(Ottawa) L’opération de relocalisation s’est mise en branle à Ottawa, lundi. Au compte-gouttes, des camions ont commencé à se déplacer (ou à se faire déplacer) vers des artères autorisées par le maire de la ville. Mais des irréductibles signalent qu’ils ne bougeront pas, et dans plusieurs habitacles, la menace formulée par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, est accueillie avec un haussement d’épaules.

Le maire d’Ottawa, Jim Watson, avait prévenu une représentante du convoi, Tamara Lich, qu’il souhaitait « voir une démonstration claire que le convoi de camionneurs quittera les quartiers résidentiels avant midi », lundi.

Il y a eu du mouvement : en après-midi, dans la rue Wellington, on aurait cru avoir sous les yeux un jeu de Tetris format géant. Par un froid sibérien, des véhicules avançaient, reculaient, et manœuvraient pour faire de la place aux petits nouveaux.

Parfois sous escorte policière, des pâtés de maisons ont été libérés des mastodontes, inspirant un soupir de soulagement au premier magistrat d’Ottawa. « Les organisateurs du convoi ont commencé à [respecter] leur engagement de déplacer plusieurs camions du quartier résidentiel au sud de Wellington. Il s’agit d’une opération complexe de plusieurs jours en appui à nos résidants », a-t-il écrit sur Twitter.

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Un policier d’Ottawa discute avec un camionneur.

Ce plan, Monique n’y croit pas une seconde. « C’est évident que ça ne fonctionnera pas ! Ils ne partiront pas », lance spontanément cette résidante du quartier Centretown. « Le maire a conclu une entente avec une des organisatrices, mais ça a été aussitôt renié par un autre », se désole-t-elle.

Dimanche soir, après que la mairie d’Ottawa eut dévoilé l’échange épistolaire entre Jim Watson et Tamara Lich, daté du 12 février, une autre figure de proue du « convoi de la liberté », Pat King, a publié sur sa page Facebook une vidéo intitulée « PERSONNE NE BOUGE ». « C’est un mensonge. […] Aux camionneurs, dans leurs véhicules : ne bougez pas », a-t-il insisté.

Le message est souvent entendu par Jake et Lynette, de Saskatoon, en Saskatchewan.

« Chaque jour, on nous dit de rester là. On s’occupe de nous, on nous nourrit. Et si on bouge d’ici, rien ne nous garantit qu’ils nous permettront de rester à Ottawa », expose Jake, dont le véhicule est stationné dans la rue Kent. Cette artère était toujours bondée de camions, lundi soir, sur plusieurs centaines de mètres.

« Nous allons gagner »

La mise en garde servie aux camionneurs par la ministre Freeland (voir autre texte) n’a pas semblé entamer la détermination de ceux qui ont ouvert la porte de leur véhicule à La Presse. « Regardez devant vous et derrière vous. Vous avez votre réponse », a réagi succinctement Mark, de Stratford, en Ontario, au milieu du convoi de la rue Wellington.

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Une personne fixe des contenants de carburant vides et des réservoirs de propane à un véhicule.

« Ils essaient juste de nous faire peur. Ça ne me fait pas peur. Le gouvernement pense qu’il va gagner, mais nous allons gagner. En fait, nous avons déjà gagné », lance en riant Luis, de Kitchener, en Ontario, derrière son volant.

Le convoi campé sur sa position

La décision du gouvernement Trudeau d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence a été accueillie avec la même indifférence.

« Nous n’avons pas peur », a tranché lundi Tamara Lich, lors d’une conférence de presse à Ottawa.

« Nous allons demeurer pacifiques, mais implantés, sur la colline du Parlement jusqu’à ce que les mandats prennent fin, sans équivoque », a-t-elle ajouté.

La séance a tourné au vinaigre lorsqu’un journaliste de CTV a demandé si l’on pouvait avoir la certitude que les protestataires installés à Ottawa n’étaient pas armés.

« Mensonges ! Mensonges ! », l’ont enterré des gens dans la salle. La conférence a alors pris fin.

Alberta : les protestataires commencent à libérer Coutts

Le reporter faisait référence à une saisie d’armes à Coutts, en Alberta – ce point d’entrée entre le Canada et les États-Unis est le théâtre d’un blocage depuis plusieurs jours. Les protestataires ont commencé à quitter le blocus en soirée.

PHOTO TIRÉE DE TWITTER

Armes saisies par la GRC à Coutts, en Alberta

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a annoncé lundi avoir confisqué 13 armes d’épaule, des armes de poing, plusieurs ensembles de gilets pare-balles, une machette, une grande quantité de munitions ainsi que des chargeurs de grande capacité. Le coup de filet de la police fédérale est survenu « aux premières heures », dans trois remorques qui faisaient partie du convoi.

On a dit que le groupe était prêt à utiliser la force contre la police si l’on tentait de perturber le blocus.

La GRC, par voie de communiqué

Deux autres personnes ont été arrêtées au courant de la journée, dont l’une transportait des armes à feu. L’autre conduisait un semi-remorque qui a foncé sur un poste de contrôle de la GRC avant de faire une embardée.

Treize personnes au total ont été arrêtées et placées en détention.

Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a écrit lundi soir sur Twitter que le blocus pourrait prendre fin mardi matin.

Avec Lila Dussault, La Presse