Moins d’un Canadien sur cinq a fait réparer son dernier objet électronique cassé ou en panne, révèle une analyse du groupe Équiterre. Dans un rapport dévoilé ce mardi, l’organisation environnementale démontre « une pratique de la réparation en déclin ». Pour contrer ce déclin, la création d’un droit à la réparation est préconisée.

Les membres du groupe Facebook Touski s’répare, une communauté de partage qui favorise la réparation des objets, en connaissent long sur les difficultés à remettre en état des appareils endommagés. « C’est la troisième bouilloire que je me fais remplacer. Je voulais voir ce qui ne fonctionnait pas, mais les vis sont triangulaires. Aucun moyen ! Les compagnies font en sorte qu’on ne puisse pas réparer et que l’on doive jeter », déplore une des membres, Jocelyne Gallien. Son exemple est loin d’être unique, plusieurs membres racontent volontiers leurs anecdotes de machines à laver ou d’imprimantes irréparables.

Les causes de ce déclin sont diverses et dépendent autant des habitudes de consommation que de l’évolution des produits, souligne le Rapport pour des appareils électroménagers et électroniques réparables au Canada. Téléphone qui ne s’ouvre plus, puces inchangeables, pièces introuvables, autant de raisons qui encouragent les propriétaires d’objets électroniques et électroménagers à acheter du neuf. Ces faits expliquent aussi que seulement 18,6 % des gens ont fait réparer leur dernier appareil brisé, selon un sondage d’Équiterre.

Il y a une grosse diversification et une complexification des appareils mis sur le marché. Ça augmente le prix de la réparation. Les appareils sont aussi de moins en moins conçus pour être réparés.

Amélie Côté, analyste chez Équiterre

Les habitudes des consommateurs jouent aussi un rôle. Entre 2020 et 2021, 50 % des personnes sondées par l’organisation environnementale ont par exemple acheté un téléphone intelligent neuf. Selon Antoine Boutet, réparateur d’appareils, ces achats sont en partie motivés par le besoin que créent les technologies. « Les consommateurs préfèrent acheter neuf en raison de la pression sociale autour d’eux. Je pense qu’ils ne cherchent pas plus un produit neuf qu’un produit avec de la nouveauté », nous explique-t-il. Pour Amélie Côté, d’Équiterre, les raisons sont davantage pratiques : « Les freins à la réparation sont la perception que les appareils sont irréparables et la hausse des coûts de réparation. La question du délai se pose aussi selon l’objet. »

Le coût reste pourtant ce qui motive le plus les consommateurs à réparer leurs objets, ainsi que les enjeux environnementaux. « Les motivations sont à la fois économiques et environnementales. Au Québec, il y a une sorte de sensibilisation au mode de vie durable », explique Sonia Gagné, présidente et directrice générale de Recyc-Québec, société d’État responsable de la récupération et du recyclage et soutien financier du rapport d’Équiterre.

Le Québec fait mieux

Selon ce même rapport, le Québec se différencierait du reste du Canada. Cette différence est avant tout culturelle, selon Sonia Gagné.

Le réflexe de réparation semble vraiment bien ancré chez nous. L’image de la réparation est positive pour les Québécois.

Sonia Gagné, présidente et directrice générale de Recyc-Québec

Même bilan du côté d’Amélie Côté : « Le mouvement de la réparation a fait beaucoup parler de lui au courant des dernières années au Québec. Il y a de nombreuses initiatives et une communauté pour la réparation. » En attestent les nombreux membres du groupe Touski s’répare, ainsi que les nouveaux cafés de réparation et autres structures de plus en plus présentes dans la province.

Quelles solutions ?

Après les constats, les solutions. Elles résident en premier lieu dans la définition d’un droit à la réparation qui, selon Amélie Côté, permettrait lui-même d’instaurer des contraintes législatives. Celle par exemple d’un indice de réparabilité et de durabilité, déjà testé par Recyc-Québec, mais encore absent des emballages. Le rapport propose d’autres solutions, comme la création d’une écofiscalité ou la mise à disposition d’outils de réparation.

Recyc-Québec et Équiterre ne se limitent d’ailleurs pas à encourager les mesures permettant la réparation. « L’objectif ultime est que les objets n’aient plus besoin d’être réparés, parce que l’on souhaite qu’ils soient plus durables en plus d’être réparables. Ça aiderait à réduire leur impact environnemental et économique pour les ménages », affirme Amélie Côté. Une solution qu’encourage aussi Recyc-Québec : « On ne doit pas parler que de réparation. On peut remonter dans la chaîne déjà au moment de l’achat. Un appareil qui est réparable, qui est durable, peut être favorisé », confirme Sonia Gagné.

En 2019, le député Guy Ouellette proposait d’ailleurs le projet de loi 197 qui modifie la Loi sur la protection du consommateur afin de lutter contre l’obsolescence programmée et pour la réparation des biens, réinscrite dans la législature le 20 octobre 2021.

Consultez une carte interactive des réparateurs au Québec