(Ottawa) La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a accusé la Russie d’essayer d’aggraver la crise avec l’Occident en bombardant une garderie dans l’est de l’Ukraine.

Le Canada condamne fermement l’activité militaire russe non provoquée dans la région ukrainienne du Donbass, a dit Mélanie Joly dans une déclaration écrite jeudi soir. « Des civils innocents ont été mis en danger par cet effort manifeste de la Russie pour aggraver la crise. Nous saluons la retenue dont a fait preuve l’Ukraine », a-t-elle ajouté.

Le commandement militaire ukrainien a déclaré que des obus avaient touché une garderie à Stanytsia Luhanska, blessant deux éducateurs et coupant l’électricité dans la moitié de la ville. L’Ukraine a accusé les séparatistes d’avoir bombardé ses troupes, mais a déclaré qu’elles n’avaient pas riposté.

« Nous continuerons à travailler avec nos alliés pour coordonner nos réponses afin de dissuader toute nouvelle agression russe. Toute nouvelle incursion militaire en Ukraine aura de graves conséquences, notamment des sanctions coordonnées », a déclaré Mme Joly.

Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy a déclaré sur Twitter que le bombardement « par les forces prorusses est une grande provocation ».

La ministre de la Défense, Anita Anand, est sortie jeudi de deux jours de réunions au siège de l’OTAN en rassurant ses collègues de l’engagement du Canada, mais sans nouvelle promesse de renforts pour protéger de la Russie les alliés d’Europe de l’Est.

Mme Anand a plutôt suggéré que la capacité des Forces armées canadiennes à déployer des troupes et de l’équipement supplémentaires en Europe de l’Est était limitée en raison de ses nombreux autres engagements au pays et ailleurs dans le monde.

« Le problème, c’est que le Canada et les Forces armées canadiennes sont déployés dans plusieurs régions en même temps, a-t-elle déclaré jeudi à Bruxelles. Et ce que nous faisons maintenant, c’est d’examiner les moyens par lesquels le Canada peut renforcer sa présence dans la région d’un point de vue opérationnel. »

La ministre a également été évasive lorsqu’elle a été interrogée sur le calendrier d’une décision en ce sens, affirmant qu’elle était en pourparlers avec le chef d’état-major, le général Wayne Eyre, et d’autres hauts responsables de la Défense. Elle a simplement indiqué que « nous serons en mesure de prendre des décisions fermes à court terme ».

Mme Anand s’exprimait à la fin d’une conférence de presse à Bruxelles, où les ministres de la Défense des 30 pays de l’alliance transatlantique ont été saisis au cours des deux derniers jours du récent déploiement militaire massif de troupes russes autour de l’Ukraine et de la menace d’une nouvelle guerre en sol européen.

La fin de la réunion a coïncidé avec une résurgence des craintes de conflit, alors que le président américain, Joe Biden, prévenait que la Russie pourrait envahir l’Ukraine d’ici quelques jours, et que la violence montait encore d’un cran dans l’est de l’Ukraine.

S’exprimant à la Maison-Blanche, M. Biden a déclaré que Washington n’avait vu aucun signe d’un retrait russe promis, ajoutant que la menace d’invasion demeurait « très élevée », parce que la Russie a déplacé plus de troupes vers la frontière ukrainienne au lieu de les retirer.

Quel retrait ?

M. Biden a aussi indiqué aux journalistes jeudi que les États-Unis avaient « des motifs de croire » que Moscou était « engagé dans une’opération sous fausse bannière’, dans le but d’avoir une excuse pour entrer en Ukraine », mais il n’a pas fourni plus de détails.

La Russie aurait rassemblé quelque 150 000 soldats et des équipements militaires autour des frontières de l’Ukraine. Le Kremlin assure que la Russie n’a pas l’intention d’envahir, mais a demandé à l’OTAN de retirer ses troupes d’Europe de l’Est et de promettre de ne jamais admettre l’Ukraine au sein de l’alliance militaire.

Mme Anand s’est jointe au président Biden et au secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, pour rejeter les affirmations de Moscou selon lesquelles la Russie retirait des troupes de la frontière avec l’Ukraine.

La ministre Anand ne s’est pas retenue d’imputer à Moscou la responsabilité de la crise actuelle, alors qu’elle assurait la solidarité constante du Canada avec l’Ukraine et l’OTAN, y compris ses membres les plus à l’est, limitrophes de la Russie.

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé cette semaine que le Canada octroyait un prêt de 500 millions et fournissait 7,8 millions d’armes et de munitions à l’Ukraine.

Pourtant, alors que d’autres membres de l’OTAN ont déployé des troupes supplémentaires pour renforcer la présence de l’alliance en Europe de l’Est, le Canada ne l’a pas fait, malgré les demandes de renforts de certains pays, dont la Lettonie.

Une question de capacité

La ministre Anand a souligné jeudi que le Canada compte déjà 540 soldats à la tête d’un groupement tactique en Lettonie, dont les rangs comprennent des troupes et du matériel militaire de neuf autres pays membres de l’OTAN, avec pour tâche principale de se protéger contre une attaque russe.

« Il s’agit de notre plus importante opération militaire internationale, a-t-elle déclaré. Et lors de la réunion d’aujourd’hui (jeudi), j’ai réitéré notre engagement à continuer de renforcer la sécurité du flanc oriental de l’alliance dans son ensemble. »

Mme Anand a reconnu que des membres de l’OTAN comme la Lettonie, dont le gouvernement a publiquement demandé des renforts, aimeraient voir plus d’aide canadienne, mais la ministre a indiqué que la question en est une de capacité de Forces armées canadiennes.

« Le monde veut plus de Canada et aimerait voir une présence canadienne non seulement sur le flanc est, mais dans d’autres juridictions et pays, a-t-elle déclaré. Ce que nous faisons actuellement à la Défense, c’est de répondre à notre capacité de continuer à fournir à plusieurs endroits. »

L’amélioration de la présence du Canada en Europe de l’Est, a-t-elle ajouté, « figure tout en haut de ma liste de priorités ». Cependant, Mme Anand a déclaré qu’elle ne serait pas pressée et qu’elle « était plutôt très méthodique et très prudente » avant qu’une décision ne soit prise.

Les Forces armées canadiennes affirment qu’elles comptent environ 2000 militaires déployés dans 20 opérations différentes au Canada et dans le monde. Il s’agit notamment de grands déploiements en Irak et au Moyen-Orient, en Ukraine et sur des navires en Europe et dans la région Asie-Pacifique.

L’armée a également fourni un soutien à des provinces canadiennes pendant la pandémie de COVID-19, même si elle avait du mal à recruter et à former de nouveaux membres — et est même en train de libérer des centaines de soldats qui ont refusé de se faire vacciner.

Les forces armées devraient compter environ 100 000 soldats au total, mais il manquait environ 10 000 membres fin novembre ; 10 000 autres militaires étaient répertoriés comme indisponibles pour le service parce qu’ils n’étaient pas adéquatement formés ou qu’ils étaient malades ou blessés.