». Les prix se comparent à la moyenne des grandes destinations canadiennes que sont Vancouver, Toronto, Montréal, Ottawa, Halifax et Calgary, fait-il valoir.

En juillet, le taux d’occupation anticipé est de 85 % à Québec, et de 90 % en août.

Il sera aussi intéressant de voir l’impact qu’auront à l’automne les nouveaux vols qui relieront directement Séoul à Québec (des vols nolisés de Korean Airlines).

Grosse saison touristique en vue

Sur les routes du Québec, il y aura du monde cet été. Le ministère du Tourisme prévoit une augmentation du nombre de touristes étrangers au Québec pour l’année 2023 (par rapport à 2022) de plus de 30 %. On attend quelque 4,2 millions de touristes canadiens hors Québec (+ 16 %), 2,2 millions de touristes des États-Unis (+ 67 %) et 1,6 million de touristes des autres pays (+ 43 %).

Ça grouillera dans les rues bucoliques de Québec, « où la gestion du flux touristique, particulièrement avec les bateaux de croisière, est un enjeu pour les résidants », souligne M. Vachon.

Dans ces conditions, les hôtels de Québec – particulièrement courus l’été, pendant le Carnaval, la semaine de relâche et à Pâques – n’ont donc pas à faire beaucoup d’efforts de marketing, suggère-t-on à M. Clarke, de l’Association hôtelière. Au contraire, rien n’est jamais acquis, rétorque-t-il. « Par exemple, les incendies de forêt ont amené beaucoup de gens à annuler leur séjour. Voyant le ciel à New York, des Américains pensaient qu’on était en feu, ils pensaient que c’était terrible à Québec. »

Il évoque aussi la visite du pape de l’été dernier à Québec. Les médias annonçaient « une capitale bondée », alors que les plaines d’Abraham étaient plutôt désertes.

Difficile, la petite escapade improvisée

Pour Montréal, malgré les prix élevés, il reste qu’il est assez facile de trouver à se loger en vacances. À Québec, dans les fins de semaine de pointe, c’est plus compliqué, comme c’est le cas pour nombre d’autres destinations. À Tadoussac, les sites comme Booking et Expedia n’affichent plus rien pour juillet ou août les fins de semaine et presque rien en semaine.

Il faut donc sortir des sentiers battus, mais pour aller où ? « Chez nous ! », lance Tourisme Outaouais. Sa présidente-directrice générale, Julie Kinnear, dit que sa région « est encore méconnue ».

La difficulté, c’est d’attirer les gens, mais une fois qu’ils l’ont découverte, ils sont enchantés et y reviennent.

Julie Kinnear, PDG, Tourisme Outaouais

Même pour une escapade de dernière minute – « Montréal n’est qu’à une heure d’ici », rappelle-t-elle –, il y a moyen de trouver un hébergement.

Ce qui frappe Marc-Antoine Vachon, de la Chaire de tourisme, c’est que cette année, même ceux qui ont des envies d’ailleurs – les plages du Maine, du New Jersey ou l’Europe – ont aussi le goût de faire un deuxième voyage, au Québec, pour lequel « ils ont eu un coup de cœur pendant la pandémie ».

Selon un sondage CAA, le pourcentage de Québécois qui pensent passer leurs vacances au Québec est en baisse de 8 points par rapport à 2022. C’est donc le cas de 57 % des gens en cet été 2023.

Tourisme Gaspésie est bien conscient de tout ça.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le rocher Percé, en Gaspésie

« Les différents sondages démontrent actuellement une reprise de l’intérêt des Québécois pour les séjours à l’extérieur de la province, remarque Joëlle Ross, directrice générale de Tourisme Gaspésie. Malgré la forte compétition entre les destinations au Québec et dans le monde, Tourisme Gaspésie demeure confiant pour la saison à venir. Un sondage maison révèle que les réservations sont semblables à celles de l’année dernière et qu’il demeure de la disponibilité, même pour le cœur de la saison. »

Et les pénuries de main-d’œuvre ?

Alupa Clarke, directeur général de l’Association hôtelière de la région de Québec, dit que ses membres rapportent ensemble une pénurie de 1250 employés sur le chiffre magique de 6500. Il assure que malgré cela, « on ne ferme plus de chambres ni d’étages » en raison du manque de personnel.

À Montréal, Jean-Sébastien Boudreault, président-directeur général de l’Association hôtelière du Grand Montréal, croit que la crise est passée. « La plupart de mes membres rapportent que le personnel est complet. »

* Du 21 au 27 avril 2023, la Chaire de tourisme Transat a mené un sondage pour le ministère du Tourisme auprès de 1006 Québécois qui envisagent de séjourner pour au moins une nuitée hors de leur domicile à l’été 2023.