La plus grosse association de propriétaires estime qu’à travers le Québec, quelque 13 000 de leurs membres seraient aux prises avec des locataires qui sous-louent à leur insu et dans l’illégalité leurs appartements à des plateformes de type Airbnb.

« Ces locations se font sans permis, de façon illégale, sans que les revenus soient déclarés et sans que les propriétaires soient consentants », dénonce Marc-André Plante, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).

« Souvent, les appartements sont loués pour la semaine du Grand Prix, pour les vacances de la construction ou à Noël », indique-t-il.

C’est à la suite de plusieurs coups de fil de propriétaires que la CORPIQ a pensé à sonder à l’interne ses membres (sur la base d’un échantillonnage représentatif, mais sans validation scientifique) pour cerner l’ampleur du problème.

Des propriétaires constatent que leurs locataires se font plus d’argent souvent en une seule semaine qu’eux-mêmes en reçoivent en un mois.

Marc-André Plante, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales de la CORPIQ

Le bruit et la détérioration des logements comptent parmi les autres sources de frustration des propriétaires, enchaîne-t-il.

La CORPIQ appelle à l’action

La CORPIQ somme le gouvernement d’agir et elle interpelle tous les partis politiques. « La commercialisation des logements par des locataires doit être mieux surveillée », plaide M. Plante.

Depuis 2020, toute personne qui veut afficher son appartement pour des périodes de 31 jours ou moins sur une telle plateforme doit obtenir une attestation de classification de la Corporation de l’industrie du Québec. Les demandeurs doivent notamment fournir le titre de propriété, le compte de taxes municipales ou le contrat de location, une preuve d’assurance responsabilité civile d’au moins 2 millions, un exemplaire de la déclaration de copropriété s’il s’agit d’un condo ou une autorisation du propriétaire si la personne n’est que locataire.

Si de telles demandes étaient réellement faites, les propriétaires en seraient automatiquement informés. Ce n’est très souvent pas le cas, dit M. Plante.

Au surplus, poursuit-il, les locations se font dans des secteurs – notamment au centre-ville de Montréal – où la location à court terme est interdite de toute façon.

La CORPIQ réclame des amendes aussi salées qu’en France, où Airbnb et une locataire ont par exemple été solidairement condamnés à payer 58 000 euros (76 000 $) dans une cause de sous-location illégale.

Revenu Québec et Montréal se renvoient la balle

Marikym Gaudreault, attachée de presse du comité exécutif de la Ville de Montréal, indique par courriel que la Ville « aimerait voir augmenter le nombre d’inspecteurs de Revenu Québec dédiés à Montréal et pour assurer l’imputabilité des plateformes en ligne ».

« La loi qui encadre l’hébergement touristique de type Airbnb relève du provincial. Revenu Québec a les pouvoirs d’inspection et d’enquête en la matière. L’agence a la responsabilité de déployer un nombre suffisant d’inspecteurs sur le terrain pour freiner l’hébergement touristique illégal et veiller à ce que les exploitants paient les taxes sur leurs revenus locatifs. »

« Nous sommes très sensibles aux impacts des plateformes de location courte durée qui nuisent au parc locatif », dit-elle aussi, rappelant que plusieurs arrondissements des quartiers centraux ont limité la location touristique commerciale à des secteurs très précis.

Pour sa part, Revenu Québec nous a répondu en nous dirigeant vers un communiqué datant du 28 juin. Il y est indiqué que 3812 inspections ont été faites dans des établissements d’hébergement touristique du 1er avril 2021 au 31 mars 2022. « Celles-ci ont entre autres mené à l’émission de 584 avertissements et de 1961 constats d’infraction. De plus, 1099 condamnations ont été obtenues, pour des amendes totales de près de 4,3 millions de dollars. »

Revenu Québec a au même moment rappelé aux citoyens leurs obligations légales et fiscales, tout en soulignant son pouvoir limité. « Un propriétaire conforme à la loi d’un point de vue fiscal pourrait, par exemple, être illégal dans l’arrondissement où il se trouve », souligne le Ministère.

Un article du Soleil publié plus tôt ce mois-ci évoquait le cas d’une citoyenne qui, ayant reçu une amende de 3700 $ de Revenu Québec, a présenté une demande d’accès à l’information pour savoir ce qui sous-tend la remise d’un constat d’infraction plutôt qu’un simple avertissement.

La réponse : « Revenu Québec ne détient aucun document spécifique portant sur les règles ou les paramètres d’envoi d’un avertissement ou d’un constat d’infraction par les inspecteurs pour l’application de ces Lois. »

Et s’il y a sinistre ?

S’il y a sinistre, que la sous-location s’est faite à l’insu du propriétaire et que le locataire n’a pas d’assurance, qu’arrive-t-il ?

Au Bureau d’assurance du Canada, Anne Morin, responsable des affaires publiques, dit qu’« il faudrait vérifier la nature du contrat souscrit par le propriétaire et le sinistre à l’origine des dommages pour savoir s’il y aurait couverture d’assurance. Il ne serait pas étonnant non plus que si on invoque la responsabilité du locataire, on doive aussi analyser le bail qui lie le propriétaire et son locataire ».

Elle fait surtout observer qu’une police d’assurance habitation, pour un propriétaire ou un locataire, « n’est pas conçue pour couvrir des activités de nature commerciale ».

Airbnb n’a pas fait de commentaires.