(Québec) Des groupes représentant les Premières Nations se réjouissent d’un récent jugement qui conclut que les gouvernements se sont comportés de manière « déshonorante » en sous-finançant les corps de police autochtones.

L’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) et d’autres groupes demandent maintenant à Québec et à Ottawa d’appliquer la décision unanime rendue jeudi dernier par la Cour d’appel du Québec.

« C’est un autre exemple éloquent de racisme systémique qui doit cesser », dénonce Gilbert Dominique, chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh à Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean.

La Cour d’appel a ordonné la semaine dernière à Québec et à Ottawa de rembourser 1,6 million de dollars au conseil de bande de Mashteuiatsh. Elle conclut que les gouvernements se sont comportés de manière déshonorante en sous-finançant le corps de police de cette communauté innue.

La question des corps de police autochtones remonte à loin. Les relations entre policiers et autochtones sont difficiles depuis longtemps, rappelle la Cour, citant « l’abattage massif des chiens de traîneaux au Nunavik à la fin des années 1950 par les agents de la Gendarmerie royale du Canada et de la SQ ».

La Cour dénonce « l’insensibilité totale » de Québec

En 1990, le Groupe d’études fédérales de la politique sur le maintien de l’ordre dans les réserves indiennes publie un rapport qui conclut que les Premières Nations ont accès à des services de police de moindre qualité.

Une année plus tard, Ottawa adopte sa Politique sur la police des Premières Nations et balise la mise en place de corps de police autochtones. Cette politique prévoit qu’Ottawa financera 52 % du budget des corps de police autochtones, et les provinces, 48 %.

Or, depuis des années, les Premières Nations dénoncent un sous-financement. Le rapport de la commission Viens notait en 2019 que « le sous-financement des services policiers autochtones est un problème majeur et documenté de longue date ». Le rapport parle notamment des salaires des policiers autochtones au Québec, « souvent inférieurs de 40 ou même 50 % » à ceux des policiers de la Sûreté du Québec (SQ).

Devant la Cour d’appel, Québec a fait valoir que les communautés autochtones pouvaient choisir de recevoir les services de la SQ gratuitement, contrairement aux municipalités qui doivent payer. Cet argument n’a pas impressionné les juges.

Selon eux, Québec fait preuve « d’une insensibilité totale » en présentant un tel argument.

La commission Viens, nous l’avons vu, a conclu que la méfiance et l’insatisfaction des Premières Nations à l’endroit de la Sûreté du Québec n’avaient rien d’un caprice.

les juges de la Cour d’appel dans leur jugement

La poursuite des Innus de Mashteuiatsh visait à récupérer 1,6 million en déficit accumulé de 2013 à 2018 pour pallier ce sous-financement.

Le cabinet du ministre de la Sécurité publique ne veut pas dire si Québec entend se conformer à la décision ou interjeter appel. « Nous prenons le temps de bien analyser le jugement. Nous n’émettrons pas de commentaire pour le moment », indique l’attachée de presse de François Bonnardel, Roxanne Bourque.

Le jugement pourrait avoir des conséquences sur tous les autres corps de police autochtones au Québec et au Canada. Plusieurs communautés vont vouloir réclamer des sommes qui leur sont dues.

« Les gouvernements doivent en prendre acte et agir », estime le chef de l’APNQL, Ghislain Picard.