La rhétorique guerrière de Vladimir Poutine concernant l’Ukraine a des échos jusqu’au Québec, où des citoyens d’origine ukrainienne craignent de voir le pays d’Europe de l’Est « avalé morceau par morceau » par son voisin russe.

« On ne parle que de ça. C’est très difficile de voir ce qui se passe et c’est très énervant. On ne peut rien faire », indique la présidente de la Fédération nationale ukrainienne du Canada, Katherine Smolynec.

« Tous les matins, on regarde les nouvelles et on a de l’empathie pour nos compatriotes », dit-elle.

Son père, âgé de 96 ans, est bouleversé. « Ces jours-ci, il a décidé de fermer la télé parce que ça lui fait trop de peine. Il ne dort pas la nuit. Il a commencé sa vie dans la guerre et il la finit avec les mêmes craintes qu’en 1939 », se désole Mme Smolynec.

Roman Serbyn, historien canadien d’origine ukrainienne et professeur à la retraite de l’Université du Québec à Montréal, a aussi les yeux tournés vers l’Ukraine.

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Roman Serbyn, historien canadien d’origine ukrainienne et professeur à la retraite de l’Université du Québec à Montréal

On est inquiets de la situation, mais aussi de l’impact des politiques expansionnistes de Vladimir Poutine sur l’Europe, et sur le monde dans son ensemble.

Roman Serbyn, historien canadien d’origine ukrainienne

Poutine veut accomplir le rêve d’une Russie formant un État homogène mis de l’avant par Staline, et affirme que les Ukrainiens sont des Russes, dit-il. « Les Ukrainiens ne sont pas des Russes, ils parlent une langue différente, leur histoire est différente, leur culture est différente. Poutine rêve d’assimilation, et c’est ce qu’il a commencé dans l’est de l’Ukraine, où les enfants apprennent désormais qu’ils sont des Russes. C’est une campagne génocidaire qui est en cours. »

Des « annexionnistes » plutôt que des « séparatistes »

M. Serbyn sursaute lorsqu’il est question de « séparatistes » présents en Ukraine. « Ce ne sont pas des séparatistes, ce sont des annexionnistes. Ils ne veulent pas former leur propre pays, ils veulent faire partie de la Russie. Ce n’est pas la même chose. »

Selon lui, Poutine ne veut pas bombarder Kiev. « Il ne veut pas détruire physiquement Kiev, parce qu’il le considère comme la première capitale de l’histoire de la Russie. Kiev a été fondé bien avant Moscou », rappelle-t-il.

Ma crainte, c’est de voir Poutine avaler morceau par morceau l’Ukraine pour former la Russie homogène qu’il imagine.

Roman Serbyn, historien canadien d’origine ukrainienne

Le monde entier parle d’une « invasion potentielle », mais il ne faut pas oublier que Vladimir Poutine a déjà pris par la force une partie substantielle de l’Ukraine, avec l’invasion de la Crimée et du Donbass, en 2014, explique Evhen Osidacz, un Montréalais d’origine ukrainienne qui suit de près les derniers développements.

« Si on parle d’une invasion russe totale, on parle de dizaines de milliers de morts. Pas seulement du côté ukrainien, mais du côté russe aussi. Des générations vont souffrir si Poutine décide d’aller de l’avant. »

L’Ukraine sert de « tampon » entre l’OTAN et la Russie, dit-il. « Il y a une énorme campagne de désinformation en Russie, où l’on dépeint l’Ukraine comme l’agresseur. L’Ukraine n’a rien d’un agresseur : son armée est beaucoup plus petite que l’armée d’une superpuissance comme la Russie. »