Un demandeur d’asile débouté et menacé d’expulsion le 30 septembre prochain implore les autorités québécoises et canadiennes de prendre sa « vie en considération ». Car s’il doit retourner en Côte d’Ivoire, son pays d’origine, sa vie pourrait être sérieusement menacée.

« Tout pourrait m’arriver. Je ne sais pas ce qui m’attend là-bas, mais je sais que ce ne sera pas bon pour moi. Ça ne sent pas bon. Je crains assurément pour ma vie », lance Mamadou Konaté, en entrevue à La Presse.

Originaire de la Côte d’Ivoire, M. Konaté s’est établi au Québec en 2016 pour fuir la guerre civile. Durant la pandémie, il a travaillé comme préposé à l’entretien ménager en zone rouge dans trois CHSLD, dont l’un où il a contracté la COVID-19. En septembre 2020, l’homme de 41 ans s’est rendu de manière volontaire à l’Agence des services frontaliers du Canada, afin de régulariser son statut. Sa demande d’asile a alors été rejetée et il a été arrêté sur place.

La raison était qu’au début des années 2000, alors que la Côte d’Ivoire était au bord d’une guerre civile, M. Konaté s’était impliqué dans un groupe rebelle qui cherchait à renverser le gouvernement.

« Tellement stressant »

C’est au début septembre que la décision du gouvernement fédéral est tombée : l’ancien « ange gardien », qui est aujourd’hui préposé à l’entretien à l’Université Concordia, devra quitter le pays dans un peu plus de deux semaines, le 30 septembre. « J’ai pourtant fait tout ce qu’on doit faire dans la société, pour avoir ma place au Québec. Je travaille comme tout le monde, je contribue. Je me suis fait des amis, un réseau. Et je n’ai commis aucun délit », glisse M. Konaté, en demandant aux autorités de revoir leur décision.

« Tout ça affecte vraiment ma santé mentale. C’est tellement stressant. Et ça me fatigue énormément. Je commence même à me sentir malade. Le gouvernement doit prendre ma vie en considération », dit Mamadou Konaté.

Aujourd’hui, le principal intéressé affiche ouvertement son soutien à Guillaume Soro, l’ex-premier ministre de la Côte d’Ivoire qui est en exil politique depuis qu’il a annoncé son intention de briguer la présidence en 2020. « Disons que le régime actuel en Côte d’Ivoire n’est pas très compréhensif avec les gens qui soutiennent l’opposition. Il y a donc des risques importants au retour de Mamadou. Il serait en danger d’arrestation, de détention et de torture », plaide son avocat, MGuillaume Cliche-Rivard.

Le juriste, qui est spécialisé en immigration, assure d’ailleurs avoir « tracé une ligne » entre le dossier de M. Konaté et son implication avec Québec solidaire, avec qui il se présente dans Saint-Henri–Sainte-Anne cette année. « J’ai fait tout ça dans deux chemins séparés. C’est une question d’éthique pour moi », lance-t-il, rappelant toutefois que les solidaires ont soutenu son client à maintes reprises par le passé.

Trois nouvelles demandes

MCliche-Rivard, qui a repris le dossier il y a quelques semaines, affirme avoir déposé trois nouvelles demandes aux autorités dans le dossier de Mamadou Konaté. « La première, ç’a été une demande d’examen des risques à son renvoi. Ça fait quatre ans, depuis 2018, que ça n’a pas été fait. Or, la situation a bien changé depuis cette époque-là en Côte d’Ivoire. Le Canada ne peut pas renvoyer quelqu’un vers la torture », fait-il valoir en ce sens.

« On a aussi fait une nouvelle demande de permis de séjour temporaire (PST) pour lui accorder un statut, sur la base de tout l’appui de la collectivité qu’il a », ajoute l’avocat, en référence à la mobilisation importante pour éviter son expulsion dans les deux dernières années, qui a permis à M. Konaté d’obtenir un sursis en novembre 2021.

La troisième demande est toutefois plus « urgente » : une lettre a été envoyée à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le temps que « tout soit évalué ». « C’est surtout là-dessus qu’on anticipe une réponse rapide. Mais sinon, on ira devant la Cour fédérale pour obtenir un autre sursis. Je suis même prêt à me rendre à la Commission des droits de l’homme de l’ONU s’il le faut. On ira jusqu’au bout », lance à ce sujet M. Cliche-Rivard.

En août 2020, Ottawa et Québec avaient annoncé la mise en place d’un programme visant à permettre aux demandeurs d’asile qui ont travaillé en soins pendant la pandémie de rester de façon permanente dans la province. Le gouvernement fédéral a toutefois restreint le programme de régularisation pour retirer des professions admissibles comme les préposés à l’entretien ou les gardiens de sécurité, à la demande du premier ministre sortant, François Legault.